Chapitre 9

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Je n'en reviens pas. Georg qui ose reprendre contact avec Bill ? Ça, ça me sidère. Je n'aurais jamais pensé que ça se produirait, en tout cas si rapidement. C'est le genre de pari que je n'aurais jamais osé faire parce que j'aurais perdu de suite. Mais je ne sais pas quoi penser de tout ça, surtout en voyant à quel point ça angoisse Bill. Il tourne en rond depuis que ça vient de sonner sur son portable. Il est en train de faire les cent pas dans le salon, à fumer comme un pompier. Je fais pareil mais je reste assis, sur l'accoudoir du fauteuil. Je regarde son portable sur le canapé. Je l'attrape pour relire le message. Je l'ai déjà lu dix fois mais je n'arrive pas à le retenir et à l'imprimer.

Ma porte est ouverte n'importe quand. Votre moment sera le mien et le café sera chaud pour vous deux.

C'est carrément une invitation à se retrouver... Comme avant. Mais jamais je n'oserais faire ça, aller chez lui comme ça, comme avant justement. Que ça soit en prévenant à l'avance ou non, ça me paraît impossible. J'ai l'impression que tout est coupé et qu'on ne pourra pas revenir en arrière. J'ai envie d'y croire pourtant mais quelque chose m'en empêche. Sûrement parce qu'à sa place, je n'aurais pas accepté ce genre de contact après deux ans de silence. J'aurais ragé, j'aurais crié, j'aurais frappé quelque chose mais je n'aurais jamais répondu, encore moins favorablement. Moi qui croyais qu'on ne pouvait pas compter sur lui, je me suis bien planté. Autant Gustav, on arrive encore un peu à se parler mais c'est parce qu'on n'évoque jamais ce qui s'est passé. Là, il est question de parler, et donc de s'expliquer. De tout expliquer, de justifier le fait qu'on a juste voulu un peu d'air, de liberté... Comme si c'était un crime.

« Bill, arrête de tourner en rond comme ça, ça me rend fou, lancé-je en écrasant mon mégot dans le cendrier posé sur la table basse.

- Attends, c'est normal, non ? Me répond-il en levant les bras. Il nous dit d'aller chez lui. Ça fait deux ans qu'on n'a aucun contact et là, il est d'accord pour nous recevoir. Gustav m'a dit qu'il ne voulait plus entendre parler de nous et voilà qu'il veut qu'on vienne prendre le café chez lui. C'est dingue, non ?

- Ouais, d'accord, mais c'est pas une raison pour aplatir le tapis de cette façon. Il faut juste décider si oui ou non, on va là-bas. T'as envie d'y aller, toi ?

- J'ai envie, oui, mais je crève de peur, m'avoue-t-il en grimaçant. Si ça se passe mal ? S'il nous en veut encore beaucoup trop et qu'il pète un câble ? Georg en colère, j'ai déjà vu ça et je ne veux pas que ça recommence, surtout si c'est contre nous.

- Non mais d'accord mais s'il veut qu'on se voie, c'est sans doute qu'il est prêt à nous écouter sans s'emporter, tu ne crois pas ? Il ne va quand même pas nous servir un café, nous faire installer dans son salon et puis d'un coup nous envoyer un meuble dans la gueule. On va parler... Mais je ne suis pas sûr que ça soit le bon moment.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Je ne sais pas... Je crois qu'on a atteint un point de non-retour.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Me demande-t-il en s'asseyant sur l'autre accoudoir.

- Si on avait repris contact au bout d'un an, ça aurait bon, comme avec Gustav. Là, je crois que ça fait trop longtemps. Ça prendra pas.

- Tu crois ?

- Hum, grogné-je incertain. La sauce prendra pas. Deux ans... Tu te rends compte ? C'est énorme. C'est mort, soupiré-je en baissant la tête.

- Pourquoi il accepterait de nous recevoir s'il pensait que ça fait trop longtemps ? C'est idiot. C'est bien qu'il veut qu'on se retrouve, comme avant.

When life was easyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant