VIII - Le Dogue et la Vipère

44 6 0
                                    


A partir du 3 septembre, un peu à la manière d'une rentrée scolaire française finalement, débutait ce que l'on appelait ici l'Apprentissage. C'est donc le lendemain que, dans le bâtiment d'étude, Thalia entamerait officiellement l'apprentissage de la maîtrise des éléments, aussi bien théorique que pratique. En attendant elle passait le reste de sa journée étendue dans la clairière qu'Hikari lui avait fait découvrir un peu plus tôt.

Pour ne pas changer, les frères Van de Water et la Solaire, en cercle autour de leur pique-nique, se trouvaient en grand débat sur des questions existentielles, comme « les cochons d'Inde viennent-ils réellement d'Inde ? ».

Thalia n'avait pas réussi à se joindre à la joyeuse bande. Elle se laissait envelopper des soupires d'Hikari comme de l'enfantine indignation d'Antoon ou encore le rire cristallin d'Aart. Elle avait fini à l'écart, agréablement bercée par les sonorités de ses nouveaux amis mêlées à celles de leur environnement.

Ses mains se promenaient de part et d'autre de ses jambes en tailleur, ses doigts espacés laissant les brins de l'herbe vivace se glisser parmi eux et la chatouiller. Toute son attention était tournée vers son épiderme, et elle tentait par ce biais de projeter sa conscience au-delà de son corps, jusque dans les végétaux, pour qu'elle les parcoure, qu'elle entre les veines de la terre et les remonte jusqu'à la limite de ses perceptions. Elle sentait une fine brise caresser son visage et s'attardait à déterminer le potentiel de sa puissance.

Elle sentait que l'énergie lumineuse, elle, était à son summum. L'astre solaire la gorgeait littéralement de vie. Elle faisait concession de son visage à l'étoile, le sachant déjà sur la voix du déclin.

C'était cette sensibilité qui avait toujours approfondi le fossé entre Thalia et ce qu'Hikari avait appelé les Ordinaires. Et dans un moment comme celui-ci, que les Célestes respectaient et lui laissaient, elle comprenait le sens de son passage sur le monde et surtout de sa présence à l'Académie. Sa mère avait raison, et Hikari avait tenu ses promesses : elle se sentait Céleste à part entière, même si elle avait encore tout à apprendre sur ses pouvoirs.

- Tu aimes sentir le regard du Soleil sur toi, n'est-ce pas ? Tous les Solaires aiment ça.

Thalia ouvrit soudain les paupières. Caliban s'était réveillé. Depuis combien de temps l'observait-il ? Il s'était si discrètement mis sur ses jambes que Thalia, dont la conscience était pourtant projetée autour d'elle, ne l'avait pas senti approcher. Il se laissa tomber en souplesse près d'elle.

- Tu es des nôtres maintenant, tu es une Solaire.

Thalia pouvait deviner, sans se tourner vers lui pour autant, la satisfaction que ses dires lui apportait et le petit sourire qui avait dû étirer le coin de sa bouche.

- Tu as dû remarquer maintenant que c'est pendant la journée que notre puissance est à son apogée. C'est aussi à ce moment là que tous tes sens sont les plus affûtés, décuplant tes émotions et tes capacités. La limite de ta perception est accrue également. C'est là que ton corps se régénère le plus vite, que ton énergie est à bloc. Autrement dit, tu deviens une bombe sur pattes.

Thalia orienta finalement son visage dans sa direction.

Caliban scintillait. Sa peau était comme irisée, ne rendant sa blancheur que plus éclatante. Les traces que les flammes avaient laissées sur lui s'étaient totalement dissipées et il ne restait de l'affrontement que ses haillons. Thalia restait bouche-bée face à cette splendeur nouvelles, à cet homme nouveau, sans rien à voir avec le semi-mort qu'elle avait découvert le matin même au coin du feu. Il dégageait une confiance en lui neuve, même si il inspirait toujours la défiance des autres.

Céleste (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant