PARTIE 6 - LES ENTRAILLES DE LA TERRE

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L'eau était profonde. Lazare battait l'eau de sa jambe valide pour regagner la surface mais il avait l'impression qu'elle s'éloignait de plus en plus à mesure que l'air lui manquait. Ses bras s'agitaient au dessus de lui désespérément, dans cette marée rougeoyante qui l'aveuglait et l'étouffait. Il ne voulait pas mourir comme ça. La noyade était la pire des humiliations après tout ce qu'il avait vécu : il ne pouvait simplement pas s'y résoudre. Il devait s'en sortir.

Son pied prit appui soudain sur un rocher et il poussa d'un coup sec jusqu'à la surface. L'air lui brûla les poumons alors qu'il s'agrippait furieusement à la paroi des deux mains, toussant pour recracher l'eau avalée. Il tira sur ses bras et réussit tant bien que mal à se traîner sur la terre ferme, le souffle court, sur le dos.

La sortie se situait cinq mètres au dessus de lui, au moins. Jamais il ne remonterait sans aide. Quel dommage. Il avait presque cru survivre. Il chercha à se redresser mais une douleur fulgurante à sa jambe l'en dissuada immédiatement. L'eau à côté de lui avait pris une teinte rouge, qui se fonçait avec le sang qui coulait toujours de son moignon et coulait abondamment le long des parois.

"Lazare !"

L'elfe, épuisé, chercha de son unique oeil valide la voix qui l'appelait. La grotte se poursuivait plus loin, dans un long couloir obscure. Cependant, une forme semblait s'en détacher. Mais il n'avait plus la force de rester éveillé. L'eau aspirait son essence vitale et il se sentait sombrer peu à peu vers l'autre monde, celui dont on ne revient pas. Tandis que deux solides bras le saisirent sous les aisselles, ses yeux fatigués se fermèrent. La dernière chose qu'il sentit, avant de couler dans les profondeurs de l'inconscience, fut la roche qui égratignait son dos alors qu'on le tirait en arrière.

Les flammes d'un feu de camp qui dansaient derrière les paupières fermées de Lazare finirent par l'éveiller. Il papillonna quelques minutes des yeux, pour s'habituer à l'obscurité. Un cheval se tenait devant lui, les yeux grands ouverts et la tête baissée vers lui. L'elfe, consterné, tendit la main vers Jaggadevi, qui vint docilement poser son museau dans sa paume.

"Vy et eytto tyswidyn, chuchota t-il tendrement en caressant la tête de sa monture, sourire aux lèvres. Temuqisoi fi deppettup."

("Tu as aussi survécu, chuchota t-il tendrement en caressant la tête de sa monture. Saloperie de canasson.")

Il releva la tête en poussant un grognement. Sa jambe avait été soigneusement bandée dans ce qui semblait être une chemise. Lazare se figea. Quelqu'un aurait survécu ? Il jeta un coup d'oeil autour de lui, sur ses gardes. Si c'était effectivement le cas, son sauveur devait encore rôder dans le parages. Une chose était certaine : il se trouvait toujours dans la grotte. L'atmosphère humide ne trompait pas. En revanche, le lac souterrain dans lequel il avait chuté avait disparu. On l'avait déplacé.

Il eut bientôt réponse à sa question. La silhouette élancée d'un elfe se dégagea des ténèbres. Il s'approcha de lui d'un pas presque militaire. Lazare le reconnut immédiatement : Iphranir, le chef de leur troupe. Ou tout du moins de ce qu'il en restait.

"Ki dsuot coip ryi wuyt îvit m'imgi mi qmyt vipedi ryi k'eo keneot wy, lâcha le commandant d'une voix qui transpirait le soulagement."

("Je crois que vous êtes l'elfe le plus tenace que j'aie jamais vu.")

Lazare sourit légèrement, avant de prendre la parole à son tour.

"Iv mit eyvsit ?

("Et les autres ?)

— Nusvt. Vuyt."

(— Morts. Tous.")

L'elfe baissa la tête, attristé par la nouvelle. Les yeux cernés, les bras et les jambes lacérés de griffures, Iphranir semblait s'en être sorti avec des difficultés lui aussi.

Lazare | Histoire courte TyrnformenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant