Chapitre 5

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Quand je me réveillais ce matin-là, il me fallut un moment pour réaliser où j'étais. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas dormi d'un sommeil de plomb. Engourdie, je me retournais et réalisais que les draps du côté de Greg n'étaient pas défaits. Je redressais la tête et décryptais l'heure inscrite sur le réveil lumineux. En soupirant, je me laissais tomber sur les oreillers. Mes parents partaient aujourd'hui. J'allais me retrouver toute seule, enfin avec un petit copain absent et des ouvriers bruyants à la pelle.

Je m'extirpais des draps et retrouvais la fraîcheur du carrelage. Je savourais ce contact, retrouvant le bonheur de marcher pieds nus. Un ordre rauque me parvint par la fenêtre. Je m'éloignais de la porte de la salle de bain, le cœur battant. Cette voix je la reconnaissais entre mille. Rémy. Je regardais à travers les persiennes. Il était juste sous ma fenêtre, de dos. Ses omoplates faisaient deux bosses sous son tee-shirt noir délavé, assorti à son jean dans le même état. Bon sang, qu'il était sexy. Je me mordis la lèvre. Que m'arrivait-il ? Ce n'était pas mon genre d'admirer un homme. Je préférais au contraire garder mes distances. Cécile avait raison, je n'étais pas amoureuse de Greg, je l'aimais bien, mais je refusais d'avoir des sentiments plus profonds. Je devais absolument rester loin de Rémy. Il fit un grand geste du bras en interpellant un jeune homme qui portait une brouette pleine de gravats. Je restais ainsi à le contempler. C'était plus fort que moi. Il était tout ce que je ne pouvais pas blairer. Arrogant, confiant, suffisant. Un salaud dans le corps d'un dieu. Je me détournais du spectacle à regret. J'avais mieux à faire que de saliver devant une ordure, enfin en théorie.

Je m'activais et dévalais les escaliers, au risque de me casser une jambe. J'arrivais juste à temps pour tomber sur Greg qui allait passer la porte d'entrée.

— Ah génial, tu es là ! J'ai bien cru que j'allais devoir emmener tes parents à l'aéroport, plaisanta-t-il avant de m'embrasser.

— Désolée, je n'ai pas vu l'heure, mais où vas-tu ?

— Tu ne te souviens pas ? Je pars avec des amis faire du quad dans l'arrière-pays.

— Ah oui, c'est vrai. Tu seras de retour ce soir ?

— Je ne suis pas sûr, hésita-t-il. Nous passerons peut-être la nuit sur place. Je t'appelle cet après-midi pour te tenir informée. Je t'aime !

Il m'embrassa et se volatilisa dans la foulée. Je me tournais vers mes parents.

— Alors, prêts au départ ? demandais-je en forçant ma bonne humeur.

— Oh oui, s'exclama ma mère en tapant dans ses mains.

— On ne peut plus prêt ! confirma mon père en récupérant les valises.

Je le précédais pour ouvrir le coffre. Ce faisant je passais bien trop près de Remy qui était à moins d'un mètre de la voiture. Je me faufilais entre son corps imposant et le véhicule en cessant de respirer.

Je croassais un ridicule bonjour en trottinant autant que me le permettaient mes talons de 10 centimètres. Son sourire condescendant me donna envie de massacrer sa mâchoire carrée mais la perspective de me casser un os m'en empêcha. En guise de bonjour, il abaissa un peu le menton avant de se tourner vers mes parents pour leur souhaiter un bon voyage. Espèce de sale petit hypocrite arrogant ! Je montais dans le véhicule de mon père et claquais un peu trop violemment la portière. Trois paires d'yeux se tournèrent vers moi étonnés. Je fulminais et m'obligeais à afficher un sourire poli. Mes parents reprirent leur conversation avec Rémy comme si de rien n'était, mais le jeune homme n'était pas dupe. Il se marrait, je pouvais le lire dans ses yeux. Mon père lui serra la main, ma mère profita de son départ pour lui toucher le bras à quatre reprises –oui, j'avais bien compté. Une fois qu'ils montèrent –enfin- en voiture, je démarrais un peu trop brusquement et rasais la jambe de mon démon personnel. Celui-ci ne broncha pas, imperturbable alors que mes parents s'indignaient de ma conduite dangeureuse. Je regardais dans le rétroviseur pour le voir se marrer en se tenant les côtes. J'étais décidée, j'allais l'éviter jusqu'à mon départ, trop lointain pour mon bien-être.

*****

Je passais les deux jours suivant hors du manoir. Greg n'était pas rentré et j'avais décidé de renouer avec mes anciennes copines de lycée. Je faisais les boutiques, j'allais à la plage, au restaurant, bref partout sauf chez mes parents. Oui, je fuyais lâchement. J'en avais ma claque des travaux ! A chaque fois que je mettais un orteil dehors, les plus jeunes ouvriers ne se gênaient pas pour me reluquer. Si je n'étais pas autant sur les nerfs sans raison valable, j'aurais peut-être trouvé cela flatteur. Pour l'heure, je trouvais cela foncièrement agaçant et irrespectueux. J'avais pourtant troqué mes jupes et talons, contre des jeans et baskets. Sans effet, les regards lubriques continuaient. J'étais impatiente que Greg rentre de son escapade en quad.

Je rouspétais en remontant l'allée au volant de la citadine de ma mère. Une bétonnière était plantée en plein sur ma place. Deux ouvriers qui semblaient guetter mon arrivée se précipitèrent pour la décaler quand une voix forte leur dit de ne même pas y penser. Ils me regardèrent avec un regard d'excuse avant de me faire leur plus beau sourire enjôleur. Je levais les yeux au ciel. Les Casanovas d'opérette, se poussèrent quand Rémy apparut. Au regard qu'il leur lança, je compris que je pouvais définitivement abandonner ma place de parking. D'un geste ample du bras, il désigna un espace entre deux oliviers sans m'accorder un regard, et fit signe aux deux jeunes de le suivre.

Je soupirais et enclenchais la marche arrière. Je serais bien aller l'insulter, plutôt deux fois qu'une même, mais cela irait à l'encontre de ma bonne résolution, à savoir faire comme s'il n'existait pas. Mon esprit indiscipliné se demanda si j'aimerais qu'il me regarde comme ses collègues le faisaient. Je haussais les épaules en sortant du véhicule. Peu importe, il ne me disait même pas bonjour. A chaque fois que je passais à proximité, il était focalisé sur son travail et ne relevait même pas les yeux, à croire que j'étais irréversiblement transparente. Pourtant j'avais bien surpris son regard à plusieurs reprises quand je regardais dans mon rétroviseur ou quand je tournais brusquement la tête.

Il ne déviait pas le regard, au contraire, il plongeait dans mes yeux jusqu'à ce que l'intensité des siens me fasse détourner les miens. Son sourire énigmatique me poursuivait. Il me regardait comme s'il me connaissait depuis toujours, qu'il se moquait de mes pensées comme si je les énonçais à haute voix. Bref, j'étais de plus en plus mal à l'aise de le croiser et décidais de me cloîtrer dans la maison jusqu'au retour de Greg. Je jetais un coup d'œil à ma montre. Celui-ci devrait rentrer dans une heure ou deux, tout au plus.

*****

J'entendis le bolide de Greg avant de le voir. Dieu soit loué, j'en avais ras le bol d'être enfermée. Je me précipitais à sa rencontre et sautais dans ses bras. Il faillit se reculer, étonné, avant de me serrer dans ses bras.

— Je devrais partir plus souvent, plaisanta-t-il en gardant son bras autour de ma taille.

— Tu m'as manqué, lui souriais-je en riant à mon tour de mon élan de tendresse.

C'est vrai que je ne l'avais pas habitué à cela le pauvre. Je sentis un regard peser sur ma nuque.

Il grimaça et j'anticipais un mauvais coup.

— J'ai promis à Kevin de l'aider sur son jeu. J'en ai pour une heure max, s'empressa-t-il d'ajouter.

Je croisais les bras.

— Une heure pour un niveau d'un jeu...?!

Je me retenais difficilement de finir ma phrase. Après tout, s'il aimait les jeux-vidéos, c'étaient ses goûts. Je me détournais légèrement, cherchant qui nous regardait pour que ma nuque me picote comme cela. De toute sa hauteur, Rémy me narguait à l'ombre. Un sourire moqueur flottait sur ses lèvres. Pas de doute, il m'avait vu me jeter dans les bras de Greg et manifestement, il trouvait cela hilarant. Pourquoi était-il obligé de se comporter comme si ma vie était une blague grandeur nature ?!

— Ce ne sera pas long. Et après, on pourra commander des pizzas ou des sushis ? me rappela à l'ordre Greg.

— Bien, va jouer, mais j'ai déjà commencé à préparer à manger.

— Ah oui ? m'entraîna-t-il vers la maison.

— Oui, un sauté de veau à la provençale et une salade de fruit maison !

Nous passions à côté de Rémy qui continuait à me regarder comme s'il connaissait tout de moi. Il me rendait chèvre. Je me demandais ce qu'il pouvait bien penser de moi pour se marrer à chaque apparition. Surement quelque chose de guère flatteur, que j'étais une gamine pourrie gâtée, une petite fille de riche sans cervelle...Je serais les dents et le chasser de mes pensées. 

Lui ou toi (plus moi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant