Suspicieuse, j'observe avec circonspection le crayon khôl et le mascara que j'ai empruntés à ma mère. Les seules fois où je suis sortie maquillée, c'était après que Jackie ait fait travailler ses pinceaux magiques sur mon visage, comme elle sait si bien le faire. Mais ce n'était jamais plus que du blush, du gloss ou du crayon à sourcils... Faire face à ces deux instruments de torture, c'est faire face à l'inconnu pour moi.
Prenant une longue inspiration, je finis par prendre le crayon : ça ne doit pas être si compliqué. Je commence à tracer un trait, mais celui-ci est trop haut par rapport à mes cils, un espace les sépare.
« Mince... »
Me rapprochant de mon miroir, je viens étirer ma paupière du bout des doigts pour mieux travailler mon trait, et recommence à tracer celui-ci. Finalement, je la lâche, observant le résultat... C'est vraiment moche. Le trait est plus une boucle qu'autre chose, et il part bien trop loin, on dirait les maquillages de kermesse que ma mère me faisait quand j'étais petite ! Comment les filles comme cette « Lil' » parviennent-elles à porter du maquillage charbonneux au quotidien... ?
Avec ses cheveux courts et son style rebelle, évidemment qu'elle est magnifique. Magnifique, et totalement différente de moi : elle a l'air mature, indépendant, femme forte en gros. Et moi... Moi, je suis un chaton. Cette fille, c'est une panthère.
Et si ils avaient simplement rompu à cause de la différence d'âge ? Ou pire : si elle l'avait largué ? Peut-être qu'il est toujours amoureux d'elle, que c'est pour ça qu'il s'est énervé contre le dit Mike.
Décidée à ressembler un peu plus à une panthère, ou du moins à en imiter les taches, je reprends mon exercice, reprenant avec l'autre œil, que j'étire directement cette fois. J'applique le crayon, et...
« Aïe ! »
Je me le suis mis dans l'œil.
★ ★ ★ ★
« Est-ce que je suis belle, au moins ? »
Je ris à sa question, qu'il a posé avec le ton le plus posé possible, son visage bougeant à peine alors que j'essaie d'un appliquer une couche de bronzer.
« Très belle, mais ne bouge pas, sinon je vais en mettre partout...
- J'y connais pas grand-chose en maquillage, mais je crois que c'est bien parti.
- Eh ! Ferme les yeux, au lieu de dire des bêtises, je vais essayer de te mettre du fard à paupière. »
Il s'exécute et je sens mes lèvres s'étirer dans un sourire involontaire face à sa docilité.
« Merci d'être sage, je murmure en déposant un petit baiser sur son front. »
Je vois qu'il veut plus qu'un simple bisou, mais je pose mes mains sur son torse pour le tenir à l'écart : je dois me concentrer sur le maquillage.
« Après !
- A vos ordre, patron. Je ne voudrais pas t'empêcher d'améliorer tes... talents de maquilleuse. »
Levant ostensiblement les yeux au ciel même si les siens sont fermés -surtout parce que les siens sont fermés-, je m'affaire à la tâche. Ça fait des jours que j'essaie de me maquiller correctement et il l'a bien remarqué, même si j'ai refusé de lui dire pourquoi. Alors aujourd'hui, il est venu me surprendre au beau milieu de la nuit, comme le soir de notre premier baiser, et m'a dit de m'entraîner sur lui. Ce que j'ai fait, sans hésitation, parce qu'il a vraiment un joli visage et des cils beaucoup plus longs que les miens, ce qui est au passage parfaitement injuste.
« Chat...
- Oui ?
- Pourquoi tu veux te maquiller, ces derniers temps ? Je dis pas que ça me dérange hein, même en drag queen tu serais belle, mais... Ça te vient d'où ? »
Ma mordant la lèvre inférieure, je baisse la tête, hésitante. Si je le lui dis, il va me prendre pour une folle... Ou pire, pour une jalouse.
Je le vois ouvrir un œil, pour poser son regard sur moi, attendant une réponse, sans doute surpris par l'absence de celle-ci.
« Je... C'est parce que Lil' se maquille et... Et je me suis dit que ça te plairait peut-être, tu vois ? »
Je n'ai pas envie de lui mentir, ou de lui cacher ça plus longtemps. Après tout, c'est vrai, j'ai un peu peur de cette fille, elle est tellement belle... Alors autant qu'il le sache.
« Lil' ? Mais elle a rien à voir avec toi, Chaton, c'est pas comparable ! 'Faut que j'te le dise en quelle langue, que je suis complètement fou de toi ? »
Ses paroles me font sourire, et il penche un peu la tête, en faisant de même.
« Tu penses que je me serais laissé maquiller pour n'importe qui... ? »
Il prendre le miroir de poche que j'ai posé à côté de lui sur le lit, où il se trouve assis en tailleur, et jette un coup d'œil visiblement appréciateur à son reflet.
« Quoique, je suis plutôt craquant, non ? »
Je secoue la tête, posant mes mains devant ma bouche pour étouffer mon rire : mes parents dorment à côté. Semblant satisfait de voir que je ne me prends plus la tête avec toute cette histoire, il m'attire à lui, me saisissant par la taille, et m'entraîne sur le lit, nous y allongeant.
« T'inquiète pas pour Lil', c'est de l'histoire ancienne, je tiens à elle, c'est vrai, mais comme toi tu tiens à Jackie, d'accord ? »
Je hoche doucement la tête. Ses mots me font plaisir, mais au fond, je le savais déjà.
« J'arrive pas à croire que j'ai pu rencontrer un garçon comme toi, je finis par chuchoter, ma main caressant doucement sa joue.
- Ça, c'est parce que t'as pas encore vu ma gueule démaquillé, crois-moi ! »
J'éclate de rire à nouveau, et cette fois-ci, ce sont ses lèvres qui m'empêche de réveiller tout le quartier. Que je l'aime.
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TOUCH ME - tome I
Short Storyil bastardo & the soft girl ou l'association clichée qu'on a déjà vue 20000 fois, mais après tout, qu'est-ce qu'on aime le bad boy et la good girl, même une fois de plus