Chapitre 9 : Le lapin grignote

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Sans grande surprise, Kyle m'avait laissé là, seule. Alors qu'il était déjà allé s'asseoir à une autre table. Pendant que moi j'étais resté plantée devant la porte comme une idiote. Attentant de trouver une façon de ne pas me faire remarquer en entrant. Quand j'avais enfin réussi à prendre mon courage a deux pour entrer, j'avais été incroyablement soulagée de constater que personne ne fit attention à moi. La curiosité qu'avait créée mon arrivée, semblait déjà être retombée. Un soulagement ainsi qu'une crainte. Si entant que nouvelle j'avais une chance de me faire des amis rapidement, maintenant que j'étais devenu aussi invisible il y avait très peu de chance que je puisse m'intégrer dans un groupe.

Après être allé chercher mon plateau et avoir dû faire la queue une deuxième fois pour avoir fait tomber ma première assiette. Je m'étais retrouvé figée devant toute ses tables. Un véritable océan d'adolescent, bruyants, et affamés. Ça en était presque effrayant. Mais j'ai plongé tout de même, déambulant entre les tables avec difficulté. Les regards noirs que je ramassais à mon passage où les sacs qu'on posaient brusquement sur les places libres me déconseillaient de tenter de m'asseoir quelques part. Manger dans les toilettes, assise sur la cuvette, le plateau en équilibre sur les genoux, ne me tentait pas franchement, mais c'était sûrement comme cela que ça allait finir. D'un coup d'œil j'ai tout de même chercher « les tables mal aimées ». La plupart du temps il y en avait deux, celle à côté des toilettes, pour avoir la chance de voir défiler pendant votre repas une ribambelle de personnes ainsi que leurs problèmes d'estomacs. Et si les toilettes ne vous tentez pas, vous aviez aussi droit à la table à côté du micro-ondes, avec cent pour-cent de chance de finir par sentir le fromage, aussi fort que si vous vous étiez couvert de Rockford. De mon côté j'avais une nette préférence pour le micro-ondes et heureusement car après avoir vérifié j'avais constaté qu'ici ils avaient eu la bonne idée de ne pas mettre de table à côté des toilettes.

En vérité il n'y avait qu'une seule table de libre, enfin plutôt une seule table ou la personne assise ne menaçait pas de me tuer d'un regard si je m'approchais trop près. Je l'ai reconnu assez rapidement quand j'aperçu une boule de poil grise posée sur la table. Juste à côté une jeune fille mangeait sans appétit, je me rappelais bien avoir croisée cette gamine juste avant que nous quittions Paris. Curieuse, j'ai posé mon plateau devant l'enfant qui ne me décrocha pas un regard. L'odeur de fromage s'infiltra immédiatement dans mes narines et à ce moment-là j'étais sûr de sentir le fromage fondu même en prenant trois douche d'affilé. Le petit lapin que j'avais déjà eu l'occasion de rencontrer, semblait lui aussi bien occupé, la tête dans le bol à salade de sa maîtresse, l'animal ne broncha pas à mon arrivée. Assis il grignotait avec application une feuille entre ses deux petites pattes. Le regarder était presque fascinant tellement le comportement de l'animal se rapprochait de l'humain. Ce fut bien moins fascinant quand je m'étais attardée sur le contenu de mon assiette. Purée, steak haché au menu. L'appétit m'étant brusquement passé, j'avais refilé le contenu de ma salade au rongeur, qui me remercia en tapant du pied sur la table. Si on m'avait dit un jour que je mangerais à la même table qu'un lapin, j'aurais sûrement pris la personne pour un taré.

Affamé j'avais tout de même fouillé dans mon sac à dos à la recherche d'autre chose que de la purée de pomme de terre. Quand j'étais tombé sur les trois poches de sang, j'avais immédiatement regretté de ne pas avoir eu la jugeote de transvaser le sang dans une bouteille. J'avais tout de même sorti les poches sur la table et immédiatement les yeux du propriétaire du petit lapin avait doublés de taille. Je l'ignorais, le contenant des poches retenant toute mon attention. Rapidement j'ai rempli mon verre avec la première et vider la deuxième sur ma purée. Le mélange était incroyablement alléchant et mon estomac grogna. J'ai englouti mon verre d'une traite et je m'apprêtais à commencer mon assiette quand sous la table je me suis pris un coup de pied dans le tibia. J'ai immédiatement levé la tête de mon assiette pour fusiller du regard l'enfant devant moi. Mais j'eu à peine le temps de lever les yeux qu'une main se posa sur mon épaule pour me faire sursauter. Je me suis immédiatement retournée, les dents rouges de sang. Je n'ai pas tout de suite réussi identifier la personne. Pourtant celle-ci s'installa à côté de moi comme si nous étions amis depuis des lustres. Malheureusement je l'avais reconnu quand son sourire charmeur m'avait une fois de plus fait frissonner. Maintenant blond comme le blé et assez bronzé, il ne ressemblait plus du tout à la même personne.

Les larmes de lune Où les histoires vivent. Découvrez maintenant