XII - L'Apprentissage

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Thalia n'avait revu aucune de ses connaissances avant que l'heure de l'Apprentissage ne sonne. Enfin, à la vue du flot d'étudiants qui affluait vers le bâtiment d'études, ça devait être l'heure. Eux qui se terraient d'habitude dans les buissons montraient enfin le bout de leur nez et c'est là que Thalia réalisa qu'ils n'étaient pas des dizaines, mais bien des centaines. Une ou deux, à la louche. Embêtée de ne pas voir de visage familier et n'ayant pas spécialement envie de faire le piquet devant l'entrée, elle suivit la troupe et choisit en hâte l'escalier de l'eau, puisqu'elle était à la fois et Lunaire et Solaire. La très haute architecture avait tendance à faire caisse de résonance mais Thalia ne trouvait pas ça désagréable, au contraire, le lieu en cette heure respirait la joie.

Si les escaliers étaient étroits comparés à l'espace qu'offrait le hall, c'était parce que, de toute façon, les élèves se collaient à la file contre le mur pour n'avoir qu'à faire un pas au niveau des encadrés colorés. Justement, les garçons juste devant elle venait de passer la porte bleue. « La porte de l'eau », devina-t-elle. De plus près, on se rendait compte que les plus jeunes prenait quasiment automatiquement ce couloir (presque la moitié de l'effectif Lunaire, à vrai dire). La moyenne d'âge était plus élevée devant elle que derrière, maintenant que la porte de l'eau était passée. De fait, la femme qu'elle rejoint en enjambant les deux marches qui venaient de se libérer avait la vingtaine.

Thalia sourit en songeant qu'elle se sentait respirer à l'Académie. Ici les gens étaient variés, hommes, femmes, enfants, jeunes adultes et de toutes les ethnies. Elle aurait sincèrement aimé pouvoir écouter toutes ces voix tenir l'enchevêtrement de conversations qui lui parvenait dans la langue natale de leurs orateurs. Mais bon, l'école était déjà suffisamment dépaysante comme ça. La femme qui la précédait passa soudain l'encadré blanc, la sortant de ses pensées. Réalisant qu'il s'agissait de l'accès au couloir du vent, Thalia y sauta de justesse.

Sa bouche s'entrouvrit devant le spectacle qui s'offrit alors à elle.

Le couloir du vent portait très bien son nom. En effet, tout le mur côté Est avait été comme arraché du sol au plafond. Par delà une découpe irrégulière où perçaient de tranchants fragments de lemium, on avait vue sur le terrain d'entraînement, désert à l'heure qu'il est. Thalia se demanda comment elle avait pu faire pour ne jamais s'apercevoir de la percée dans le bâtiment d'étude, et songea qu'après tout elle n'était pas encore beaucoup venue au parc. Elle nota qu'il fallait absolument qu'elle pense à regarder d'en bas ce que ça donnait.

L'air se faisait donc particulièrement frais et pur à cette hauteur et on ressentait aisément les courants élémentaires. Devant Thalia quelques enfants étaient assis en demi-cercle face à la trouée et à un jeune homme qui arborait une épaisse barbe brune. Celui-ci tenait un livre et était plongé dans un récit passionné qu'il contait à son jeune auditoire. Heureusement, le couloir était large et, pour garantir un minimum de sécurité, une rambarde noire était solidement implanté dans les restes de murs.

Thalia se remit à avancer, émerveillée. Elle avait l'impression de pénétrer dans une immense ruche à l'intérieure de laquelle tout le monde avait trouvé sa place. Il régnait une atmosphère particulièrement agréable dans ce boulevard venteux qui rassemblait les Célestes autour d'un même intérêt.

— « Le cyclone allait l'emporter quand soudain... » s'exclama Barbe-Brune, en sortant le visage de son bouquin pour observer les enfants qui retenaient tous sans exception leur souffle, le fixant de leurs grands yeux captivés.

L'exclamative avait à peine couvert le frottement du vent contre les parois abîmées et Thalia, qu'elle avait intriguée, s'approcha encore pour mieux écouter la suite.

— « ...La Lune se dégagea des nuages. Avec l'accord de son frère le Soleil, elle était descendue de son fief pour accorder la vie à Amar. Le guerrier Céleste s'éleva au dessus du sol et fut transpercé de toute part par un vent féroce. On le dit venu de la Lune elle-même. Lorsque les tourbillons cessèrent et qu'Amar toucha la terre de nouveau, sa puissance et son énergie étaient décuplées. D'une main, il renvoya le cyclone dans les cieux et ainsi sauva le village d'Hirvaly. Il revint acclamé en héro et voua le restant de ses jours à la transmission de son savoir. »

Céleste (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant