Chapitre 4

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Je regarde Gustav déjà assis sur une caisse, en train de s'allumer une cigarette. Lorsqu'il m'entend, il relève la tête et se redresse pour me taper dans la main et me prendre contre lui. Je tapote son dos en guise de salutations puis m'installe à ses côtés. Je rajuste mon écharpe autour de moi. Il ne fait vraiment pas beau aujourd'hui. J'aurais mieux fait de lui proposer de venir chez moi, carrément.

« Bon alors, qu'est-ce qui ne va pas ? Me demande-t-il de suite en prenant appui sur ses cuisses.

- Je ne sais pas, je... J'suis allé courir tout à l'heure et j'ai écouté une playlist complètement par hasard.

- Et ?

- Et je suis tombé sur une de nos chansons.

- Et ? Répète-t-il visiblement insensible à ce que je dis.

- Ben ça a foutu ma course en l'air ! J'ai écouté ça, c'était... Ridicule.

- Ridicule ?

- Ouais. Wir sterben niemals aus... Tu parles d'une connerie !

- C'est une bonne chanson, dit-il le plus simplement du monde.

- Tu déconnes ? Fais-je en le dévisageant. C'est une connerie. Tu nous as regardés, non ? Ça n'existe plus tout ça. Quelle prétention Bill avait lorsqu'il a écrit ça... Genre nous, on est plus forts que tout le monde et on va s'inscrire dans l'histoire... N'importe quoi, soupiré-je en laissant ma tête retomber.

- Je comprends pas bien ce que tu essaies de me dire là. Tu regrettes cette chanson, c'est ça ? C'est pour ça que tu m'as appelé ? Non parce que si c'est le cas, désolé si je te l'apprends mais c'est juste con. Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, moi ? On l'a faite, on l'a faite, point. On s'en fout que ça ne soit plus vrai aujourd'hui. Puis alors à ce compte-là, tu peux foutre à la poubelle tout notre premier album, parce que ce n'est plus d'actualité du tout. Et tout le second aussi. Et presque tout finalement.

- Non mais...

- D'autant que, pardon, mais si, on s'est inscrits dans l'histoire, que tu le veuilles ou non. Les Comet en 2008 ? Quatre nominations, quatre prix, ça te rappelle un truc ? Le concert sous la tour Eiffel en 2007 ? Cinq cents milles personnes ? Le Moonman à Los Angeles, le premier groupe allemand à remporter un prix pareil, ça te dit quelque chose ? Et Tokyo ? La Malaisie ? Merde, Georg, on n'a pas été un petit groupe de banlieues, on a été dans des endroits que les trois quarts des artistes allemands ne visitent jamais parce qu'ils y sont inconnus. Dis pas qu'on n'a pas une place dans l'histoire de la musique. Je te dis pas qu'on est les Beatles, hein ? Mais faut être honnête, on a droit à une petite place quand même.

- Et ça nous a mené à quoi tout ça ? À se séparer. Génial. Hyper utile.

- Putain mais t'as quoi aujourd'hui ? Me reproche-t-il d'une voix plus grave. T'as entendu une chanson de nous alors crac, t'as les nerfs ? Si c'est ça, va te défouler dans une salle et me pète pas les couilles. J'y peux rien si t'es encore en colère contre Tom et Bill, c'est pas mon problème.

- T'es pas en colère contre eux, toi ?! Réagis-je de suite en me redressant. Cette manie qu'ils ont de toujours vouloir tout contrôler, de faire les trucs dans notre dos... Ils ont dû oublier qu'on n'était pas des putains de machines, qu'on avait aussi notre mot à dire. C'était NOTRE groupe, pas le leur.

- Ne m'engueule pas à moi, j'y suis pour rien ! Si t'as un truc à leur dire, dis-leur, mais viens pas me faire chier à moi. J'ai rien demandé, moi ! C'est vous qui vous êtes pris la tête.

When life was easyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant