Le lendemain, je me réveille tôt- j'en ai l'habitude, chez moi c'était le cafarnaum dès cinq heures du matin - , enfile les vêtements mis à ma disposition sur le meuble, admire deux secondes le tablier d'un blanc immaculé, puis me dirige non sans peine, vers la cuisine.
En arrivant dans la pièce, je me retrouve seule avec la table en bois propre. Je m'attelle rapidement à la préparation du petit déjeuner royal, constitué cette fois ci de pain fermier frais coupé en tranches puis revenu dans une poêle avec du lait, des œufs et un peu de sucre ; une autre recette de chez moi.
Mon but, en quelques sortes, est de faire goûter à la famille royale, les repas traditionnels de là où je viens. Je m'applique à la présentation, avec l'aide des cuisiniers présents dans la salle.
Dès que l'ombre sur le cadran solaire atteint presque neuf heures, je me précipite avec d'autres, les plats à la main, vers les portes de service qui mènent à la salle à manger.
Une fois que le majordome nous fait signe - une sorte de claquement de doigt que je n' aurais jamais souhaité entendre - que la famille entière est assise, nous entrons en file indienne dans la grande salle et déposons tour à tour les plats sur la table.
Pour accompagner mon pain, les cuistots ont préparé des pots de confiture divers, des fruits comme des abricots, des quartiers de pommes ou encore de poires, du beurre et des œufs presque durs.
Nous restons dispersés tout autour de la salle, attendant la fin du repas qui se passe en silence, mis à part les petites "discussions" des deux jumeaux.
Dès que le roi se lève, nous nous précipitons vers la table pour débarrasser. Allant vers mon plat-ou ce qu'il en reste- , j'aperçois les princes chipper deux autres de mes tartines et les cacher dans leurs poches. Je souris intérieurement et récupère mon assiette.
En me redressant, je croise le regard de la princesse, qui me souris, me montrant discrètement deux pousses pointés vers le plafond, dissimulés par les jupes de sa magnifique robe mauve.
Cela fait remonter mon estime de moi- et de mon repas- en flèche, et je tâche de sourire le plus discrètement possible pour éviter de m'attirer les foudres du majordome désagréable. Une fois passé les portes, je cours vers les cuisines et dépose mon assiette sur la planche en bois sous la pompe à eau qui sert à nettoyer.
Soudainement, la silhouette maigrelette du majordome apparaît dans l'encadrement de la porte. Nous nous redressons tous légèrement afin de le regarder.
- Dans votre assiette, il restait des tranches de votre pain bizarre. Où sont-elles passées ? Les auriez-vous mangées ? Accusa-t-il en me pointant de son doigt légèrement crochu.
Bouche bée devant son accusation, je reculais d'un pas. Puis, voyant un sourire en coin presque fourbe étirer son visage pale, fis deux pas en avant, pointant moi aussi un doigt sur sa désagréable personne, décidée à lui clouer le bec en retour.
- M'accuseriez vous de vol ? En plus du fait que vous me pointez du doigt, geste que je trouve hautement irrespectueux, vous m'insultez en pensant une chose pareille. De plus, serais-je dans l'obligation de vous rappeler que vous mangez ce que JE cuisine, et que si vous continuez à m'être aussi désagréable, je pourrais aussi bien décider de préparer une portion en moins !
- Vous n'auriez en aucun cas le droit !
- Et qui affirme ceci ? Le Roi peut-être ?
- Non, reprit-il après un petit moment de pause, mais je pourrais aller lui demander, il prendrait parti pour moi, je vous l'assure !
- Et bien allez-y, que l'on rigole un coup ! Franchement, vous êtes minable, vous et votre costume. Vous avez besoin que le Roi se range derrière vous pour affirmer vos dires, qui sont, si je me le permet, faux, parce qu'une petite cuisinière ne vous a pas répondu comme vous le souhaitiez, et que vous avez peur de louper votre dîner. Allez-y, que l'on rigole, allez-y ! Il prendra ceci, je l'espère, comme l'occasion rêvée vous reprocher votre attitude. Sur ce, au revoir, vous n'avez rien à faire dans ma cuisine, sauf si vous comptez faire à manger ou nettoyer le sol, bien évidemment.
Je finis ma tirade en me retournant pour lui montrer que la discussion est terminée.
Il reste où il est prêt à répondre quelque chose, mais se ravise, voyant que plus personne ne l'écoute. Quand il arrive à la porte, je lui lance une dernière phrase par dessus mon épaule :
- Et non, ce n'est pas moi qui ai pris le pain. Je nous vous dirai jamais qui était le voleur qui a su prendre une tranche dans votre dos ! J'espère que pour vous, cela restera à jamais le mystère du pain perdu !
Puis, faisant fasse aux aides cuisiniers forts souriant, je demande :
-Bon qui a une idée de plat pour ce soir ?
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Cuisine Pour Le Roi
Genel KurguLe Roi recrute. Le Roi recrute une cuisinière. C'est la chance de ma vie ! C'est quand ? Le 27 ? C'est-à-dire après demain ? Mais c'est parfait ! J'irai, je verrai et je vaicrai ! Moi, Angelica, petite italienne de 22 ans deviendrai cuisinière pour...