Les yeux un instant clos, je frissonne : la nuit est fraîche. Sans doute parce que ma main se trouve toujours dans la sienne, le garçon aux cheveux longs devant moi me jette un coup d'œil, comme s'il avait senti mon frémissement, et je baisse le regard sur le sol. Le frisson était-il à cause du vent nocturne ou du contact de sa peau contre la mienne... ?
Nous arrivons finalement à l'arrière du bar, et je réalise soudain la situation : je suis avec un garçon que je ne connais qu'à peine, qui n'a pas vraiment l'air des plus fréquentables, et qui vient de m'emmener dans une ruelle sombre et sans passants.
Et je souris. Je souris parce qu'il ne me fait pas peur, j'ai l'impression de pouvoir lui faire confiance. M'adossant contre un mur, je relève finalement mon regard pour croiser le sien. Celui-ci est posé sur mon sourire.
Il ne dit rien, mais prend la veste qu'il avait récupérée avant que nous ne passions les portes du bar et la pose sur mes épaules, tout simplement. Surprise, je lâche un petit rire.
« Merci. »
Il hausse les épaules, alors que d'une main il retire l'élastique qui retenait ses cheveux, ébouriffant ceux-ci. Je m'adosse au mur derrière moi, l'observant sortir son briquet et un paquet de clopes, dont il sort une cigarette. Et au milieu de toutes les autres, j'en vois une autre, plus courtes. Quelques chiffres noirs, l'encre un peu bavée. Mon numéro.
« ... Tu n'as pas fini ton paquet, depuis hier ? »
Sur le point d'allumer sa cigarette, il me jette un regard étonné, avant de comprendre. Ma question lui arrache un rire, et je sens mes joues chauffer à l'entente de ces quelques notes d'amusement.
« J'ai juste changer la cigarette de paquet quand j'ai fini l'autre... »
Je hoche la tête, croisant les bras en levant le visage vers le ciel sans étoile de la capitale. Mais ça me fait plaisir : il l'a gardée. Le bruit d'un briquet qu'on actionne me fait cependant à nouveau baisser les yeux sur lui.
Ses mains sont en coupole autour de sa clope, la lumière de la flamme qu'il vient d'allumer se reflétant sur les traits anguleux de son visage. Je plisse les yeux, observant son regard danser au rythme du feu vacillant qu'il contient entre ses doigts calleux et tatoués.
Sans qu'il ne lève la tête, son regard se pose sur moi.
« Alors... Tu voulais qu'on se voit un de ces soirs, pas vrai ?
- Oui... Je... Comme tu es venu, hier soir, j'ai pensé que tu voulais qu'on se voit aussi... Non ? »
Il me fixe. Je n'arrive pas à savoir si il me trouve stupide de penser ce genre de choses ou si il essaie simplement de trouver une réponse correcte. Mais je soutiens son regard ; c'est lui qui, le premier, abaisse celui-ci. Sur mes cheveux, d'abord. Puis sur mes clavicules, entre lesquelles repose mon pendentif en forme de cœur, cadeau de ma grand-mère pour mes quinze ans. Il descend encore : mon léger décolleté, ma robe rose au tissus léger, mes jambes...
Finalement, un tire un peu sur sa cigarette, avant de retirer celle-ci d'entre ses lèvres et de passer une main sur son visage.
« Putain... T'es vraiment trop mignonne. »
Cette fois, je sens vraiment mon sang battre dans ton mon corps. Plus vite. Plus fort. Il se rapproche de moi, venant poser une main sur le mur, non loin de ma tête. Je suis tentée de reculer, mais n'en fais rien. Parce que si ma gêne me dit de faire un pas en arrière, pas de toute façon impossible, mon corps me dicte de rester exactement où je me trouve.
« C'est peut-être un peu tôt pour que je t'embrasse, non... ? »
Il ne bat même plus fort : il va sortir de ma poitrine.
« Peut-être pas... je murmure, mots éthérés que j'ose à peine prononcer tandis que mon regard ne parviens pas à quitter le sien. »
Sourire en coin. Sa main porte sa cigarette à ses lèvres, et il en prend une taffe, le bout de la clope luisant un instant, avant que la rougeur ne s'estompe dans la nuit. Levant un peu la tête, il souffle vers le ciel.
Enfin, il se penche en avant. Je ferme immédiatement les yeux, attendant le baiser. Premier baiser.
Mais rien ne vient, mes lèvres restent désespérément sèches, seules. J'ouvre alors un œil, pour comprendre quel peut bien être le problème. C'est à ce moment que je le sens, sur ma joue : un baiser.
« Si, c'est un peu trop tôt. On a tout le temps, chaton. »
D'abord comme paralysée, je sens soudain un souffle remonter le long de ma poitrine. Bouffée libératrice, elle s'échappe d'entre mes lèvres en un rire à gorge déployée, alors que le soulagement m'envahit. Mon premier baiser n'aura pas été dans une ruelle sordide à la sortie d'un bar.
Un sourire aux lèvres, il se redresse un peu, pour me regarder.
« Pourquoi tu ris ? »
En sentant l'hilarité contenue qui couve sous sa voix, mon rire retentit de plus belle, communicatif.
« Pourquoi tu ris ?? »
Mais il rit désormais avec moi, mes lèvres ouvertes en un large sourire alors que je ne peux me retenir. C'est la sensation de sa main contre ma joue qui me calme un peu. Je retrouve mon sérieux, je retrouve son regard.
« Arrête de rire comme ça, je vais finir par changer d'avis. »
Les lèvres entrouvertes, j'hésite un instant. Je veux qu'il change d'avis. Maintenant, j'en ai vraiment envie. Je m'apprête à le lui dire, mais un voix nous interrompt.
« Déjà, tu vas t'éloigner. Et toi, tu viens avec moi. »
Je me tourne vers Jackie, les sourcils froncés, tandis que le garçon de la bibliothèque s'exécute et recule un peu, me lâchant. Une brusque sensation de froid m'envahit alors.
La rousse me rejoint, fusillant le brun du regard, et prend mon bras, m'entraînant de force loin de lui.
« Jackie, qu'est-ce que tu-
- Tais-toi pour l'instant, je t'expliquerai quand on sera plus loin. Pour l'instant, marche. »
Je jette un regard en arrière, il nous observe partir, une main dans la poche, l'autre portant sa cigarette à ses lèvres. Sa veste est toujours sur mes épaules.
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TOUCH ME - tome I
Short Storyil bastardo & the soft girl ou l'association clichée qu'on a déjà vue 20000 fois, mais après tout, qu'est-ce qu'on aime le bad boy et la good girl, même une fois de plus