Chapitre 4

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S'il y avait bien une chose que j'avais apprise au cours de ma vie, c'était que si on arrivait à se persuader que rien n'était douloureux et bien on ne ressentait plus rien. Et c'était ce que j'essayais tant bien que mal de me persuader. Que partir ne me faisait rien, que retourner là-bas ne me terrifiait pas. Pourtant aujourd'hui je n'y arrivais pas, j'avais passé ici plus de moments joyeux en un an que là-bas en plus de seize ans.

J'étais arrivée ici, sans rien, avec juste assez pour survivre quelque mois, mais avec la possibilité de devenir quelqu'un d'autre, d'oublier. J'avais sûrement été bien naïve. Quand la malchance avait décidé de ne pas vous lâcher, votre vie était destinée à être des plus pourries.

Et bien c'était mon cas, où que je sois, où que j'aille, je gâchais tout. Je m'entêtais pourtant à réessayer sans cesse, pour goûter encore quelques temps au bonheur pour me l'arracher aussitôt. Toujours les mêmes choses, se reproduisant à l'infini et avec le temps avaient fini par me lasser. La vie était ennuyante et sans intérêt, mais ce n'est pas pour ça que mon cerveau n'y portait pas d'attention.

Penser que nos vies avaient une quelconque utilité était bien trop bête de notre part et surtout de la mienne. Alors autant être inutile de la meilleure des façons, et de ne pas prêter grande intention à la vie ou à la mort.

C'était sur ces principes que j'avais toujours vécu, pas forcément de la meilleure des façons, mais si j'étais encore en vie aujourd'hui c'était sûrement que je ne me débrouillais pas trop mal.

Tout le monde voyait les gens impulsifs comme de vraies bombes à retardement et j'avais la malchance d'en être une. C'était presque à se demander si je le faisais exprès ou si j'étais tout simplement incapable de réfléchir plus d'une seule seconde avant d'agir.

Fidèle à moi-même je m'embarquais une nouvelle fois dans une histoire sans queue ni tête, qui commençait déjà à fortement m'agacer, enfin c'était plutôt le regard insistant dans mon dos de Kyle qui m'énervait au plus haut point. Un regard de pitié qui me transperçait depuis bien cinq minutes. C'était clair que Kyle devait avoir une famille plutôt aisée vu les coups d'œil dégoutés qu'il avait lancé à mon pauvre petit studio, qui serte ne payait pas de mine, mais que tout étudiant habitant à Paris aurait adoré trouver.

Debout, devant mon immeuble nous attendions impatiemment un soi-disant ami à Kyle qui devait nous rejoindre d'une minute à l'autre. Personne ne parlait et un silence pesant flottait dans l'air. Un silence qui pour ma part me donnait vraiment sommeil, j'avais passé la nuit dernière la tête dans les papiers et au téléphone à passer en revue tous mes documents au cas où un seul ne serait plus valable. Heureusement j'avais pu arranger mon dossier scolaire assez rapidement en écartant quelques petits problèmes, histoire de ne pas avoir une trop mauvaise image dès mon arrivée. Kyle avait vu l'original, mais j'étais pratiquement sûre qu'il ne pourra jamais voir le nouveau.

Tout était en ordre et je n'avais pas à m'inquiéter, mais je n'étais absolument pas rassurée, arrivée là-bas j'allais sans doute recevoir un interrogatoire digne du FBI et je n'étais clairement pas prête à faire face à toutes ses questions.

Mes angoisses intérieures furent stoppées par l'arrivée d'un homme blond l'air désespéré, trainant avec lui une petite fille pleurant silencieusement toutes les larmes de son corps comme si on venait de lui annoncer quelque chose d'horrible. Kyle leva les yeux au ciel, en lançant un regard noir vers l'homme qui venait d'arriver, celui-ci qui devait être plus vieux, lâcha la petite fille et me détailla du regard avec un grand sourire.

-Au nom de la déesse, Kyle ! La prochaine tu t'occuperas des enfants. Je suis vraiment nul, elle n'a pas arrêté de pleurer pendant tout le trajet et la directrice du pensionnat de Paris a presque fait un scandale car ce n'était pas à moi de venir chercher l'enfant. Soupira le blondinet.

Les larmes de lune Où les histoires vivent. Découvrez maintenant