Lazare | Histoire courte Tyrnformen

PARTIE 10 - RETROUVAILLES

Le trajet jusqu'à son nouveau domicile dura une dizaine de minutes. On l'escorta en calèche, aux couleurs du conseil de Lothariel : vert et or. Le calme des abords de la cité lui arracha un sourire. Il était heureux de ne pas vivre dans l'Arbre. Même si l'édifice paraissait impressionnant, il n'en restait pas moins un espace clos dont le tour pouvait être fait en quelques heures.

Il fut assez surpris de passer le portail de la haute-ville. Il n'avait jamais eu assez d'argent pour se payer un appartement convenable, alors une maison ? Une pointe d'appréhension et d'excitation s'empara de lui. Des elfes, habillés avec luxe, se retournaient régulièrement sur le cortège, à la fois surpris et curieux.

Et finalement, les chevaux s'arrêtèrent devant un immense manoir à la façade d'un blanc immaculé. Bouche bée, Lazare interrogea les gardes du regard, qui lui confirmèrent qu'il était bien arrivé. C'était plus grand que tout ce qu'il n'avait jamais imaginé. Son coeur se serra en pensant à ses collègues messagers qui n'auraient jamais l'opportunité d'approcher une maison de ce genre.

Il descendit, attrapa les béquilles qu'un de ses accompagnateurs lui tendait et s'empressa d'avancer vers la gigantesque bâtisse. A travers les fenêtres, il s'aperçut qu'elle était déjà meublée, dans les tons verts et bruns. Lentement, il poussa la porte. L'intérieur était encore plus beau que l'extérieur. Un grand couloir joliment décoré, les murs couverts de peintures d'artistes prestigieux, accueillit ses premiers pas. Partout où se posait son regard, une nouvelle découverte l'attendait.

Il poussa une porte à sa droite, qui ouvrait sur un grand salon. Une grande table de bois ornait le centre de la pièce, éclairé par un grand lustre de diamant. Sur le mur du fond, plusieurs bibliothèques avaient été accolées, les étagères couvertes de livre. Dans la deuxième partie de la pièce, trois canapés pourpre et aux ornements en marbre parfaitement taillés se faisaient face : sur l'assise centrale, une tête de manticore s'élevait du dos, et les pattes du monstre se poursuivaient dans les accoudoirs pour former les quatre pieds du meuble. Quant à la queue de scorpion, arme mortelle qui lui avait tant posé problème, elle était repliée sur le châssis, presque inoffensive en relief sur la pierre lisse et blanche. Ils encerclaient une cheminée, elle aussi en marbre blanc, de laquelle la chaleur d'un doux feu réchauffait l'endroit.

Son regard s'attarda ensuite sur les fenêtres arrière. En poussant les rideaux vert foncé, il découvrit un immense jardin, dans lequel broutait tranquillement Jaggadevi, propre et soignée, devant une grande écurie.

Cette vision fut la goutte de trop pour l'elfe. Il se laissa tomber sur une chaise et des larmes ne tardèrent pas à couvrir ses joues amaigries et mal cicatrisées. Des sentiments contradictoires fusaient dans son esprit : d'un côté, il était maintenant certain que ses filles seraient heureuse dans cet endroit, elles ne manqueraient plus jamais de rien, mais, de l'autre, il savait aussi qu'il ne pourrait pas profiter de ce renouveau avec elles. Tout le temps qu'il passait sur les routes l'éloignait un peu plus d'elles. Elles grandissaient, se forgeaient des souvenirs, pas tous heureux, mais sans lui. Maintenant qu'il était ambassadeur, sa présence se raréfierait encore plus.

Il releva les yeux et renifla bruyamment. A l'étage, des bruits de pas se firent soudainement entendre. Ils dévalèrent l'escalier à toute vitesse, puis une jeune elfe, en robe bleue, déboula dans le salon.

"Qisi !"

("Père !")

Aristice plongea dans les bras de son père, qui la réceptionna. Elle se mit à pleurer à chaudes larmes en le serrant de toute ses forces. Lazare se laissa enivrer par le parfum si particulier de sa cadette. Agée de dix ans, elle avait toujours été le rayon de soleil de leur foyer, toujours de bonne humeur et très énergique. Son aînée, Fridia, seize ans, se rapprocha plus timidement, avant de rejoindre la mêlée en croisant le regard de son géniteur.