Démasquez-moi

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Suis-je un fieffé menteur ? Pourquoi sont-ils si dupes ?  Je ne me soupçonnais pas d'être un comédien aussi talentueux. Oh, comme j'aurais voulu n'être qu'un cabotin incapable de berner son audience. J'ai la nette impression d'être le seul ici à remarquer à quel point mon jeu sonne faux ; les autres ont tous avalé aveuglément la grossière supercherie. Je ne porte aucun autre costume qu'un sourire de plus en plus factice et il n'en faut pas plus pour leur retourner l'esprit. Pourquoi s'arrêtent-ils donc aux masques que je m'impose et qui obstruent mes véritables tourments ?  Cherchez. Creusez. Posez-vous les bonnes questions. Et par-dessus tout, cessez de vous conforter dans la solution qui vous arrange.

Me croyez-vous à ce point dénué d'émotions ? Quelle triste plaisanterie... Sachez qu'il s'agit de mon souhait le plus cher.

Vous n'imaginez pas comme je regrette d'être si bassement humain, pétri de toutes les failles que le ciel condamne.  Je suis une répugnante incarnation de l'acédie, une âme perdue laissée à l'abandon par son propriétaire. Je suis dénué d'envie, d'ambitions et de tous les rêves qui coloraient autrefois mon existence. J'ai cessé d'éprouver le moindre désir, même celui de subir le prochain jour avec la même apathie qui a teinté les précédents. Et c'est pourtant ce que je ferai, parce que je reste un indécrottable masochiste même si j'ai tant rêvé de noeuds coulants et de lames acérées. Même l'idée d'échapper à mon état ne m'inspire aucune détermination... Je peux bien rester ainsi jusqu'à mon dernier souffle, quelle importance ? Personne n'attend de me voir renaître, puisque personne ne connait mon vrai visage.

En vérité, je suis si faible que cela devient risible. Il a suffi que le pinacle de ma vie s'effrite un tant soit peu pour que je me vautre éhontément parmi ses vestiges. Et ce n'était même pas faute d'avoir essayé de m'en échapper avant d'atteindre moi aussi l'état d'une irrécupérable ruine. Chacune de mes tentatives se solda d'un cuisant échec ; j'étais encore trop attaché à mon faîte d'antan pour songer à m'en éloigner davantage. J'ai joliment mérité mon agonie ; si elle s'achève par un trépas subit dans la fleur de l'âge, ce serait de la sélection naturelle.

J'ignorais qu'un cœur vide pouvait faire aussi mal...

Mieux vaut m'arrêter là. Reprendre la plume pour confesser les conséquences de ne plus l'avoir prise, est-ce un bon début ou un pas de plus dans ma chute dans le néant ?

Calmes-toi, fleur de lys.

Calmes-toi.

De la plume d'un lys blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant