Chapitre 5

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Jassem à 29 ans, il vient d’Algérie. Là-bas, sa mère est seule. Son père est décédé. Il n’a ni frère ni sœur. Il est venu en France, dans l’espoir, comme beaucoup d’autres, de couler des jours meilleurs mais arrivé ici, il a bien vu que c’était encore une autre histoire. Il avait bien eu un titre de séjour mais très vite, ses petites économies n’avaient pas tenu le coup. Des connaissances lui avaient parlé de la prostitution alors il avait commencé à tailler des pipes pour se faire un peu d’argent. Il me raconte son histoire simplement, en buvant son whisky. Sa voix ne trahit aucune émotion mais je suis touchée. Je mets une main sur son épaule. Il se lève. « Merci pour le verre. Je vais partir maintenant. Merci pour ton aide. Dieu te le rendra. » Je n’ai même pas le temps de le retenir qu’il est déjà parti. Je devine que ma sollicitude l’a gêné.

J’appelle Elo pour lui raconter la soirée. Elle s’exclame : « T’es complètement inconsciente mon cœur ! Tu ne le connais pas ce mec ! Enfin bon, s’il est partit ça va. » Je sais que c’était un peu risqué de le faire monter chez moi mais je ne pouvais pas le laisser comme ça. « Je sais chérie mais c’était plus fort que moi. Sa vie est si triste. » Elodie ne me demande pas de détails et je ne veux pas ébruiter ce qui m’a été confié. On se parle encore un peu et on se dit bonne nuit. Je suis dans mon lit mais je n’arrive pas à dormir. Je me repasse la soirée en boucle. J’aurai aimé lui demander où il habite mais il est partit tellement vite. Il est si beau. Je m’endors avec le visage de ce prostitué Jassem devant les yeux.

Je rejoins Elo le lendemain pour aller au cinéma. Nous nous retrouvons avec un baiser enflammé. Je lui propose plutôt d’aller chez moi. Nous sommes main dans la main. Nous montons en se caressant dans le couloir. Jassem est devant ma porte. Nos rires euphoriques se calment très vite. Je sens Elodie se tendre. Elle le regarde d’un œil mauvais. « Qu’est-ce que tu fous là toi ? » Lui lance-t-elle sur un ton mauvais. Je la regarde, déjà en colère. « Ne lui parle pas comme ça Elodie. » Jassem n’a pas bougé. Il se contente de venir vers moi et de me tendre la serviette avec laquelle il était parti la veille. « Voilà ta serviette. Je te remercie encore. Je l’ai lavé. Désolé du dérangement. » Je veux lui dire quelque chose mais il s’en va. Je me tourne vers Elodie. « T’es complètement conne ! Pourquoi tu lui as parlé comme ça ? ». Elle est furax. « Pourquoi tu défends un putain de prostitué hein ? Oh mais attends, c’est peut-être parce qu’il est sacrément sexy ce putain de prostitué ! Tu t’es peut-être payé ses services ! » Je boue intérieurement. Elodie fait mine de s’en aller. « C’est ça, casse-toi ! Tu divagues complètement ! Je l’ai juste aidé et s’il se vend, c’est pour une raison alors arrêtes un peu.»

Elle me fait un « fuck » par-dessus l’épaule et s’en va. Les larmes coulent déjà. J’ouvre ma porte en rage. Je renverse tout ce qui est sur la table basse. Je vais me chercher une clope cachée dans un tiroir pour les jours d’angoisse. Je fume nerveusement. Je pense à Elodie. Je pense à Jassem.

La semaine se termine et je vais à la fac sans conviction, j’ai même zappé les réunions où je vais habituellement. Je croise Elodie mais elle ne parle pas. Eric est avec elle et affiche une mine radieuse. Elle ne voit même pas que ce connard se réjouit de notre fin. De toute façon, je n’étais pas vraiment amoureuse. J’aimais faire l’amour avec elle c’est vrai mais on ne parlait jamais de sentiments. Je cherche Jassem du regard chaque soir mais il ne vient plus depuis qu’il m’a rapporté ma serviette. Est-ce à cause de moi ? J’aimerais tant le revoir.

Le prostituéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant