Prologue

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Point de vue Shoto

Le papier s'imprègne de l'encre de chine se trouvant sur mon pinceau. Mes traits sont rapides, vigoureux, souples. Je dois rendre ma planche pour après demain, pourtant, je ne sais même pas où je vais.

J'ai ce qu'ont tous les artistes, le syndrome de la page blanche. Oui, j'avais tout prévu mais je me suis éloigné de mon but principal et me voilà coincé. J'aime mon histoire, mais j'aimerais remodeler certains détails. Je ne supporte plus ce monde que j'ai créé, cet univers élitiste et futuriste.

J'ai envie de changer, de dessiner autre chose que des bâtiments hauts et maculés de vitres. Je veux plutôt dessiner des immenses demeures gothiques, des dragons au fin fond des montagnes, des trésors enfouis dans une grotte...

L'univers que j'ai créé est triste. Un univers où pour s'en sortir il faut se battre. Un peu comme le monde réel et si je dessine à la base c'est pour m'éloigner de cette horrible chose qu'est la réalité.

Mon personnage principal est fort, vaillant, charismatique. Je l'affectionne vraiment et c'est pourquoi je ne veux pas abandonner mon manga, faire une fin bateau. J'ai envie d'aborder des sujets graves, qui touchent tout le monde, si je dessine, c'est avant tout pour transmettre des émotions.

Une idée folle, incongrue, me traverse la tête. Mon idée est parfaite. Je vais faire de mon personnage principal une victime de revenge porn et il finira par se suicider. Pour marquer les gens il faut que ça choque. Sauf que ça ne colle pas avec mon héros. Je pourrais lui inventer un passé étrange qui ressurgit mais ça casserait tout. Je suis vraiment dans une impasse. On va dire que cette personnalité sans faille n'était qu'une apparence et qu'il a finit par craquer.

Je commence donc à dessiner fièrement la suite de mon manga. Mes doigts tiennent le pinceau qui trace le visage déformé par la douleur de mon protagoniste. Oui, c'est mieux si on le voit tout d'abord pleurer. Les lecteurs s'inquiètent, se posent des questions, puis enfin on leur montre le désastre. Je veux qu'une rage les prenne en lisant ça, qu'ils comprennent l'horreur de ce geste.

Je me dois de n'oublier aucun détail, que ce soit les larmes ornant ses tâches de rousseur, sa chevelure verte et bouclée balloté par le vent. Ses grands yeux qui semblent annoncer la fin du monde. Chaque détail se doit d'être présent.

Après des heures d'encrage, je dois enfin m'occuper de la scène finale, celle où il doit se suicider. C'est horriblement dur à écrire. J'ai presque l'impression de me retrouver à la place du personnage. Je ne dois pas trembler, je ne dois pas gâcher ces heures de travail intensif. Sauf qu'au moment de le dessiner en train de se pendre, mon encre n'adhère plus au papier. C'est une blague j'espère? Je pose mon index sur le pinceau mais l'encre est bien présente. Je m'acharne sur le papier mais rien n'y fait... Je vais recommencer demain, je dois être fatigué, c'est dommage j'étais dans ma lancée.

Je pars me coucher, ne prenant pas la peine de regarder l'heure, je sais que nous sommes le matin, je n'ai juste pas envie de faire face à la réalité. Je suis probablement ce qu'on appelle un déchet de la société, mais je n'en ai plus rien à faire, aujourd'hui je vis de ma passion, je ne fais plus que ça, je n'ai aucune activité autre, mais au moins je suis épanoui.

Je me mens à moi même. J'en ai horriblement marre. J'adore dessiner mes mangas, j'en ai rêvé toute ma vie. Mais je ne dois pas y penser, sinon je finirai par me l'avouer. J'ai peur d'abandonner ce pour quoi j'ai tout laissé.

Puis, j'ai ceux qui me lisent, qui attendent chaque semaine dans le shonen jump un nouveau chapitre. Je ne peux pas les décevoir... Je ne peux pas me le permettre... Enfin si, rien ne m'y contraint... De toutes façons on me l'a dit, les ventes ont baissées, de moins en moins de gens aiment, ma motivation baisse, le fil conducteur se brise, mon histoire se détériore...

Les gens commencent à détester les personnages que je crée, ils n'aiment pas les gens qui ont des failles, qui ont des défauts, ils veulent des gens parfaits et ne se retiennent pas de me faire comprendre qu'ils détestent mes personnages. Du coup je m'efforce d'écrire pour que ça plaise à tout le monde, au risque de ne plus me plaire à moi.

Des fois j'aimerais me détendre devant un animé comique et tranche de vie, sauf que c'est impossible avec le manga, je ne sais même plus si je dessine par passion ou par obligation.

J'essuie rageusement la larme qui s'est échappée de mon œil gauche, celui meurtri d'une brûlure. J'aimerais dire fièrement que c'est une brûlure que j'ai eu en sauvant un enfant d'un incendie. Sauf que non, ma mère a tenté de me brûler le visage car je lui faisais penser a mon père. Mère qui est aujourd'hui internée à l'hôpital. Père de chez qui j'ai du m'enfuir pour ne pas mourir battu.

On demande régulièrement à ce que je fasse des dédicaces. Mais je ne me suis jamais montré, j'ai bien trop honte de mon vrai moi. Je suis une personne faible et horrible, mon visage m'inspire le dégoût et la honte. Je me regarde dans le miroir à moitié cassé dans ma petite chambre. Mes cernes s'agrandissent de jour en jour, mes cheveux sont entièrement mélangés, je n'ai pas du les peigner depuis au moins une semaine. La dernière fois c'était juste pour rendre mes planches.

Je me laisse tomber dans mon futon, mon dos heurtant le sol. Le sommeil me gagne lentement, doucement, comme si même lui ne voulait pas de moi. Je suis fatigué, à deux doigts de tomber de fatigue, mais je n'arrive pas tout simplement, donc je reste éveillé, je pense à mon manga, heureusement que mon personnage n'existe pas sinon je me sentirais bien coupable de lui écrire de telles horreurs.

Je m'endors au bout de longues heures mais je suis réveillé peu après par mon réveil. Encore une journée géniale qui s'annonce. Je pars me faire mon café, prendre une douche rapide et je me mets au travail. Il faut que sa mort prenne deux pages entières. Ou sinon encore mieux, je dessine ses pieds qui pendent dans le vide, pour les âmes sensibles c'est peut-être mieux. Les gens sont toujours plus touchés lorsqu'on ne révèle pas la chose. C'est une chose basique que tout artiste connait.

Je me munis de mes écouteurs, mets l'épilogue d'Orelsan, me laisse porter par les paroles et commence à encrer. Sauf que même problème que la veille. Je vais essayer sur une nouvelle feuille, si ça se trouve j'ai mis de l'imperméabilisant sur la feuille en en mettant sur mes chaussures. Mais qu'est-ce que je raconte, je ne sors jamais, pourquoi j'aurais mis de l'imperméabilisant sur mes chaussures.

Je prends tout de même une nouvelle feuille et même scénario. Je la déchire rageusement. Je vais changer mon encre, prends une feuille encore dans son emballage mais le soucis se répète. J'aurais bien demandé à quelqu'un d'essayer, de témoigner pour me rassurer que la folie n'est pas en train de me gagner mais je n'ai aucun ami.

Je me laisse tomber sur le sol, fermant les yeux face à la douleur de mon corps heurtant le sol. Putain de sol bétonné. Sol bétonné ? Il n'y a que du parquet dans mon appartement. Puis, à qui appartiennent ces sanglots? Sûrement un rêve.

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Je pense que vous pouvez constater que cette histoire sera très personnelle, comme tout le monde, j'écris ce que je vis ^^'

J'ai réalisé que la base de l'histoire ressemble à celle de mon drama préféré "W" criez au plagiat si vous le souhaitez, j'ai ça à chaque histoire il faut croire, pourtant l'histoire sera bien différente

Et oui, je ne fais pas de pauses entre mes histoires, j'aime beaucoup trop écrire pour attendre deux semaines ou plus

Kyoshiko~

Cauchemar ~Tododeku~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant