XIV - L'arche magique

26 3 2
                                    

Au petit déjeuner du lendemain de l'affrontement, les mines des deux groupes adversaires étaient bien sombres. Il n'y avait qu'Ernesto que le résultat semblait satisfaire. Comme d'habitude, il ameutait le public autour de sa table pour lui raconter ses accomplissements et promettre la proche « libération de l'Académie ». Sa prise de parti n'était plus un secret pour personne.

— Pourquoi est-ce que M. Takuro fait la sourde oreille ? maugréa Thalia en posant son plateau d'argent sur la pile, le regard dirigé vers le groupe qui se formait au centre de la salle.

— Intervenir serait contre les principes de l'Académie, tu sais bien, répondit Hikari qui la devançait en direction de la sortie du réfectoire.

— Je pense que quelque part il a du mal à admettre l'ampleur de la dégénérescence des choses... intervient doucement Antoon.

— Et du grave envol de la menace, compléta Aart.

— Il serait peut-être temps de revoir les règles, souffla Cal, qui fermait la marche.

La porte se referma sur eux et Hikari se tourna vers celui-ci pour s'exclamer :

— Ce sont les principes Célestes depuis la nuit des temps !

— Justement, on a fait un bon bout de chemin depuis, expliqua calmement Cal, alors qu'ils avaient décidé à l'unanimité de se diriger vers le parc libre. Il serait temps d'adapter nos règles à la situation, où il n'y aura bientôt plus d'Académie à sauver...

— Tu ne vois pas ? Le problème ne vient pas des règles, mais des gens !

— Certes, soupira Cal.

— Tu voudrais dire qu'il faudrait réduire notre liberté d'expression ? s'interrogea Antoon. Ce serait tellement contraire à tout ce qu'on nous a appris ici...

— Il n'est pas question de réduire la liberté d'expression, mais simplement de réagir lorsque les Célestes sont au bord de la guerre civile !

— Ça revient un peu au même, non ? murmura Antoon pour lui-même.

— De toute façon, mon père ne s'y résoudra jamais, point barre, les arrêta sèchement Hikari.

Un silence pensif accueillit sa réplique, alors qu'ils cheminaient à la queue leu-leu entre les haies du labyrinthe. Cal laissa ses pensées s'éparpiller autour de la précédente et défunte directrice de l'Académie. Sa chère Elen aurait-elle su faire changer les choses ? Son cœur se serra et il baissa son visage contrarié vers la terre.

C'est Aart qui brisa le silence :

— Alors on va devoir agir en interne. Hier soir on a eu de la chance de s'en sortir si bien, ne l'oublions pas. Les rangs d'Ernesto gonflent à vitesse grand V.

— Si on s'en est tirés, c'est parce que les trois quarts de ses partisans sont des bouts d'adolescents bien trop influençables et encore inexpérimentés, cracha Hikari. Mais Ernesto les entraîne tous les soirs et ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne deviennent tous de redoutables guerriers.

— Si leur entraînement est aussi concluant que celui de Mitre ou d'Adriana l'ont été, alors on a aucune chance, murmura Thalia.

— Surtout qu'Adriana n'a qu'un an d'ancienneté dans les rangs d'Ernesto, et qu'elle est déjà mortelle ! Pour avoir eu affaire à Mitre, je peux vous dire que ce n'était pas non plus du gâteau, soupira le cadet des jumeaux en se massant l'épaule.

— Depuis combien de temps est-il du côté d'Ernesto ? demandant Thalia.

— Il est arrivé il y a deux ans, mais personne n'a jamais réussi à l'approcher, ni à lui décrocher un mot... C'est Martinez le premier à avoir réussi, il y a un an de ça, à la même période que lorsqu'il a découvert Adriana, lui apprit Hikari en écartant une branche de son passage, découvrant l'une des trois sorties du parcours.

Céleste (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant