Chapitre 2

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Je tourne la tête vers mon portable qui s'allume et vibre à côté du clavier. Georg ? Qu'est-ce qu'il me veut ? J'espère que c'est pas encore pour me tanner à aller courir avec lui, j'en ai vraiment pas envie. J'attrape mon téléphone mais je ne décroche pas. Je regarde l'écran de mon ordinateur où l'image de Bill s'affiche sur Skype. Il a un regard plein de questions... Et une tête fraîche pour quelqu'un qui parle à minuit.

« Tu veux que je te laisse pour répondre ? Me demande-t-il.

- Non, je crois que ça peut attendre. Je rappellerai au pire, dis-je en refusant l'appel.

- C'est qui ?

- Georg. »

Il pâlit de suite. Ça me donne envie de lever les yeux au ciel. Mais je me retiens. Je ne comprends pas sa réaction. Il agit comme si c'était devenu son pire ennemi ou un monstre... Ou je ne sais quoi. C'est débile.

« Toi, il te fait pas la gueule ? Fait-il surpris. T'as de la chance, ajoute-t-il d'un ton ironique.

- T'es sérieux ? Fais-je en appuyant mon menton dans le creux de ma main. J'y peux rien si vous vous êtes engueulés, j'ai rien à voir là-dedans, moi.

- Tu aurais pu prendre notre défense.

- Ah oui, c'est vrai... Et juste après, Georg m'aurait demandé la même chose. Et je me serais retrouvé le cul entre deux chaises. Merci bien.

- Il te parle de nous parfois ? Ou il nous a totalement zappés ?

- Si ça t'intéresse tant que ça, écris-lui. Il a pas changé de numéro.

- Non mais il a dû bloquer le mien, il m'a jamais répondu.

- Tu lui as écris quand ?

- La dernière fois, c'était au moment où j'ai repris contact avec toi... Il y a un an. Toi, t'as répondu. Lui, jamais.

- Désolé Bill mais c'est pas mon problème. Tu t'es demandé pourquoi il t'avait pas répondu ?

- Mais évidemment ! Je pensais qu'il serait passé à autre chose depuis le temps. Il a la rancune tenace, grimace-t-il.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que toi et Tom avez entièrement eu raison et que Georg est qu'un con ? Tu sais que c'est pas la vérité. Moi, j'ai passé l'éponge parce que j'en ai rien à foutre de ce qui s'est passé. J'y peux rien si lui, ça le blesse plus et qu'il vous en veut encore.

- Il a toujours pas compris qu'on n'avait pas fait ça contre lui ou contre toi ?

- Je n'en sais rien, Bill. On ne parle jamais de ça quand on se voit. C'est un genre de sujet tabou. J'ai essayé une fois, pour dire que t'avais repris contact... Ben l'an denier justement. Il m'a dit qu'il avait reçu ton message, qu'il l'avait supprimé direct et qui ne comptait pas vous reparler. Depuis, je ne dis plus rien, moi.

- Quel con ! Râle-t-il en croisant les bras. Putain, je croyais qu'on était amis...

- Essaie de l'appeler si ça te manque tant que ça.

- Rêve ! J'ai déjà fait le premier pas, il a pas voulu répondre... Qu'il aille se faire foutre. S'il veut m'ignorer, tant pis pour lui. Ce n'est pas une grosse perte. »

Je reste un peu scotché devant mon écran. Il est sérieux ? Il pense vraiment ça ?

« Tu ne peux pas dire ça. On a quand même vécu des trucs dingues tous ensemble... On était comme des frères.

- Je n'en ai qu'un et ça me suffit largement, pas besoin de plus.

- Tu le prends comme ça ? OK, salue Bill.

- Non, attends, Gus... »

Je ferme Skype sans attendre. Je m'appuie contre le dossier de mon fauteuil rembourré, les bras croisés derrière la tête, les yeux sur le tableau accroché au-dessus de mon bureau. Ce paysage islandais, ça m'apaise toujours. Je respire profondément en ressassant ce que vient de me sortir ce petit con. Genre il n'a qu'un frère... N'importe quoi. On se connaît depuis qu'on a treize ans, on a parcouru l'Europe et le monde ensemble, qu'il n'essaie pas de me faire croire qu'on était seulement amis, j'y crois pas. C'est bien pour ça que cette rupture entre nous a été si douloureuse, parce qu'on n'est pas que des potes. On ne s'est pas considérés comme tels lorsqu'on était sur scène ensemble. Mais Bill a tellement d'ego et de fierté qu'il doit refuser de le voir en face. Quel con. S'il était un peu capable de se remettre en question, on n'en serait pas là aujourd'hui. Et Tom aussi... Ceux-là, pas jumeaux pour rien. Les mêmes têtes de con quand il s'agit de réfléchir un peu, comme s'ils avaient toujours raison.

En attendant, faut que je rappelle Georg, moi. Je prends mon téléphone dans un soupir. Pourvu qu'il m'ait pas appelé pour une connerie, je suis pas trop d'humeur maintenant. Cet idiot de Bill a foutu en l'air ma bonne humeur. Génial ! Moi qui m'étais levé du bon pied, il a tout foiré. J'appuie sur la touche "rappel" et colle le portable à mon oreille.

« Allô ?

- Ouais, tu voulais quoi ?

- J'sais pas, j'suis un peu patraque aujourd'hui. T'as pas envie qu'on sorte, qu'on prenne l'air ?

- Ben... »

Je regarde dans mon dos la porte fermée du bureau, comme si Linda allait apparaître au travers. Que je sache, j'ai rien de prévu avec elle aujourd'hui. À moins qu'elle commence déjà à me prendre la tête à faire les boutiques pour Noël. Ce n'est que dans un mois mais elle est déjà à fond. Je trouve ça mignon mais chiant aussi parfois.

« Ouais, si tu veux, soupiré-je enfin. On se retrouve où ?

- Au bord de l'Elbe, dans notre coin, comme d'habitude ?

- OK. Je serai là dans un quart d'heure.

- Parfait. Merci Gustav. »

Je raccroche sans attendre et éteins mon ordinateur. En route !


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When life was easyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant