Céleste (en pause)

X - Caliban

Tout bon Solaire qui se respecte se lève avec le soleil, c'est bien connu. Le dicton n'avait jamais été aussi vrai que dans le cas de Cal. En effet, ses yeux s'ouvraient à la seconde où les premiers rayons lumineux venaient le frapper. Alors, lorsqu'il avait dormi lové autour du feu, il dépliait son corps et roulait sur le dos pour venir faire l'étoile à même le sol.

Ce matin, comme tous les matins depuis quelques temps, Cal se prélassait sur le sable granuleux, les paumes et le vissage tournés vers le ciel. Petit à petit, il sentait son corps se régénérer et la vie retrouver là son logement. Cela commençait par de petits fourmillements qui venaient parcourir son épiderme, annonce des sensations qui s'offraient de nouveau à lui.

Avec le retour de ces dernières, il pouvait sentir une douce chaleur caresser son corps à la manière d'une brise d'été. Elle s'y déposait et entamait une lente traversée des tissus de la peau, comme lors de l'application d'une crème, mais plus en profondeur, puisque la sensation plongeait jusque dans ses organes, gorgeant de vie chacune de ses cellules. Cal avait à ce moment-là l'impression de respirer de nouveau, c'était la libération qu'il avait attendu toute la nuit.

Alors que la vague de lumière le soulageait, laissant derrière lui une nuit dévastatrice, Cal pouvait se recentrer sur ce qui l'entourait, et pour ainsi dire, redevenir Céleste. Il avait de nouveau accès à ses perceptions, dont les limites s'étendaient à pas de géant au fur et à mesure que le Soleil s'élevait dans l'azur.

Le jeune homme avait du temps devant lui, puisque la régénération complète de son corps prenait un temps fou et que les Célestes ne pointeraient pas leur nez de si tôt. Il laissa son esprit vagabonder dans la formidable zone que couvrait sa seconde vue. Près de lui, au-delà de la multitude d'infimes êtres vivants, brûlait son fidèle feu. Son aura était bien plus puissante que celles de dix hommes réunis, et à peine moins complexe. Combien d'heures, de jours avait-il passé à s'interroger sur l'élément ?

Comment pouvait-on être la vie aussi bien que la mort ?

Cadeau de l'astre solaire envers les hommes des centaines de millénaires auparavant, il était devenu héros, et Cal se demandait toujours s'il était le seul Solaire à réaliser les véritables ambitions du feu. Il engloutirait tout si on le libérait, car sa faim est insatiable. Le pouvoir d'attraction qu'il exerçait sur Cal le faisait prisonnier. De jour en jour, cette aspiration infernale lui prenait plus, et de nuit en nuit, il se mourrait un peu plus de son absence. Le Céleste se doutait que ses jours étaient comptés.

Comment pouvait-on chérir son bourreau ?

Cal n'avait jamais songé à mettre fin à ses jours, malgré sa lente agonie. Au contraire, quand le soleil poignait à l'horizon, il se sentait fier et puissant, presque reconnaissant.

Ses dons s'étaient révélés incompatible avec la société Ordinaire alors qu'il était encore très jeune et, à la mort de ses parents, Mme Khadralys, la directrice de l'époque, était venue en personne le prendre à sa charge. Elle lui avait offert une seconde vie au sein de l'Académie, où il s'était épanoui. Sa soif de connaissances et ses ambitions étaient bien connues, et il ne s'arrêtait jamais avant d'être rassasié. Il s'était vite révélé vertueux et les amis n'avaient pas tardé avant de l'entourer. On louait ses dons, racontait ses exploits, discutait ses découvertes et plus que tout, on l'admirait.

Hélas, Elen Khadrelys se faisait déjà vieillissante et ses problèmes de santé allaient crescendo. Elle avait toujours tenu Cal à l'écart de ses misères et l'avait couvé d'un amour maternel, comme s'il avait été son propre fils. Le jour où la maladie eut raison d'elle marqua le commencement de la déchéance de Cal et un jour noir pour l'Académie. Le jeune adolescent, fou de douleur et de rage, avait laissé ses pouvoirs se déchaîner et réduire en cendre tout le parc Est, entraînant dans sa chute des dommages collatéraux irréparables.