Les jours suivants, j'accordais du temps à Alexia. A chaque fois que j'arrivais, je la trouvais en grande conversation avec Rémy, leurs rires étouffés me parvenaient avant même de les voir. Leur proximité m'irritait. J'avais toujours l'impression d'être une intruse, je détournais le regard et attendais qu'ils me remarquent.
Tous les après-midis, elle tenait à me faire visiter les futures chambres afin que je m'imprègne de l'atmosphère. Je ravalais le besoin de lui dire que je vivais dans cette maison depuis mon plus jeune âge et que ce n'était pas mes quelques années d'études à Paris qui avaient obscurci mes souvenirs. Elle me montra plusieurs croquis : cosy vintage, bonbon velours, bohème chic ... cela allait plaire à ma mère, commentais-je en un compliment vague, c'était clinquant, coûteux, une vitrine parfaite pour impressionner les visiteurs. Je pensais en avoir fini, je rêvais de m'éclipser. Manque de bol, il fallait que je valide avec elle les différents objets qu'elle allait placés dans chaque chambre. Je grinçais des dents. Plutôt mourir que passer mon temps avec Mademoiselle Parfaite ! Un portable vibra et mon cœur bondit dans l'espoir d'un message de Rémy. Ce n'était pas le mien. Je posais mon regard sur le portable d'Alexia, j'eus le temps de lire le nom juste avant qu'elle ne réponde. Cathy.
— Oui mon cœur ?
Je me détournais légèrement pour lui laisser un semblant d'intimité. Je tendis l'oreille et me concentrais. La Cathy en question n'avait pas l'air d'excellente humeur. Je décelais une pointe de jalousie dans son ton, même si je n'arrivais pas à suivre tous ses propos.
— Non je ne peux pas je suis en réunion.... Mais si je te le dis, oui je te rappelle dans cinq minutes. Promis je t'aime.
— Excusez-moi, s'adressa-t-elle à moi en serrant son portable contre elle, mal à l'aise.
— Ce n'est rien, la rassurais-je. Pas de problème, j'espère ? enjolivais-je sur un ton faussement joyeux.
— Non, non, murmura-t-elle en éteignant son téléphone. Alors où en étions-nous ? Ah oui, je voulais vous montrer les salles de bain, si vous avez encore quelques minutes à m'accorder.
— Bien sûr, acquiesçais-je en serrant les dents.
Quand je pus enfin m'éclipser, je croisais Rémy, il me salua brièvement et s'empressa de la rejoindre. J'entendis leur rire dans mon dos, je serrais les dents, exaspérée par cette amitié complice. Il venait toujours le soir, mais il arrivait plus tard et ne restait jamais bien longtemps. Il n'avait qu'un mot à la bouche. Alexia par-ci, Alexia par-là. Ras-le-bol d'Alexia !
*****
Voilà une semaine qu'elle avait débarqué. Dictant des ordres à chacun, riant avec Rémy, passant son temps à le faire sourire. En silence, je rongeais mon frein. Je n'arrivais pas à m'expliquer pourquoi elle m'agaçait autant. Après tout, ils étaient amis, ce n'était pas un crime. Mais j'avais l'impression d'être redevenue transparente, nos discussions me manquaient.
Ils étaient toujours fourrés ensemble. Je me rendais le moins possible dans l'aile gauche. Le sentiment d'avoir été remplacée m'était trop pénible. Elle était drôle, efficace, travailleuse, sure d'elle, elle évoluait dans un monde d'hommes et n'avait pas peur de se salir. En comparaison, je n'étais qu'une fille de riche, incapable de me servir de mes dix doigts.
A plusieurs reprises, j'avais surpris le regard scrutateur de Rémy. Au-dessus de sa tasse de café fumante, il me jetait des regards à la dérobée que j'ignorais.
— Tout va bien ?
— Oui, répondis-je sans le regarder.
— Tu es sure ? Tu as l'air ailleurs, commenta-t-il. Des soucis ?
— Puisque je te dis que ça va, ajoutais-je froidement.
Il s'étonna de ma soudaine brusquerie et acquiesça silencieusement.
Avant de partir, il me glissa son nouveau leitmotiv : "si tu as des problèmes, tu peux m'en parler". Je le regardais sans répondre, et il finissait par me tourner le dos déçu. Qu'est-ce qu'il voulait que je lui dise ?! Il était bien trop occupé avec son amie pour m'accorder du temps. Oui, nous parlions moins, oui je m'effaçais. Il n'avait d'yeux que pour elle. Je préférais encore m'éloigner que de le sentir m'ignorer.
Je me sentais blessée, abandonnée. J'avais conscience de prendre les choses trop à cœur. Ma seule consolation résidait dans le fait qu'ils étaient que de simples amis. C'était une amitié envahissante mais c'était toujours mieux que les pRémysses d'une histoire d'amour.
Je me propulsais aussi vite que mes ballerines me le permettaient. J'avais passé l'après-midi à choisir des coussins et des cadres pour la chambre cosy, et à regarder Rémy et Alexia bavarder. Quand elle était là, j'avais l'impression de disparaître. Sa façon bien à elle de le faire rire à gorge déployée, de le faire sourire comme un enfant le jour de Noël...plus les journées passaient, plus ils s'isolaient tous les deux. Une fois encore, ils murmuraient à l'écart, leurs bouches bien trop proches l'une de l'autre. Je sentis ma poitrine se serrer et je luttais pour respirer librement. Je tournais la tête et surpris Rémy en train de regarder Alexia. Je suffoquais et me dépêchais de sortir avant de m'évanouir. Des points noirs troublaient ma vision.
Je n'avais jamais prêté attention à la façon dont il la regardait, comme s'il avait un ange devant les yeux. Je passais devant Marc sans m'arrêter et me réfugiais dans ma chambre.
*****
Le lendemain, je me fis une raison. Je devais aller faire des courses, je ne pouvais pas rester à me terrer comme cela. Je priais pour ne croiser personne. A pas de loup, je longeais la maison pour rejoindre la voiture au lieu d'utiliser l'allée centrale. Fière d'être passée inaperçue, je souris et faillis entrer dans la jeune femme. Raté ! En pleine dispute au téléphone, celle-ci semble embarrassée que je la surprenne et raccrocha précipitamment.
Je ne sais plus où me mettre. Si elle avait été encore en ligne, j'aurais pu partir en prétendant ne pas vouloir la déranger, mais maintenant... cela me semblait mal poli de partir comme si de rien n'était. Elle avait clairement l'air mal dans son assiette.
— Je vous offre un café ? proposais-je en tirant un trait sur mon intention de ne plus la revoir.
Maudite politesse !
— Oui, avec plaisir, enfin, vous alliez partir, s'excusa-t-elle.
Les sanglots dans sa voix me firent oublier mes courses.
— Ça attendra, balayais-je son refus du bras. Venez !
J'enclenchais la machine à café en me demandant ce que je pouvais bien lui raconter.
— Merci, c'est très aimable à vous. Je... c'est difficile en ce moment.
— Et si nous nous tutoyons ? proposais-je gaiement.
Elle hocha la tête en triturant son bracelet.
— Tu veux m'en parler, enfin ce n'est pas obligatoire, m'empressais d'ajouter.
— Euh, ... je ne veux pas t'embêter avec ma vie sentimentale pitoyable.
Je haussais les épaules, c'était pourtant un sujet que je connaissais bien. Je déposais les tasses et le sucre sur la table, avant de m'installer face à elle.
— Cathy, reprit-elle. Cathy, c'est ma compagne.
Je haussais la tête, ne voulant pas l'interrompre dans son élan. Il était difficile de raconter sa vie à quelqu'un que l'on connaissait à peine.
— Elle est jalouse, enfin très jalouse. Plus ça va et plus...je ne sais pas quoi faire pour la rassurer ! Elle est persuadée que je la trompe ! confessa-t-elle d'une voix hésitante.
La perspective qu'elle puisse devenir célibataire était loin de m'enchanter. Je plantais mes ongles dans mes paumes et m'obligeais à prendre un air peiné.
VOUS LISEZ
Lui ou toi (plus moi)
RomansaEffacée, Théodora ne vit que pour faire plaisir à son entourage. Habituée à tout faire pour eux, elle s'est perdue en route et ne sait plus vraiment qui elle est et ce qu'elle veut. Son chemin va croiser celui d'un jeune homme mystérieux bien décidé...