Bàn

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Depuis plusieurs semaines, Thorn, alias Bàn sur ses nouveaux papiers, vivait dans le quartier des artisans. Il s'était d'abord fait engager comme apprenti libraire, il était ordonné et les comptes étaient toujours juste en fin de journée. Mais il était plutôt mauvais vendeur car il n'avait pas un abord très charismatique. Ses cicatrices, son infirmité et son air distant dérangeaient la clientèle. Dans l'atelier à l'arrière de la librairie, il apprit donc le métier de brocheu, relieur et restaurateur de livres. Cela lui permettait de rester dans l'ombre de son atelier où il était nourri logé et blanchi.

Il n'avait jamais imaginé que ce nouveau métier lui fasse ressurgir tant de souvenirs à propos d'une certaine personne pour qui il n'avait eu que peu d'égard: Roseline, la tante d'Ophélie! Elle qui passait des heures à restaurer toute la bibliothèque du manoir de sa tante rien qu'en caressant les pages. Qu'il avait envie de posséder son don en ce moment! Elle avait également un autre don, celui d'énerver Thorn dès qu'elle ouvrait la bouche! Roseline faisait preuve de si peu de discrétion et de discernement...

Mais il devait à présent avouer qu'elle avait été aussi extrêmement dévouée et protectrice auprès de sa filleule, lui prodiguant de l'amour presque maternel comme il avait rarement vu. Certes, il avait sa tante Berenilde, mais aurait-elle quitté son arche et risqué sa vie pour lui? Peut-être... S'il n'y avait pas eu Farouk.

Le turban à présent correctement fixé sur sa tête et l'accent babélien impeccable, il se fondait désormais dans le décor.

C'est avec le climat de Babel qu'il avait eu le plus de mal à s'adapter. Il était arrivé de nuit mais dès le lendemain il fut surpris par cette température caniculaire et cet air moite. Lui, l'homme du froid, qui pouvait supporter les tempêtes de neige, des températures glaciales et des mois sans soleil, il subissait dorénavant cette fournaise de l'aube jusqu'au coucher du soleil.

Néanmoins, il arpentait régulièrement Babel de long en large à l'affût de tout indice qui pourrait l'aider dans sa mission. Le tout au rythme que voulait bien lui donner son attèle mécanique qui commençait à ne plus apprécier le taux d'humidité ambiant. Il étudiait les horaires des tramoiseaux et autres transports publiques. Il tendait l'oreille aux conversations dans les marchés et boutiques. Il visitait les nombreux monuments historiques qui abondaient sur l'arche. Il profitait surtout de l'excuse de son métier pour approcher le plus souvent le Mémorial.

Lorsqu'il vit celui-ci pour la première fois, il fut prit de vertige. Lui qui était né sur une arche où tout lui semblait démesuré, ce monument très ancien et plus récent à la fois, en partie en équilibre sur le vide troublait tous ses repères.
Mais la surprise fut encore plus grande en franchissant l'énorme entrée. Jamais il n'avait pensé que les explications de Cikitsaka soient autant en deçà de la vérité.
Rien à voir avec les illusions des Mirages, ici on marchait réellement à l'horizontale, on étudiait la tête en bas et un globe immense semblait flotter dans le vide tel un astre magique.

Il y avait tant de livres, tant d'informations, tant d'histoires.
C'est alors que ses pensées dévièrent naturellement sur Ophélie. Il la connaissait si peu finalement mais l'imaginait découvrant elle aussi tous ces ouvrages à "lire", toutes ses vies à découvrir. Mais il est impossible qu'elle vienne ici sans attirer Dieu. Elle ne pourrait découvrir un jour tout ceci que s'il réussissait sa quête.

Elle n'avait pas quitté son cœur même s'il essayait de se convaincre du contraire.

Le périple de ThornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant