Chapitre 18

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Je lance un regard à côté de moi. C'est tellement bien de voir que tout s'est bien passé, je me sens plus léger. J'avais tellement la trouille en venant ici, je croyais qu'on allait se prendre la porte en pleine poire. C'était bien parti pour d'ailleurs. Je ne pensais pas que Georg nous écouterait, encore moins qu'il en viendrait à nous faire nous installer chez lui et qu'il appellerait Gustav. D'être tous les quatre, ça me rassure plus que je n'aurais pu imaginer. Je croyais que tout était fini entre nous, qu'on allait rentrer à L.A. sans aucune nouveauté, avec plutôt deux amis en moins. On vaut sans doute mieux que nos disputes idiotes. Bon, c'était pas idiot en fait mais on aurait dû agir autrement pour que ça ne soit pas idiot du tout. Je m'en veux presque d'avoir cru qu'on avait tout perdu avec eux, qu'on ne pouvait pas réparer nos relations. Bien sûr qu'on peut. On vaut mieux que ça, c'est clair.

Je termine ma bière en appréciant cette sensation d'apaisement en moi. Je ne suis plus stressé par leurs réactions, par ce qu'on peut faire ou dire. C'est fou comme ça peut rendre plus léger de ne plus se poser de questions, de ne plus faire gaffe à tout. Je vais enfin remettre les pieds en studio sans me demander en permanence si j'ai le droit de faire ci ou ça. Reste à voir si Georg et Gustav vont accepter la nouvelle direction qu'on veut prendre avec Bill. Ça me ferait chier qu'ils refusent, qu'ils ne s'y retrouvent pas et qu'ils plantent finalement le groupe. Je suis comme Bill. Je n'ai pas envie de tourner la page de notre groupe et d'imaginer faire de la musique avec d'autres personnes. Je connais ces gars par cœur, on a une alchimie que je ne saurai pas recréer avec d'autres mecs. On a des années d'expérience ensemble, on sait comment se comporter, quoi dire, quoi faire pour que ça fonctionne et on a même un bref moment de coupure pour savoir ce que ça fait quand on va trop loin. On connaît les débuts, les limites à ne pas franchir, les hauts et les bas de la célébrité... Avec qui d'autre on pourrait vivre sereinement sans avoir vécu tout ça ?

Je sors mon portable, à la recherche d'un fichier que j'aurais pu oublier d'effacer. Je parcours chaque dossier en vitesse, du bout du pouce. Avec un peu de chance, je vais retrouver un extrait, même minuscule, de ce qu'on a déjà produit. Je finis par mettre la main sur un truc dans mes vieux messages. En remontant le fil de ma conversation avec Bill, je trouve ce que je lui avais envoyé l'autre jour, pendant qu'il était en ville et que je bossais en studio. Ce n'est pas grand-chose, juste la trame principale d'une chanson qu'on doit encore travailler et étayer.

Je me racle la gorge pour attirer l'attention de tous. Je monte le son de mon portable et appuie sur le fichier pour qu'il se lance. Les notes de synthé se jouent dans ce silence lourd et qui ne devient plus tranquille du tout. Je suis en stress, en fait. Moi, ça me convient qu'on prenne cette direction, Bill aussi, mais eux... Ils sont rivés sur mon portable dans ma main, à écouter cette simple trame qu'on a posée avec Bill il y a plusieurs mois. On est encore en train de bosser sur le reste, les arrangements, les paroles... Mais ça, on en est à peu près sûrs définitivement.

Je coupe l'extrait et ose regarder Georg et Gustav à tour de rôle. Ils semblent surpris. Ils se lancent un regard intrigué avant de se recentrer sur Bill et moi. Je ne sais pas quoi décoder dans leurs regards. Ils vont nous envoyer chier avec nos nouveaux choix ? Ils vont nous laisser une chance ? Parce que là, vu le silence qui dure, ça a l'air d'être plutôt mal parti pour reformer réellement Tokio Hotel. Je n'ai pas envie de refaire comme avant, je veux évoluer, essayer d'autres trucs, j'espère que ça sera pareil pour eux.

« C'est quoi, ça ? Demande Georg dans un froncement de sourcils.

- Une ébauche de chanson, répond Bill avant moi. "Stormy weather"... On est en train de travailler dessus.

- C'est pour vous donner une idée de ce qu'on aimerait suivre comme voie, ajouté-je. Qu'on parte sur les mêmes bases... Que vous n'imaginiez pas un truc qui n'existera pas.

When life was easyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant