Céleste (en pause)

V - L'eau

- Il doit bien y avoir une douche quelque part, pensa Thalia à voix haute.

- C'est vrai qu'il serait peut-être temps d'y songer... souffla Hikari.

- Qu'est-ce que tu as dit ? lui demanda son interlocutrice inopinée en passant la tête hors de la salle d'eau.

- Non rien, viens par là, je vais te montrer, moi aussi je dois me doucher de toute façon, répondit-elle innocemment.

- Une minute, répondit Thalia en empoignant sa serviette et sa pile d'habits.

Hikari était déjà sortie dans le couloir, qu'elle avait commencé à longer.

- Tu n'as pas pris de shampoing ? s'étonna Thalia. Je comptais sur toi...

- Pas la peine, il y en a à la salle de bain, répondit l'accusée en pointant du doigt une porte sans numéro.

- Il n'y en a qu'une seule, constata Thalia. C'est mixte...?

- Cet étage est uniquement féminin alors tu ne risques pas d'y trouver un torse viril à pourchasser, rit Hikari.

Thalia esquissa un sourire en lui donnant un coup de coude alors qu'elles passaient la porte désignée plus tôt. Elles entrèrent dans une salle spacieuse, recouverte d'un grand carrelage noir comme l'abysse. Thalia prit garde à ne pas glisser sur ce sol lisse et humide. Il flottait dans l'air vaporeux un doux parfum floral et on n'entendait que le son des jets d'eau qui martelaient le carrelage. Le bruit venait du mur de gauche, où s'alignait une rangée de cabines de douches d'une taille plus qu'appréciable, séparées par des parois de pierre assorties au carrelage. Elles faisaient face à un mur-miroir et, dans le fond de la pièce, était taillé un rebord sur lequel s'étendaient des dizaines de shampoings et de gels douche de toutes les formes et couleurs imaginables.

Hikari râla parce que son shampoing préféré était déjà utilisé et vint piquer ce qu'elle nomma son "plan b". Quant à Thalia, elle prit le temps d'en choisir un à l'odeur agréable et aux facultés adaptées. Elle se glissa ensuite dans la première cabine de douche venue et referma la porte noire derrière. Elle prit plaisir à se dévêtir et à entrer sous l'eau chaude, profitant de ce moment d'intimité. Elle avait assez d'espace pour déposer ses vêtements et sa serviette à l'abri du jet ainsi qu'un deuxième compartiment pour se rhabiller au sec. C'était luxueux, surtout pour une salle de bain commune. Elle entendait, depuis la douche d'à côté, un chant entraînant dans une langue qui lui était inconnue.

Thalia fit monter encore la température, puisqu'elle avait l'habitude de prendre ses douches bouillantes, au grand dam de sa mère. Amélie râlait toujours lorsqu'elle venait à la suite de sa fille, car elle trouvait la température insoutenable, et toute la minuscule pièce se retrouvait embuée pour un bon moment.

L'eau faisait un bien fou à la jeune femme, qui sentait enfin son corps se détendre et ses pensés s'apaiser à la façon d'un lac dont la surface redeviendrait lisse et calme. C'était comme cela qu'elle se représentait l'esprit, à la manière d'un lac, une seconde paisible, l'autre secoué par l'ouragan. Les métaphores de l'eau lui venaient spontanément, elle que l'océan fascinait malgré leur histoire commune compliquée.

Au fond de son cœur, Thalia souhaitait ses dons venus de la Lune car apprivoiser cet élément qu'elle aimait autant qu'elle détestait était devenu une sorte d'obsession pour elle.

- Bon l'amie, je ne resterai pas plantée là toute l'éternité, râla Hikari.

Thalia n'avait même pas appliqué son shampoing. Elle soupira :

- Tu n'as qu'à rentrer, laisse simplement la porte ouverte derrière toi.

La non-réponse d'Hikari laissait supposer son accord et Thalia s'activa. Lorsqu'elle fut sèche, elle enfila un t-shirt et un jean troué, songeant qu'il ne faudrait pas qu'elle oublie d'enfiler un pull avant de sortir. Elle rejoint finalement sa colocataire qu'elle trouva devant son miroir en train de concocter sa coiffure à coups de pinces et d'élastiques. Au goût du jour, des tresses partant de chaque côté de son front pour se rejoindre en un chignon serré à l'arrière du crâne.