Chapitre 20

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Je suis un peu nerveux et je crois que les autres aussi. Ça se voit à l'image qu'on a de chacun sur l'écran, on a tous la gueule de travers. C'est la première fois depuis longtemps que je ne me suis pas senti si stressé. Pourtant on sait que ça devrait rouler, on a bien vu les réactions des fans sur internet quand on a annoncé l'album, mais c'est plus fort que moi. On va voir ce qu'on vaut réellement dans le cœur de ces gens qu'on a presque abandonnés du jour au lendemain. J'ai passé des jours à regarder les épisodes de Tokio Hotel TV qu'on a postés les dernières semaines, pour préparer ce nouvel album qui sort aujourd'hui. J'ai parcouru les commentaires de long en large pour essayer de me rassurer, de ne pas paniquer, mais ça n'a pas vraiment marché. J'ai l'impression que tout le monde nous attend au tournant, les fusils chargés, prêts à nous dégommés. Les trois premières chansons ont été extrêmement bien reçues mais j'angoisse devant mon écran en attendant d'avoir les chiffres des ventes. C'est ça qui va nous montrer si oui ou non, on a encore une quelconque importance. C'est peut-être con de se baser sur ça mais c'est super important, ça définira ce que notre groupe est devenu et ce qu'on peut espérer pour la suite. Rien que pour une tournée, c'est essentiel de savoir combien on vend pour estimer ce qu'on va organiser.

Puis on a décidé de ne rien dire sur notre séparation, sur nos ressentis. On s'est mis d'accord pour dire que parler de cet événement dans le groupe ne pourrait que nuire à notre image. Si on avait dit qu'on s'était disputés, qu'on avait même coupé les ponts durant presque deux longues années, qui aurait encore voulu croire en nous ? Au contraire, si on dit qu'on est restés soudés même dans les épreuves et ce passage à vide, les gens vont se dire : "Wow, ils sont toujours aussi proches, ça tient bon leur truc, on peut leur faire confiance." C'est peut-être idiot mais c'est surtout marketing, oui. Et je crois que de toute façon, aucun de nous n'avait envie d'expliquer ce qui s'était réellement passé parce que ça n'aurait pas été pour une question, plutôt pour une dizaine. Cette histoire est derrière nous désormais. On est comme avant, peut-être même encore plus soudés qu'avant, et c'est tout ce qui compte au final. Le reste, ça ne regarde que nous.

Je termine ma tasse de café nerveusement. Je ne suis pas sûr que ça m'aide à me calmer, tout ça. Je suis presque malade de sentir le stress me tourner le ventre. Je regarde le visage des autres. Gustav a l'air bien plus détendu que moi, il bâillerait presque en attendant les chiffres. Tom et Bill ont l'air stressés aussi mais moins que moi. Mais ils se rendent compte qu'on est en train de jouer notre avenir, là ? Je suis le seul à m'en rendre compte ? C'est insupportable d'être là, d'attendre de voir un peu ce qui se passe avec notre musique.

Ma connexion se met soudainement à planter. J'ai beau essayer de cliquer sur un lien quelconque, internet a décidé de se faire la malle. Skype se coupe brutalement, je me retrouve sans connexion. Putain de merde ! Je donne un grand coup sur mon bureau tant je rage. J'attrape mon portable et appelle immédiatement Tom. En attendant qu'il décroche, je me tortille sous mon bureau pour vérifier qu'un câble ne s'est pas débranché. Ben non, rien à signaler. Pourquoi je n'ai plus de connexion alors ? Et pourquoi aujourd'hui ?! Bordel de merde.

« Yo ? Décroche Tom.

- Putain, internet s'est coupé, râlé-je en sortant de sous mon bureau. Qu'est-ce qui se passe ? Ça se vend ?

- Eh, le capitaliste, tu te calmes ?

- Arrête, merde ! C'est important de savoir. Est-ce qu'on a encore un avenir, oui ou non ?

- Tu vois ça, Gustav ? Il est en panique total parce qu'il a plus internet. »

J'imagine déjà Gustav mort de rire chez lui, en train de se foutre de moi. Ils sont vraiment gamins parfois.

When life was easyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant