Chapitre 2 :

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Ma mère est obsédée par le temps.
Elle le cherche, lui court après et essaie de l'attraper. Mais il lui glisse toujours entre les doigts.
Je crois que c'est surtout pour elle que je vais suivre le traitement.
Que je vais laisser des gens me piquer, faire couler du poison censé me guérir dans mes veines.
Parce qu'elle a besoin de temps et que moi, je veux lui en offrir.
Et puis, c'est le seul cadeau que je peux lui donner.
Aujourd'hui, le temps se fait encore plus fugace.
Maman cavale partout. Comme un poulet sans tête. Sérieusement ! C'est la seule image qui me vient à l'esprit quand je la vois chercher partout son portefeuille, ses clés de voiture, ... Et moi, j'essaie de la lui remettre en place.
Ça ne me dérange pas. Au moins j'évite de penser à ce qui l'affole tant.
Le premier jour de mon traitement par intraveineuse.
Croyez-moi, c'est le genre de choses sur lesquelles il ne faut pas s'informer sur Google.
J'ai eu des sueurs froides rien qu'en lisant les effets secondaires.
Après ça, même l'équipe de médecins de l'hôpital n'a pas réussi à me rassurer. Et c'est pas faute d'avoir essayé.
- Tu as pris tes médicaments ? me demande ma mère, pour la quatrième fois aujourd'hui.
Et pour la quatrième fois, j'acquièce.
Les médicaments... Ils sont infectes mais nécessaires. Surtout des antidouleurs aux noms exotiques.
Sinon, ça fait trop mal.
Mais non ! Ne vous apitoyez pas.
Je ne le fais pas, ne le faites pas.

*

Un quart d'heure plus tard, on arrive à l'hôpital.
Direction le pôle enfant, aile chimiothérapie.
Ce que je déteste le plus lors de ce trajet, c'est les regards.
Pas ceux qu'on m'adresse. Je n'ai pas encore la tête d'une grande malade. Je les aurais plus tard.
Non. C'est ceux que je vois.
Chez les visiteurs, chez les infirmiers.
Chez les patients.
Pitié et désespoir.
Je prie à chaque fois pour ne jamais avoir le même regard.
Que les gens m'observent comme ça ne me dérange pas. J'ai lu assez de livres sur le sujet pour comprendre que je ne pourrais pas y échapper.
Mais je ne veux pas voir les autres avec ces yeux.
On vaut mieux que ça.
On vaut mieux qu'un regard désolé.
Maman me dépose dans la salle où l'infirmière m'attend.
Elle m'envoie un baiser volant et je l'attrape.
Et puis elle me laisse seule pour son rendez-vous avec l'équipe médicale qui me suit. Je me retourne.
Et l'infirmière me renvoie un regard désolé.

CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant