Lettre 46

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Cher Naiden,

Écrire une lettre est ringard ? Je suis ringarde alors.
Écrire une lettre c'est pour les allumés ? Je suis une allumée alors.
Sache que toute remarque sur le fait d'écrire des lettres, je pourrais les retourner. Non pas à mon avantage, mais de manière à ce qu'elles soient aussi coupantes pour moi qu'une cuillère à café. C'est à dire, pas du tout blessantes.

Je t'ai connu quand j'étais en 5ème, 4ème, en fait, je ne me rappelle plus trop exactement. C'était un jour ou je rentrais du collège, seule, parce que forcément, ce jour là mes amies rentraient en voiture, et puis toi tu étais en train de venir face à moi, avec tellement d'assurance, sur ton skate. Tu avais vraiment ce style du jeune, celui avec le jean large et la casquette à l'envers, celui de la coupe coiffé-décoiffé et des baskets montantes.
Je rentrais donc, parfaitement innocemment, tu étais sur le trottoir opposé au mien, tranquille.
À vue d'œil je t'aurais donné mon âge, peut-être un ou deux ans de plus, mais en réalité, et sans vouloir te vexer, je ne me souviens plus trop de ton visage, mais c'était il y a déjà un bout de temps.
Et puis parfaitement comme une cruche, j'ai trébuché sur un trou dans le béton, une chute tout à fait risible et ridicule puisque ça faisait déjà 1 ou 2 ans que je prenais ce trajet tous les jours.
Je ne t'avais pas encore remarqué. J'étais bien trop la tête dans les nuages.
Puis donc je suis tombée. Je suis littéralement allée dire bonjour au sol, et mon menton à bien pris, je me souviens avoir gardé l'égratignure environ une semaine.
Je suis tombée, et toi, tu t'es arrêté, depuis le moment où j'étais en l'air à celui où je me relevais, ton skate sous le bras, et bel et bien arrêté, sur le trottoir d'en face.
Une fois relevée, j'ai essayé de vérifier si personne ne m'avait vu, mais c'était visiblement trop demander.
Puis on s'est regardés, que dis-je, défiés du regard, une bonne minute je dirais, à moins que ce ne soit plus, ou moins, je ne sais plus. Le temps que je me remettes bien debout, je suppose. Puis tu as ri, comme si l'inquiétude devait sortir comme ça. C'est sorti, et sur le coup, ça m'a vexé. Un grand qui se moquait de moi, alors que j'avais mal, c'était le pompon. Je crois que j'avais plus mal à l'égo qu'autre chose mais bon.
Je suis partie "la tête haute", mais seulement dans ma tête de gamine, je devais juste avoir l'air d'une enfant qui joue à la grande.

Deux ans, ou trois, on se retrouve, là. Face à face, à nouveau. Les rôles s'inversent.

Aujourd'hui, c'était ma rentrée en seconde. Je suis venue, en parfaite boule de stress ambulante, hâtive de savoir ma classe, mes professeurs et mon emploi du temps. Avide de connaître ce nouvel endroit qu'est le lycée. Mais lassée d'avance par mes futurs cours en perspective.
Je cherchais donc mon nom, sur une quelconque liste affichée, dans un endroit d'ici.
Je l'ai finalement trouvée dans le grand hall, enfin, il serait plus correct de dire que j'ai trouvé une véritable masse de secondes en devenir plantés au même endroit.
J'ai joué des coudes, poussé, marché sur des pieds, me suis faite pincer, pour arriver devant ladite liste.
Seconde B. Avec un certain Sparks Naiden comme tuteur.
Je ne connaissais personne, à part quelques têtes de ci de là, mais rien d'incroyable.
Quand tu étais là. Toi et les autres terminales, avec vos stupides pancartes avec écrit le noms des secondes sous votre charge.
Quand je t'ai vu de loin j'ai soufflé de soulagement, tellement j'étais heureuse d'avoir trouvé quelque chose facilement aujourd'hui.
Ce fut de courte durée.
D'abord, je ne t'ai pas trop reconnu. Tu avais les cheveux plus courts, mais ça t'allait bien.
Puis je me suis rapproché et là, eh bien, je t'ai reconnu.
Toi, le type en skate qui s'était foutu de moi au collège.
Je savais bien que tu ne t'en souvenais pas.
Je le sais.
Mais quand je t'ai vu ce matin je me suis dit "pourquoi moi ?".
Va savoir, je suis mortifiée a l'idée de te parler ou, pire, que tu me reconnaisse.
Cet après midi s'annonce mémorable.
J'ai hâte.
Mais il faut que je te laisse. Je te raconterai la suite plus tard, c'est la pause déjeuner, et je dois bien me faire un ou deux amis ici. D'ailleurs, ma voisine à l'air sympa et aussi paumée que moi ! On va bien s'entendre, je le sens.
À plus tard,

Calypso

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