Chapitre 6 :

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Je pense parler au nom de l'humanité entière en affirmant que personne n'aime l'odeur des hôpitaux.
L'odeur de la mort.
Sauf que ce bâtiment abandonné ne sent pas le désinfectant et le caoutchouc. Il sent la peinture sèche, le béton et la froideur de la pierre.
Avec une délicate fragrance de métal et de merde...
Mais passons.
Grace farfouille dans une armoire.
Sam essaie de forcer la serrure d'une porte menant à une pièce cachée.
Moi, je regarde par une fenêtre. Je savoure l'instant.
J'adore faire ce genre d'escapade.
L'adrénaline qui court dans les veines.
Le goût de l'interdit.
Je me sens vivante.
La porte finit par céder et Sam pousse un cri de triomphe.
Grace et moi, on s'approche, curieuses.
La pièce cachée est un petit bureau, avec un divan de psychiatre -le genre dans lequel tu parles de tes parents et de ton enfance malheureuse-, une large vitrine remplie de trophées et un bureau en chêne.
Beaucoup plus intéressant à fouiller.
On se bouscule tous les trois pour s'y engouffrer, exaltés par cette nouvelle découverte.
Je fonce sur le bureau la première et commence à ouvrir méticuleusement tout les tiroirs.
Et là, le Saint Graal...
Un stock de bouteilles d'alcool et de gros cigares !
Ne me demandez pas pourquoi la personne qui possédait tout ça les a abandonnés. En fait, tout dans cet hôpital a été laissé tel quel.
Comme si le personnel comptait revenir travailler après la fermeture du lieu.
Mais on s'en fiche !
TOTALEMENT !
Comme on s'en fiche de se saouler alors qu'on a pas encore 18 ans.
Chacun attrape une bouteille et on se regarde avec de grands yeux.
On les ouvre simultanément.
On hésite.
Mais on est immortels.
Invincibles.
Le liquide coule dans ma gorge.
Je ne sais pas quel alcool c'est,
mais ça déchire.
Le goulot quitte mes lèvres et j'essaie de cracher mes poumons.
La gorge en feu, je vois Sam et Grace dans le même état.
Je repenche la tête en arrière.
Une gorgée contre le cancer.
On ressemble tous les trois à des cachalots asthmatiques.
Une gorgée contre les médecins.
Ça passe mieux.
Une gorgée contre mes parents.
Une douce chaleur se répand dans mon ventre.
Une gorgée contre le monde entier.
Le feu dans mes veines se calme.
Une gorgée contre l'Univers.
La torpeur m'envahit.
Une gorgée contre MOI.
On rigole comme des fous. Parce que c'est drôle !
Riez de tout. Et tout sera drôle.
Riez quand tout va bien.
Riez quand tout va mal.
Riez quand la fin approche.
Même si elle n'est pas heureuse.

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