FOURTH DEGREE

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Jackie pousse la porte du bar parisien et je prends une grande inspiration, avant de m'y engouffrer

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Jackie pousse la porte du bar parisien et je prends une grande inspiration, avant de m'y engouffrer. La lumière cuivrée des lampes installées çà-et-là enrobe doucement chaque relief de l'endroit, chaque verre, chaque personne, chaque gorgée, . Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi « classe ». Étant donnée la dégaine du garçon de la bibliothèque, je pensais que le bar dans lequel il travaillait serait plutôt quelque chose de limite malfamé. Mais au contraire, le standing est assez élevé ; Jackie et moi faisons presque tache. La clientèle est essentiellement masculine, le bar a plus une ambiance de club, un peu comme ceux des films du XXème siècle, où on voit les dandys anglais se réunir autour d'un verre et d'un cigare pour parler affaires.

« Woh, j'aurais peut-être du mettre quelque chose d'un peu plus sophistiqué... me murmure Jackie, en passant ses deux mains autour de mon bras, se rapprochant de moi ; je ne sais pas si elle cherche à se protéger où à me protéger... sans doute un peu des deux. »

Malgré l'aspect intimidant du bar, nous avançons jusqu'au comptoir, où quelques places sont encore libres. Mais je ne fais même pas attention à l'endroit où nous nous installons, suivant instinctivement mon amie tandis que mon regard parcourt aussi discrètement que possible la pièce.

Mais il n'est nulle part, du moins pas ici. Et je suis partagée entre l'appréhension, l'impatience et la déception...

« Commande nous deux Sex on the Beach, je passe aux toilettes et j'en profite pour voir si je ne trouve pas ton serveur tatoué ! »

Sur ces mots, Jackie laisse son sac sur un tabouret et, levant son pouce en l'air dans ma direction, s'éloigne dans la salle, me laissant seule au bar.

Et j'attends. Mon cocktail arrive, et après que la barman m'aie lancé un regard un peu suspicieux, sans pour autant me demander mon âge, je me saisis de la paille, pour prendre une délicieuse gorgée salvatrice du liquide sucré.

« Bonsoir, vous êtes venue toute seule ? »

Je sursaute en entendant la voix masculine qui vient de m'interpeller, avalant de travers mon cocktail. Après avoir toussé un peu, je me tourne vers l'inconnu. Un homme qui doit approcher la trentaine, propre sur lui. Mais quelque chose dans son regard me fait presque peur.

« Je... Je suis avec une amie, dis-je, baissant les yeux vers le comptoir en espérant que cette réponse lui suffira.

- Oh, « une » amie ? C'est parfait, ça. La prochaine tournée est pour moi. »

Sa voix m'arrache un frisson, et je sens que je commence à m'affoler un peu. Prenant mon courage à deux mains, je relève le regard, et le plante droit dans le sien.

« Monsieur... J'aimerais que vous me laissiez tranquille, s'il-vous-plaît. »

Ces paroles ne semblent même pas le faire un tant soit peu réagir, comme s'il y était habitué.

« Mais non, 'faut pas avoir peur ! Allez, je t'offre un verre, qu'on fasse connaissance, tu vas voir que tu vas bien m'aimer ! »

Il rit un peu, et je pince un peu les lèvres. La barman n'est pas là, sinon elle aurait peut-être pu m'aider, elle semble du genre à ne pas se laisser faire. Je suis livrée à moi-même. Alors je dis la seule chose dont je sais que, dans ce genre de cas, elle peut parfois être efficace. A ce qu'on m'a raconté.

« J'ai un copain... »

Il paraît toujours aussi sûre de lui, et je me demande si je vais devoir crier à l'aide pour m'en débarrasser. Qu'est-ce que fait Jackie ?

« Il n'est pas obligé de savoir.

- T'inquiète, il le saura. »

Cette voix n'était pas la mienne. Bien qu'un peu différente de celle que j'ai entendue plus tôt au téléphone, je la reconnais facilement. Il est là, finalement.

L'importun se retourne, l'air agacé. Derrière lui, le tatoué sourit. Ses cheveux sont relevés en une queue de cheval, laissant apercevoir les nombreux dessins gravés dans la peau de sa nuque. Pour le reste, il est en tenue très simple, t-shirt, pantalon et boots, le tout en noir.

« Ça va, en tout bien tout honneur, je parlais juste à la demoiselle.

- Ouais, et d'après sa tête, je peux dire que le chaton est pas vraiment à fond dans la conversation, donc tu vas gentiment aller parler à quelqu'un d'autre. »

Au mot « chaton », je vois l'homme hausser les sourcils. Je m'attends à une répartie cinglante de sa part, il n'a pas vraiment l'air du genre à facilement lâcher le morceau... Mais finalement, il se contente de garder son sourire narquois, comme une façade, et s'en va plus loin, m'arrachant un soupir de soulagement.

« Putain, j'ai cru qu'il allait jamais te lâcher, c't'enculé. »

Je retiens une grimace en l'entendant prononcer ce mot. Mais ça ne m'empêche pas d'être aux anges de le voir, pour un tas de raisons différentes. Il secoue la tête en observant celui qui m'ennuyait plus tôt s'en aller, comme si il regrettait quelque chose. Mais finalement, son regard se porte sur moi.

« T'es venue... »

A son ton, j'ai presque envie de m'excuser. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée... Mais je ne le fais pas, soutenant son regard.

« Un simple hasard... ? »

Il m'adresse un léger sourire, son fameux rictus un peu moqueur.

« Ouais, bien sûr. Bon, allez, viens. »

Sans que je n'ai le temps de réagir, il me prend la main, et fait un signe à la barman, qui est finalement revenue.

« Lil', je prends une pause de cinq minutes !

- Comme d'hab', je déduirai ça de ta fiche de paie ! »

J'écarquille les yeux, les levant sur lui.

« Mais je ne veux pas que tu gagnes moins d'argent à cause de moi... »

Surpris, il me jette un regard incertain, semblant se demander si je me moque de lui ou si je suis sérieuse. Et je suis parfaitement sérieuse. Ce qui le fait rire.

« Elle plaisante, chaton, au pire t'auras qu'à me rembourser si ça te traumatise ! »

Je fronce un peu les sourcils : je tiens à mon argent. Cependant, e suis à peu près certaines qu'encore cette fois il plaisante, alors je ne le lui fais pas savoir. Mais il semble tout de même le remarquer.

« Détends-toi, j'en veux pas à ton fric ! »

Et, ma main toujours dans la sienne, il m'entraîne vers la sortie. Mes joues rosissent, et même si il s'est un peu moqué de moi, je ne regrette pas d'être venue.

TOUCH ME - tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant