XVI - Comics

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Hikari, pour la énième fois, pesta de rage lorsque le tranchant de sa main s'abattit sur la brique, ne laissant qu'une fissure sur son passage.

— Rahh, pourquoi ? râla-t-elle en se redressant, excédée.

— Patience, cet exercice demande énormément de rigueur et de pratique, et ce n'est pas en t'énervant que tu y arriveras. En plus, tu y es presque maintenant, ce n'est pas le moment de se relâcher, imposa Antoon, serein.

— Ça fait des jours qu'on y est, et je l'ai à peine fissurée !

— Tu crois que briser le roc s'apprend en une semaine ? Allez, encore. Mets-toi en position.

Hikari se résigna à plier de nouveau les genoux, rapportant son attention à la brique, posée elle même sur un socle de pierre. Antoon lui tournait autour, les mains derrière le dos, serrées autour d'une BD roulée, le regard inquisiteur.

Inconditionnel amoureux de la nature, des animaux mais aussi du cinéma hollywoodien comme des Comics, on le trouvait souvent sous un saule, à rêvasser au milieu des herbes hautes. Antoon n'avait que faire du regard des autres, comme de leur opinion. Il était quelqu'un de direct, de droit et de simple, comme le laissait transparaître ses vêtements. Il avait toujours une réplique dans son sac et nul ne savait dénicher un bon plan comme lui.

Même dans les moments les plus sombres, il avait toujours su rester optimiste, et n'abandonnait jamais. Ses nerfs d'acier, son travail soucieux et sa détermination à toute épreuve lui permettaient une maîtrise de la terre des plus abouties. Combien de fois, dans son enfance, avait-il permis à son frère de continuer à avancer malgré les difficultés ? Et même si Aart aimait le renvoyer dans les cordes, il lui vouait une profonde affection et savait pertinemment qu'ils pourraient toujours compter l'un sur l'autre.

Antoon avait aidé, motivé, et fait rire ses amis tout au long de sa vie, c'était peut-être là son but ultime. Il n'existait pas sur cette terre d'esprit plus tendre ni d'homme à la loyauté plus pure. Pourtant, lorsqu'il s'agissait d'apprentissage, Antoon se montrait un professeur très strict et très pointu, car il ne faisait jamais les choses à moitié.

Il donna un coup sec de son comics sur l'épaule de son apprentie.

— Plus bas, les genoux. Les pieds vers l'extérieur. Tu dois être la continuation du sol, être aussi compacte et solide que lui.

Brusquement, il la poussa sur le côté, mais Hikari ne bougea pas d'un centimètre, les pieds profondément ancrés dans la terre, les sourcils froncés de concentration.

— Bien, apprécia Antoon. Réessaie, maintenant. Endurcis ta main, sondes la roche, trouves les failles. Tout est dans ta tête. Ouvres les portes de ton esprit aux possibilités nouvelles, convaincs-le que tu peux briser la pierre.

Le professeur passa sa main libre sur la brique, refermant de ses doigts la surface éclatée pour la rendre à nouveau compact comme le roc et lisse comme de la porcelaine. Hikari ferma les yeux, inspira longuement comme le lui avait montré Antoon, roula les épaules en arrière, expira et leva la main. Elle ouvrit les yeux au moment où le tranchant de sa paume fusait vers la brique. Il y eut un éclat, des bout du matériau sautèrent et, lorsqu'elle retira sa main, tous deux purent constater qu'elle avait largement ouvert la brique.

Antoon, qui observait attentivement son élève, laissa poindre sur ses lèvres roses un sourire fier. Hikari, d'un second revers cinglant, acheva d'éclater la brique en deux morceaux distincts.

— Tu progresses, commenta Antoon, la mine réjouie, les joues rebondies.

À des centaines de mètres de là, Aart n'avait pas quitté la clairière. Il avait sous les yeux un petit écureuil gris qui bondissait au milieux des herbes, sa queue ondulant au rythme saccadé de ses bonds. Perdu dans ses pensées à l'eau de rose, il ne sentit pas tout de suite l'approche d'intrus. Aart aimait les femmes dans leur splendeurs. Il les trouvait toutes plus belles les unes que les autres, et elles avaient sur lui une drôle d'emprise, dès lors qu'elles effleuraient ses désirs. Il aimait leur rayonnement, leur sourire, leurs cheveux, leur odeur, le son de leur voix...

Céleste (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant