Chapitre Onze: L'art de Résister

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Mes pieds se baladent sur le carrelage froid, laissant un léger bruit derrière eux. Somnolente, j'entre dans la salle à manger sans trop faire attention à ce que je vois. Tout ce que je cherche c'est la fille rousse.

-Tu es là! Dit-elle en chuchotant.

-Oui... Répondis-je sur le même ton avant de bailler. 

Je regarde autour de moi. Il fait sombre. Mais je voir bien les traits de la fille devant moi grâce à la lanterne au milieu de la pièce. D'ailleurs, nous ne sommes pas seules. Une dizaine d'enfants sont là aussi.
J'ai l'impression qu'on a tous à peu près le même âge.

Chacun leur tout ils se présentent puis je leur dit mon nom. Apparemment je ne suis pas la seule à m'appeler Léa, une petite fille blonde porte le même prénom. C'est la plus jeune du groupe, ça se voit.

Je m'assoie devant la lanterne et sent une question me brûler les lèvres.

-Pourquoi suis-je là? Je demande, toujours en chuchotant.

La fille rousse et un garçon aux cheveux noirs s'assoient à côté de moi.

-C'est... Compliqué. Hésite le garçon.

-Ti' si elle est là faut bien lui expliquer pourquoi! Répond Chloé, la fille rousse. 

Je regarde la flamme de la bougie dans la lanterne. Elle semble se battre contre un ennemi invisible et je ne peux détacher mes yeux de ce combat.

-Écoute Léa. Commence Chloé, nous sommes tous dans le même cas que toi! 

Mes yeux se détachent enfin de la danse endiablée de la flamme.

-Comment ça? 

Elle regarde la flamme un instant puis pose ses yeux sur moi.

-Nous sommes aussi victimes de crises et d'hallucinations sans maladie ou trouble mental. Comme toi!

Ce que j'entends en premier dans sa phrase est sa détermination. Puis j'entends le reste. 

-Attendez ça va beaucoup trop vite!

Je me lève et retombe presque par terre à cause de la violence de mon geste. Je regarde tout le monde droit dans les yeux. C'est n'importe quoi, moi je veux juste dormir! Je n'ai rien demandé! Mon grand père que j'adore meurt, puis je deviens complètement folle, je frappe des gens, puis je me retrouve ici avec des gens disant qu'ils vivent la même chose que moi. Je n'en peux plus, je veux juste guérir et qu'on me foute la paix! Et si j'ai rien, comme dit la psy, et bien ils n'ont qu'à me laisser partir! J'ai la mort sur le dos, vous avez oublié? Et le carnet? Et le fantôme? Et ma mère folle? C'est quoi tout ça, des hallucinations aussi?
Je m'apprête à partir violemment sous leurs yeux ébahis mais mon corps fait tout le contraire.

Je m'effondre sur le sol et me met à pleurer. 

Je sens une main posée sur mon épaule. C'est la fille rousse, j'en suis sûre.

-On sait à quel point c'est difficile. Crois moi.

C'est moi ou sa voix est nouée?

-Mais... Comment savez vous... Secret... Professionnel. Dis-je sans espoir que quelqu'un comprenne ma phrase au milieu de tout ces sanglots.

-Écoute... Tu n'es pas malade. Il ne t'arrive rien. C'est de leur faute.

Mes sanglots se calment pour faire place à une légère sensation d'étouffement.

-Leur faute?

Elle me regarde en souriant. Je vois une lumière dans ses yeux qui me rappelle celle d'une étoile solitaire dans le ciel noir de la nuit. L'étoile du berger.
Chloé a un sourire rassurant qui semble me dire que tout mes problèmes vont disparaître. J'ai envie de la croire.
Mais aussitôt, son sourire se transforme en une légère inquiétude. Ses sourcils se froncent, elle n'a plus le même regard.

-As-tu pris des médicaments aujourd'hui? Me demande-t-elle d'une voix sèche.

-Oui pour....

Je n'ai pas le temps de répondre que deux personnes m'empoignent les bras et m'emmènent vers le couloir.

-Mais.. Mais...

Je lance un regard pleins d'incompréhension à Chloé que je vois disparaître.

-Désolée. Ne prends plus aucun médicament et rejoins nous demain, même heure.

Stop! J'en ai marre! Expliquez moi!!! 
Les deux gars me traînent devant la porte de ma chambre. Ah non, c'est un gars et une fille. 

-Rentre dans ta chambre et verrouille la porte! Puis n'avale plus aucun médoc c'est compris??? Me disent-ils le plus bas possible.

Je ne sais pas ce qui me prend mais je mords le bras de la fille et je me met à hurler des mots incompréhensibles. Je crie, je cours, je crie mais en fait je suis toujours au même endroit. 
Puis je la vois.
Le fantôme blanc. Il s'approche.
Je ne peux plus bouger.
Je hurle.



Je me retrouve dans ma chambre, par terre, la lumière allumée. J'ai des marques rouges sur les bras et les mains en plus d'un gros bleu sur la jambe. Qu'est ce qui s'est passé? Je me souviens du fantôme... Il m'a suivie jusqu'ici.
Ce n'est pas possible.
Mais que vais-je devenir?

Puis je me rappelle. Oh non! À cause de mes cris les autres vont se faire repérer! Je ne sais pas vraiment ce qu'ils veulent mais ça à l'air important! Comme l'ordre de ne plus prendre de médicaments. De toute façon, ils ne fonctionnent pas. J'ai fait une autre crise.

Je me précipite vers la porte de ma chambre et m'apprête à ouvrir mais je m'arrête. Je ne dois pas faire plus de dégâts.
De l'autre côté du mur, des voix se font entendre, des voix plus fortes que des chuchotements.
Ils se sont fait repérer... Et c'est de ma faute... Je plaque ma tête contre la porte et écoute.

-Mais qu'est ce que vous faîtes tous debout?

Je reconnais la voix. C'est une infirmière.

-Quand elle s'est mise à crier on est tous sortis voir ce qu'il se passait! Répond l'autre Léa d'une voix douce et innocente.

-Puis je l'ai faite rentrer de force dans sa chambre. C'est un peu violent mais elle aurait pu blesser quelqu'un! Dit quelqu'un d'autre.

Silence.

-Très bien. Je vais la voir.

Comprenant bien que c'est de moi qu'ils parlent, je m'allonge sur le sol comme-ci je ne m'étais pas réveillée.

Des pas s'approchent de moi. Des chuchotements se font entendre dans le couloir. J'ouvre les yeux comme ci je ne l'avais pas fait il y a quelques minutes.

-Léa! Me dit l'infirmière, ça va?

-Moui... Je...

-Tu as fait une crise. Il va falloir doubler la dose.

Puis elle me sourit et indique mon lit en me disant de m'allonger. Du coin de l'œil je vois la petite Léa et deux autres enfants dans le couloir en train de me regarder avec une intensité qui me fait frémir.

L'infirmière attend que je sois sur mon lit et me tends pas mal de médicaments. 

-Prends les. M'ordonne t-elle en me tendant un verre d'eau.

Je hoche la tête.

Puis elle sort en chuchotant aux autres de rejoindre leur chambre. À eux, je leur fait un clin d'œil.

Peu importe leur cause, il ne peut m'arriver pire que ce que j'ai vécu.

Je jette les médicaments à la poubelle.

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