Chapitre 12

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Les journées me paraissaient moins insurmontables maintenant. Nous échangions des banalités mais j'en appris un peu plus sur lui et ces discussions qui se finissaient régulièrement en chamailleries, égayaient mes journées. Lorsque je testais une recette allégée de tarte au citron meringuée ; je ne savais pas pourquoi d'ailleurs, je détestais le citron et la prise de calories ne semblait pas inquiéter Rémy qui dévora toute la tarte ; j'appris que son père était décédé. Policier décoré, il avait passé sa vie à aider les autres et était décédé dans un banal accident de voiture. Sa voiture de service avait dérapé sur une plaque de verglas et il avait dévalé un ravin en faisant plusieurs tonneaux. Je fus désolée pour lui et lui resservit un café, mince consolation. Il haussa les épaules. Cela s'était passé à son adolescence, il avait fait son deuil.

Un autre jour, je préparais une tarte aux abricots avec les fruits du jardin. Je croulais sur les abricots, tout y passa, jus, compote, tarte, sirop... Il frappa au carreau de la cuisine, et je fis un bond digne d'un record en saut en hauteur. J'entendis son rire étouffé avant qu'il ne passe la porte.

— Quelque chose à se reprocher Cendrillon ? se moqua-t-il.

— Cendrillon ?

— Oui, tu passes ton temps à tout faire dans cette baraque.

— Il faut bien que quelqu'un le fasse, et si je me rappelle bien, tu refais tout le parquet des chambres d'amis.

— Oui, mais moi je suis payé pour.

— Hum, c'est vrai, fis-je mine de réfléchir. Tu devrais me payer pour mes tartes, lui souriais-je.

Il pouffa.

— Bien tenté, reconnut-il en s'asseyant à sa place.

Je posais le sucre sur la table et lui tendit le couteau. Avec de gestes précis, il coupa la tarte en huit parts égales au millimètre près. Il remarqua la façon dont j'observais les parts similaires et il sourit en coin.

— Dans la famille, il vaut mieux respecter la part de chacun si on ne veut pas qu'un simple repas vire au drame ! Surtout avec mon frère, ajouta-t-il.

— Tu as un frère ?

— Ouais, je ne te l'avais pas dit.

— Non. Il s'appelle comment ?

Il me regarda, amusé.

— Je vais encore devoir subir un interrogatoire, plaisanta-t-il face à ma curiosité. Franck.

— Tu n'es pas menotté donc ce n'est pas un interrogatoire. Il a quel âge ?

— Si tu veux me menotter, je n'y vois pas d'inconvénient, mais pas pour un interrogatoire. Neuf mois de moins, vingt-sept ans.

— Pervers. Vous êtes proches ?

— Non, son rire se fit blasé. Je ne suis pas particulièrement proche de ma famille sauf...

— Sauf de ton père, conclus-je.

Il hocha la tête et ses mains se serrèrent sur la tasse.

— Tu vas te brûler !

— Tu t'inquiètes pour moi ?

— Pas le moins du monde !

— Ah oui ? me défia-t-il. Dans ce cas, tu ne vois pas d'inconvénient à ce que je roule sans casque ?

— Et toi tu ne vois pas d'inconvénient à ce que je balance une brique dans ton précieux deux roues ?

— Tu n'oserais pas, rit-il joyeusement cette fois-ci. Tu risquerais de te casser un ongle.

Lui ou toi (plus moi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant