Il s'était endormi sur le balcon et un courant d'air froid accompagné d'une main sur son épaule sortirent Sirius de son sommeil. Il se réveilla en sursaut et se passa une main fébrile sur le visage fatigué. Pendant un instant, il tenta désespérément d'observer ses alentours, avant qu'il ne se souvienne de son aveuglement. Un grognement désespéré lui échappa.
« Monsieur ? », demanda le serviteur qui avait posé sa main sur son épaule. « Votre père désire votre présence pour déjeuner. »
Sirius ravala l'insulte sur le bout de sa langue. Pendant la nuit, il avait esquissé un plan pour retrouver Cassiopée et pour cela, il allait avoir besoin à la fois de la position sociale que lui conférait le titre de duc mais aussi de l'argent de son père. Il allait retrouver la jeune femme coûte que coûte et la soigner, même s'il devait dépenser chaque centime de la fortune de sa famille pour cela : il lui devait la vie ; jamais fortune ne pouvait repayer une dette pareille. Le jeune homme se força à se relever. Il interdisait à son esprit d'imaginer Cassiopée morte. Il rentra dans sa chambre, remarquant à peine le tremblement de son corps. Le majordome l'aida à s'installer sur un fauteuil et plaça une bassine d'eau chaude devant lui. Sirius se nettoya rapidement avant que l'homme derrière lui ne l'aide à s'habiller. Ensemble, ils descendirent jusqu'à la grande salle à manger de laquelle émanait des odeurs de café et de pain chaud, des odeurs à la fois familières et inconnues. Cela faisait longtemps que Sirius n'avait plus déjeuné avec son père dans cette pièce beaucoup trop grande pour deux personnes.
Il se souvenait des matins avec sa mère : c'était toujours elle qui parlait, toujours elle la première à être en bas. Elle demandait toujours à l'ancien majordome, Damien, d'ouvrir les grandes fenêtres aux cadres dorés et rideaux en tulle blanc pour faire entrer l'air du matin et la lumière du soleil. Aux odeurs de boissons chaudes se mêlaient alors l'odeur de l'herbe fraîche, d'air un peu humide, du soleil qui se lève : aux cliquettements des couverts se mêlaient les chants des oiseaux. Sa mère était toujours souriante, le matin. Paisiblement installé, les yeux mi-clos en général, avant de raconter des histoires, poser des questions. Elle n'aimait pas le silence, n'aimait pas les coins sombres. En général, cela ne durait seulement que jusqu'à ce que le duc lui ordonne de se taire, de ne pas le déranger.
Elle obéissait toujours et le sourire s'effaçait alors de son visage lorsqu'elle s'affaissait en silence dans son fauteuil avant de demander à Damien de refermer les fenêtres.
Le majordome ouvrit la grande porte de la salle à manger. Même s'il ne pouvait pas la voir, Sirius savait qu'elle était ornée de dorure : une extravagance de son père. Il pénétra à l'intérieur. Il faisait chaud, aucun bruit d'oiseau ne pénétrait la salle, aucune odeur de soleil ou de rosé matinale. Sirius savait que les rideaux n'étaient plus blancs mais noirs et que les fenêtres étaient probablement fermés ; que la pièce fut probablement si sombre que même sans être aveugle, il n'y verrait probablement que peu. Depuis la mort de sa mère, le duc semblait avoir banni toute la lumière de sa demeure à tel point que Sirius s'était demandé si quelque part, une partie de son père, partie enfouie et submergée de violence et de cruauté, avait aimé sa mère.
Lentement, il avança jusqu'à la table et s'assit sur la chaise que lui installa un serviteur.
« Tu es en retard. », annonça le duc. Sirius inspira profondément.
« Je m'excuse. Cela n'arrivera plus. » Il se força à avoir la voix aussi sincère que possible. Son père fut silencieux quelques instants.
« Je l'espère bien. Un duc n'est pas en retard. Un duc n'est jamais en retard. »
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Cage Dorée
Manusia Serigala❝La pire souffrance est dans la solitude qui l'accompagne.❞ Il était une fois, dans un village tout juste sortit d'une guerre féroce, une jeune femme aux longs cheveux qu'on appelait Raiponce. Enfermée pour rembourser la dette de ses parents, elle...