Je respire. Incorrectement.
Je sens mes jambes. Elles tremblent.
Je sais que ma famille est là. J'aimerai ne pas tenir à elle.
Je me lève brusquement. J'ouvre la porte de ma chambre. Je sors dans le couloir. Tout tourne autour de moi. Je vois flou. Je n'en ai rien à faire. Je ne sais pas ce que je veux. Je ne sais même pas si j'ai raison. Mais au fond de moi, quelque chose me convainc, quelque chose, une petite voix, me chuchote la vérité.
Alors je cours, autant que je le peux, ignorant les voix autour de moi, repoussant les mains et les bras qui tentent de me retenir. Mon parcours est une ligne droite mais nul ne sait ce qu'il y a au bout.
Je fonce et me heurte. Je hurle, me débats. Je mord, je pleure. Je tombe au sol. Je le vois très près de moi.
Je sens une pression au fond de mon cœur. Comme quelque chose d'indescriptible que je n'arrive pas à retenir. Je hurle et mes larmes hurlent avec moi. On me retient, on essaie de m'emmener là d'où je viens, cette chambre où la vérité a voulu me tuer, on essaie de me ramener dans sa noirceur alors que je veux la lumière.
Je veux respirer sans que mon souffle ne tremble.
Je veux marcher sans que je ne manque de tomber.
Je veux aimer sans avoir de craintes.Je ne veux plus avoir peur.
Alors je ferai tout ce qu'il faudra car mes émotions sont miennes et que le seul moyen de les apaiser est de détruire ce qui les a provoquées. Je sens en moi la crainte pointer le bout de son nez. Bientôt elle ne viendra plus me rendre visite.
<<Léa!
On entre brusquement dans ma chambre. C'est mon frère, Théo qui accourt. Il me fait un câlin puis me regarde sans me lâcher.
-C'est vrai que tu as essayé de t'enfuir et qu'il a fallu cinq personnes pour t'arrêter? Me demande-t-il sur un petit ton adorable.
Je beugue un instant. Cinq personnes? Cinq? Il a fallu tout ça pour arrêter une pauvre et fébrile adolescente? Je suis plus forte que je ne le crois.
Sentant le regarde insistant de mon frère je réponds.-Oui... Sans doute... J'étais pas très bien...
-On m'a dit, oui! Je suis heureux que tu sois redevenue normale! On va rentrer à la maison et on va...
Je me fige. Rentrer? Loin d'ici? Il continue de parler mais je ne l'entends plus. Partir? Pour que cette peur me suive toujours? Pour que, malgré la distance elle m'atteigne encore mais que moi je ne puisse rien y faire?
-Non!
Mon frère, surpris, s'écarte de moi. Je me rends compte de la violence de ma réaction et le regarde avec un air désolé.
-Pardon Théo... je...
Mes parents entrent dans ma chambre. Mon frère reste dans un coin. Mon père vient me faire un câlin mais ma mère reste en retrait et fronce les sourcils.
-Quoi, "non"? Demande-t-elle.
J'essaie de me justifier.
-Je... je... Je veux aider la police à résoudre cette affaire! J'en sais beaucoup! Et si je fais ça j'aurais l'impression de combattre ceux qui m'ont fait du mal! J'aurais moins peur!
Elle secoue la tête et mon père fait de même. Ils me disent que j'aurai des médicaments pour l'angoisse et le choc et que tout ira bien. Mais je sais pertinemment que non. Ils ne peuvent pas comprendre, seule moi sait la vérité. Et ils ne doivent pas savoir, c'est mieux pour eux. Restez dans l'innocence, dans l'inconscience, car quand on en sort c'est impossible d'y revenir.
Une chambre d'hôtel. C'est l'endroit où je suis sensée dormir. La police m'a convoquée après demain matin à neuf heure. Il est minuit, heure symbolique à présent. Je ne dormirai pas. Je suis déjà dans un cauchemar.
Je suis devant le miroir. Je regarde mon reflet. Il n'y a pas de mort à côté de moi, ou de mère à la peau déchiquetée. Aucun ennui pour l'instant. Pas de fantômes, pas de mort vivant, pas d'hallucinations, de surveillance ou de faux médicaments, pas de résistance dans les couloirs, pas de créature blanche en train de me fixer. Juste ces foutues pensées.
Je soupire et regarde mes mains. Elles sont sales, usées, égratignées. On peut se demander ce que j'ai fait avec! Je pense à la psychiatre de l'hôpital, je ne me souviens plus de son nom mais son visage est gravé dans ma mémoire. J'espère qu'elle va bien, qu'elle s'en est sortie. Comment est elle arrivée là? Pourquoi ne pas avoir démissionné? Peut être qu'elle voulait aider mais qu'elle se sentait trop oppressée, surveillée, pour appeler la police. D'ailleurs, pourquoi personne ne l'a jamais fait? Je réalise que Chloé, Matt et moi sommes sans doute les premier à être sortis de l'hôpital et cette perspective me fait froid dans le dos.Je regarde à nouveau le miroir et mon cœur loupe un battement.
Une forme blanche, juste derrière moi.
S'approchant pas à pas...
<<Léa? T'aurai pas vu mon doudou? Je l'ai perdu...
Je souffle et rigole presque. Ce n'est que mon frère! Je vois des fantômes partout, il faut que je me calme! Je le regarde en souriant et secoue la tête.
-Non je ne sais pas où il est... Mais je peux chercher avec toi. D'ailleurs, fais comme moi Théo, chuchote. Faudrait pas réveiller papa et maman.
-Merci Lé...! Il se reprend et parle à voix basse, Merci Léa.
Je regarde autour de moi. Le doudou est un petit lapin gris. Un lapin gris! Je cherche un lapin gris! En fouillant le plus silencieusement possible vers le lit de mon frère je me rends compte que j'ai de la chance c'être sortie de cette galère. Ma vie semble de nouveau simple et inconsciente! D'ailleurs elle pourrait l'être. Enfin bien sûr que j'ai vécu un traumatisme mais au fond, pourquoi me faire du mal à tenter de me venger? Mes parents ont raison, je dois partir, tout oublier, juste... Faire comme si je n'avait rien deviné. Faire comme si c'était juste une histoire d'hôpital. Que ça ne concerne pas ma famille. Pas mon grand père. Ni... Ni ma grand mère...
Je le vois. Le lapin. Il est sous le lit. Je le prends mais quelque chose y est accroché. J'enlève la chose, les mains tremblantes. C'est un bout de papier.Avec une inscription.
"C'est moi que tu cherches?"
Et une photographie de mon grand père.
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Histoires De Minuit
TerrorDans la maison qui appartenait à son grand père mort quelques jours plus tôt, Léa est venue ici pour deux jours. Mais le séjour risque de se prolonger. Léa va t-elle résister à la folie? Va t-elle trouver la fin de l'énigme? Mais surtout, comment di...