Le tonnerre grondant me réveilla d'un coup. Mes yeux s'ouvrirent brusquement et découvrirent le visage de Mania encore à moitié endormie. Dehors, l'horizon nocturne s'était encore plus assombri et se faisait menaçant.
"- Je ne me rappelle pas d'hier soir, lui annonçai-je d'une voix pâteuse.
- Vraiment pas? répondit-elle en se redressant sur le lit."
Je tentai alors de revenir à la soirée d'hier mais je ne voyais rien. Le noir, le vide. Me voyant mener un combat intérieur et comprenant ce qui se passait, Mania abrégea mes recherches inutiles.
"- Encore un de tes trous de mémoire Sophie? Ne t'en fais pas, ce n'est rien de bien important. Nous avons juste regardé un film d'horreur - par ailleurs j'aurais cru que sa violence t'aurait marquée - et puis, nous sommes allées nous coucher.
- Quelques images me reviennent! Du sang... Tant de sang... Partout sur le sol... Partout sur la fille... Partout sur sa victime... Quelle folle!"
Mon amie acquiesça avant de reposer sa tête sur l'oreiller. Je restais assise, essayant en vain de faire émerger d'autres détails de la veille. Un bruit indistinct parvint du salon. Ma mère était donc rentrée? Un autre son, plus lourd, plus fort.
"- Que se passe-t-il ? demanda Mania.
- Je n'en ai aucune idée, répondis-je intriguée.
- Il faudrait aller voir, non?
- Je suppose."
Je saisis la main de mon amie et la tirai hors du lit. Discrètement, nous nous sommes glissées dans le couloir, puis, à pas de velours, dans le salon, sans un bruit, telles deux voleuses. Il faisait noir, il n'y avait plus de bruit. Convaincues qu'il ne fallait pas s'inquiéter, nous allions retourner dans ma chambre quand un éclair parcourut la campagne aux alentours de la maison et éclaira splendidement la scène d'horreur. La marre rouge refléta furtivement la brillance des rayons, la soudaine clarté nous laissa apprécier les contours chaotique de la crevasse qui s'était dessinée sur le crâne béant de l'homme gisant au sol, et ses yeux, encore ouverts et tachés de sang sec, nous fixaient d'un regard terrifiant.
L'émotion me prit si fort à la gorge qu'aucun son ne put en sortir. Ma bouche s'agitait de manière insensée devant ce spectacle atroce, essayant en vain de sortir une phrase, un mot, un son qui pourrait exprimer tout ce que je ressentais au fond de moi. Je tentais de nier les faits mais ils se présentaient juste devant ma figure.
"- Mon dieu... murmura Mania. Je pensais avoir rêvé.
- Comment ça? ai-je réussi à articuler.
- J'ai entendu ta mère rentrer tout à l'heure, mais elle n'était pas seule, il y avait un homme avec elle. Mais ils se parlaient de manière si froide et véhémente que je me suis levée, curieuse. J'ai passé la tête dans le couloir et j'ai vu les ombres agitées qui provenaient du salon. L'homme a crié, et tout est redevenu calme. L'ombre de ta mère s'est rétrécie, alors je me suis également faite discrète, et je suis revenue me blottir dans le lit. Mais j'étais à peine réveillée, les yeux et l'esprit encore brouillés. Je pensais avoir rêvé.
- Tu n'aurais pas pu me le dire plus tôt? me suis-je exclamée.
- Mais... Je... Je pensais avoir rêvé!"
Mania me regardait d'un air désespéré et désolé. Un autre éclair fissura l'horizon. Je ne pouvais pas détourner mon regard du cadavre qui gisait dans mon salon. La lumière se déclencha pour de bon, ma mère apparut. Elle avait le regard perdu, hagard, comme s'il elle s'était détachée de ce qu'elle avait fait. Ses mains étaient enduites de sang séché, ses vêtements maculés de rouge puissant, ses bras remplis de linge blanc. Sans prêter attention à ma présence, sans ressentir aucune honte, aucun embarras, aucune panique, elle se mit à genoux et commença à balayer le sol avec ses serviettes propres. Ses mouvements étaient lents, machinaux, comme si elle avait l'habitude de s'occuper d'une besogne pareille.
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N O U V E L L E S
Short StoryUn recueil de nouvelles, tout ce qu'il y a de plus simple... Chacune d'entre elles est indépendante. Sinon j'y met aussi les sujets d'invention que j'écris pour le lycée, allez, bonne lecture!