04 - House of Cards

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CHARLIE

Les portes de la ville était terribles et monumentales devant eux. La jeune femme se redressa, digne, devant ces juges multi-millénaires. On disait qu'elles ne laissaient pas passer tout le monde et que si on n'était pas jugé assez digne, elles pouvaient nous réduire en cendres. Bien sûr, personne ne l'avait jamais vu mais les légendes urbaines étaient assez ancrées dans l'imaginaire collectif pour que les portes reçoivent des offrandes régulièrement.

La première fois qu'elle avait passé ces énormes battants en pierre, elle était endormie. Monsieur Branston ne l'avait pas réveillée pour qu'elle admire la vue et elle ne s'en était pas plainte. Quand elle était revenue de nouveau à la capitale, à l'été dernier, ils étaient passés par l'Arche Sud, moins engorgée à cause des festivités prévues pour l'anniversaire d'Yvan. Les portes au sud étaient faites d'un bois solide et enchanté, gravé de nombreux tournesols et autres fleurs estivales et joyeuses.

Cette fois, la route vers l'Arche Nord était plutôt dégagée et ils y étaient parvenus sans encombre. Ces battants là étaient bien plus froids et terrifiants que leurs cousins du Sud. C'était assez logique, quand on y pensait. Du Nord venaient les habitants du Duché de Condé, terre glaciale en hiver et fraîche en été où les récoltes étaient rudes et parfois franchement maigres alors que du Sud venaient les Hocheni, sujets du duché le plus grand et le plus ensoleillé de l'Empire, un peuple de chaleureux boute-en-trains. Des sauvages, comme disait Père.

Le changement était brut et, lorsqu'ils passèrent les grandes portes en pierre solide, elle s'arrêta de respirer un instant. Elle ne craignait rien, elle le savait, elle méritait sa place ici. Tout simplement parce qu'elle était la fille d'un Duc mais aussi parce qu'elle avait participé à sauver la peau de l'Empereur. Après un tel bonheur, on ne lui refusait plus rien, elle le savait. Elle essayait toutefois ne de pas en abuser.

Yvan se redressa sur sa jument et regarda autour de lui avec un œil plein de jugement. Cette sévérité n'était qu'une façade, sans doute était-il heureux de revenir, mais Charlie décida de faire de même. Elle souhaitait être digne, au moins aux yeux des basses gens.Il n'y avait rien de bien sorcier à accomplir, elle l'avait bine compris: il suffisait de se tenir droit, de donner des ordres et d'user de mots désuets. Un jeu d'enfant.

La comédie héroïque d'Yvan ne passa pas inaperçue et, bientôt, les gens remarquèrent leur présence. Boulangers, bouchers, forgerons et lavandières se précipitèrent pour admirer le spectacle, parfois quelque enfant juché sur leurs épaules ou portés à bout de bras. Isobel ne s'en aperçut même pas, occupée à converser avec le capitaine Moutonet mais Alianora fit quelques signes à la foule. En entendant les exclamations de joie de leur public, Charlie se rendit compte combien la future princesse était aimée.

Cette histoire de mariage n'était pas complètement une tragédie pour Alianora. Lucius était gentil et elle ferait une impératrice appréciée à juste titre. Bien sûr, cela aurait été tellement mieux si elle avait pu l'aimer ...

Un homme attifé d'une longue moustache cirée s'approcha de Charlie et, si elle eut peur au début, elle aperçut l'admiration dans ses yeux. Aussi tirait-elle sur la bride de son cheval pour qu'il s'arrête. L'homme la salua bien bas et elle crût qu'il allait s'affaler dans la boue mais ce ne fut pas le cas. Il portait une chemise blanche rapiécée et un manteau troué. C'est comme ça qu'elle le reconnut.

"Monsieur Branston ?"

Il hocha la tête et elle déglutit. Il avait considérablement maigri et semblait plus pauvre que quand elle l'avait vu pour la dernière fois, lors de son altercation face à Clair. L'hybride lui offrit un sourire partiellement dentu et elle lui rendit.

Lady von Dast [Ruthless Ravenwell - 2] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant