Céleste (en pause)

XV - Entente aminale

Thalia se retourna brusquement en entendant les feuillages s'agiter dans son dos. Le désenchantement qu'elle subit lorsqu'elle vit les haies se refermer eut sur elle l'effet d'une douche glacée. Et si elle ne parvenait plus à revenir à l'Académie ? Elle s'approcha de nouveau de la barrière de végétation, mais celle-ci ne semblait pas décidée à lui rouvrir le passage.

Se maudissant, Thalia décida de ne pas perdre son temps et d'avancer dans l'espace qui s'était offert à elle. Elle inspira une bouffée d'air pour se détendre en tentant de se convainque que, si l'issue mythique lui était apparue sans qu'elle ne le demande, elle n'avait qu'à attendre l'entrée.

Autour d'elle, tout le paysage avait de quoi embaumer son esprit. La forêt danse et mousseuse de l'Académie avait laissé place à une clairière parsemée de bouleaux aux long et fins troncs blancs, parfois zébrés. Contrairement aux conifères de l'Académie, le feuillage de ces hauts arbres était ambré par l'arrivée proche de l'automne et colorait chaudement la lumière qui s'infiltrait entre.

Thalia avançait au milieu de cet horizon clair et paisible, de ces bouleaux à perte de vus, caressant au passage les troncs de ses mains. Elle n'avait aucune idée d'où elle allait, mais elle se sentait sereine et n'avait pas envie de s'arrêter. Sous ses pieds craquaient de vielles feuilles brunies par le temps, provoquant un délicieux son. La seule autre chose qui troublait ce silence religieux était les froissements d'ailes des oiseaux qui s'envolaient et les rongeurs cachés dans les fourrées. Il ne craignaient pas Thalia, l'ignoraient simplement.

En levant les yeux, elle vit, à une dizaine de mètres d'elle, un majestueux cerf aux cornes de bouquetin la regardait. Son pelage crème était pourvu d'une fourrure blanche au niveau du cou, et ses deux grands yeux ovales étaient bruns et doux. Elle s'avança prudemment jusqu'à lui, sans qu'il ne s'enfuie. À son approche, il plia les pattes pour se coucher au sol. La jeune femme prit ce mouvement pour une invitation et, délicatement, posa le dos de ses doigts contre ses naseaux humides, sentant sa respiration lourde et chaude.

Une connexion les lia au-delà du physique, et ce fut comme si l'hybride lui parlait, sans formuler de phrases, ou même de mots. Elle le comprenait, tout simplement. Il lui offrit son dos pour qu'elle y grimpe et lui donna son nom. Ashiru, dès qu'elle fut installée, s'élança entre les arbres. Au fur et à mesure de leur avancée, le sol se fit moins lisse, mais plutôt rocailleux et torturé. Les fougères ployaient sous les fines et puissantes pattes d'Ashiru, lorsque ses sabots s'y enfonçaient pour bondir. Ses longs sauts commencèrent à se raccourcir et Thalia, accrochée à son encolure, se redressa pour admirer un chemin de terre sèche, devant lequel son compagnon s'arrêta.

Thalia mis pied à terre, caressa son museau, et, sans quitter le contact de ce corps doux et tiède, observa les alentours. Il était étrange de trouver un sentier si dégagé alors que la forêt était déserte et non pratiquée. Ashiru l'y avait conduite en estimant qu'il guiderait ses pas, cependant elle hésitait. L'animal ne semblait pas décidé à la quitter, et Thalia lentement s'éprenait de lui, et de leur lien si particulier. Elle n'avait plus conscience du temps qui s'écoulait lorsque, à son contact, elle explorait ses pensées animales. Lorsqu'il bondissait, elle sentait ses muscles ciselés se tendre, et l'impact de ses sabots sur le roc lorsqu'il retombait.

Une main se posa doucement sur l'épaule de Thalia, la faisant se retourner de frayeur. Avant même de l'apercevoir, elle sentit l'énergie de Cal auréoler son corps.

— Tu devrais être plus attentive, j'aurais pu te nuire, souffla-t-il.

Son visage était redevenu doux et paisible, il avait laissé ses démons à l'Académie. Sa peau ne pétillait pas, puisque la lumière qui l'atteignait était filtrée par le feuilles. Thalia ne répondit pas, et se tourna vers l'hybride mi-cerf, mi-bouquetin à ses côtés.