Would you run ?

#1.

Ça commence à partir en vrille. Encore. Je crois que Louis a remarqué quelque chose. Il est distant et collant à la fois. Enfin, il est distant parce qu'il n'essaie plus de me parler, comme si ça lui faisait peur -alors que ça ne lui a jamais fait peur-. Mais il est collant car à chaque fois qu'il ose me parler, c'est pour me questionner. Enfin, me questionner, mais sans me faire passer un interrogatoire. Non, il est plus subtil que ça. Mais je ne suis pas débile, j'ai bien remarqué que ses questions n'avaient rien d'anodines. Je me demande ce qui a pu l'intriguer à ce point. J'ai l'impression que ça a commencé depuis qu'il m'a ramené mon carnet. Je ne sais pas comment il est arrivé à son bureau. Je n'y avais pas touché, et je m'étais encore moins approché de son espace de travail. Je ne vais pas te mentir, j'ai pensé que c'était toi, que tu avais placé mon carnet là, pour qu'il le voie et qu'il me le rapporte. Parce que c'est ce que tu fais. Tu l'as fait avec Stefen, et avec Lexan aussi. Comme le coup de la porte. Je sais que ce n'est pas Gemma qui l'ouvre dès que Louis approche la maison, alors j'ai pensé que c'était toi. Mais, après je me dis que c'est ridicule. Parce que tu n'es plus là. Ou presque. Alors, t'en sais quelque chose, toi ? Tu as vu un truc que j'ai loupé ? Si c'est le cas, dis-le-moi que je puisse rectifier le tir avant qu'il ne soit trop tard. Je ne veux pas qu'il découvre quoique ce soit, tu le sais. Alors aide moi.
Je te demande à toi parce que je suis sûr que tu remarques plus de trucs que moi. J'ai l'esprit un peu ailleurs en ce moment. C'est à cause de lui. Je baisse ma garde alors que je ne dois vraiment pas. C'est pas du tout le moment. Surtout maintenant qu'il commence à devenir suspicieux. Il me semble que Gemma ne l'aime pas trop. Enfin, pas qu'elle le déteste ou quoique ce soit, mais elle ne lui fait pas confiance. Elle ne l'a vraiment vu qu'une fois, si on ne compte pas la fois où ils se sont entrevus en coup de vent lorsque Louis m'a ramené à la maison, et cette seule fois : j'ai cru que j'allais la massacrer.
J'ai pas eu le temps d'interpréter ce qu'elle lui faisait. Mais si tu l'avais vu... J'ai commencé à sentir mon sang bouillir dans mes veines. D'où est-ce qu'elle se permet de faire ça sur lui ! Elle n'a pas le droit ! On s'était mis d'accord pour ne faire ça que lorsque c'était réellement nécessaire ! On s'était mis d'accord pour ne pas s'en servir sur des personnes innocentes ! Elle n'avait pas le droit de s'en servir sur Louis ! Après, je pense qu'elle n'a rien fait qui aurait pu le mettre en danger. Elle devait sûrement vouloir s'assurer qu'il ne nous voulait pas de mal. C'est ma sœur, je ne peux pas m'empêcher de lui faire confiance. Bien que je lui en veuille quand même, je maintiens qu'elle n'avait pas le droit. Bref.
Tu sais, des fois, je me demande si ça ne serait pas plus simple de faire comme Gemma. Ne plus me mêler à eux, à ceux qui n'ont rien avoir avec notre monde. Elle n'a pas de secret à garder. Elle n'a pas à cacher sa vraie nature, elle. Ça doit être tellement plus simple... Mais après, je me rappelle que tu me ferais les gros yeux en me disant que ce n'était pas ce que tu voulais pour moi, et je m'ôte cette idée de la tête. Maintenant que j'y suis, dans cette vie, autant jouer le jeu jusqu'au bout. Maintenant que je fais partie de leur monde, je ne peux pas m'en retirer aussi facilement... Mais ça commence à devenir épuisant de devoir toujours faire attention, être sur mes gardes. J'ai l'impression de ne jamais pouvoir respirer... C'est épuisant...
C'était mieux quand t'étais là... C'était plus facile. Je pouvais un peu plus me reposer sur toi. Je sais ce que tu penses. Tu penses que je peux me reposer sur ma sœur, dans la mesure du raisonnable, mais non. Je ne peux pas. Elle a déjà tellement de trucs à gérer que je ne veux pas être un boulet en plus. C'est vide depuis que t'es partie. C'est vide, et je déteste ça. J'en ai pas l'habitude. Je donnerai tout pour que tu reviennes. Je sais que c'est pas possible, pour l'instant. Mais je te jure que je vais trouver une solution. Je vais te faire revenir, t'en as ma parole. Il faut juste patienter. Je ne peux pas vivre sans toi, c'est trop dur. Alors on se retrouvera, c'est promis.
Je dois y aller, j'ai rendez-vous avec Louis, pour le travail. Plus d'une semaine qu'on doit bosser ensemble et ce dossier est toujours impossible à résoudre. On devient dingues. Bref.
J'espère que je ne t'ai pas trop dérangée. Désolé si c'est le cas, mais j'avais besoin de te parler.

Je t'aime.