Chapitre Quinze: La Vérité sait se faire Attendre

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 Un hurlement strident.

Que se passe-t-il encore? Ne devrait-il pas y avoir une fin à tout ça? Tout a une fin.

Quoique...

Toutes les bonnes choses ont une fin. Cela signifie-t-il que les mauvaises en n'ont pas?

Je ne veux pas y croire.

Un jour tout sera terminé.

Ce n'est qu'une question de temps.



12h52 Rue Des Bourdonnements, Saint Bille. 

  Une jeune fille est allongée par terre et tremble. Elle semble mal en point mais je n'en suis pas sûre car je ne vois pas son visage. Autour de nous la rue est calme, heureusement qu'il n'y a pas beaucoup de voitures ici car elle aurait pu se faire écraser! Elle se met à dire quelque chose, un murmure étrange qui semble sortir de nul part mais ne peut venir que d'elle.

-La dernière... Je suis la dernière...

  La dernière quoi? Qu'est ce que ça veut dire? Inutile d'y réfléchir, elle délire, c'est tout.

-Agent Reyz! Deux enfants disent la connaitre! M'avertit-on.

Je me tourne et remarque une fille et un garçon. La fille est rousse, comme moi. Ils ont l'air apeurés. Ils semblent sortis d'un buisson ou quelque chose comme ça... Le garçon serre un livre dans ses mains, à première vue celui ci a l'air vieux.

-Oh. Je m'exclame. Qui êtes vous?

  À la suite d'un moment de silence la fille prend la parole après s'être raclée la gorge.

-Je... Je suis Chloé. Et voici Matt. Nous étions à l'hôpital psychiatrique de Saint-Bille mais il y a eu un problème de médicaments... Bref, nous ne sommes pas malade. Et cette fille...

Je la coupe dans son élan.

-L'hôpital de Saint-Bille? Encore quelque chose de louche là bas? Vous allez tout m'expliquer au poste ne vous inquiétez pas!

Elle me serre le bras de sa main droite. Dans ses yeux je lis un affolement. Elle pointe la fille sur le sol du doigt.

-On ne s'inquiète pas pour nous! Mais pour elle!

-Ne vous affolez... Je commence.

-On a voulu l'aider! Mais elle nous a agressé! Elle bougeait pas puis... Puis... On voit des choses, on est pas malades, on a des hallucinations mais c'est des produits! Elle s'est fait mal! La maison, là bas, il faut... L'inspecter. C'est louche. C'est dangereux! Elle aurait pu se faire très mal voire pire! Me coupe-t-elle.

  Je pose mes mains sur ses épaules et essaie d'avoir l'air rassurante, coupant le flux d'informations désorganisées qu'elle me sort.

-Ne t'inquiète pas. On va l'aider. Et on vous croit.

  Bon, pour l'instant je suis seule à les croire mais ça ne durera pas. Tout le monde sait à quel point cet hôpital est néfaste!

  Une ambulance approche. Quand la jeune fille par terre est soulevée pour être transportée par les ambulanciers, je remarque que je la connais. C'est Léa, la fille qui a agressé le fermier! Je ne sais pas pourquoi, mais pour moi, ces deux éléments ne peuvent qu'être liés.




De Retour dans le Présent

  Je me réveille. Enfin je crois. Tout est étrange... Que s'est-il passé?

J'entends mon nom, Léa. Est-ce bien mon nom? Il est prononcé plusieurs fois mais je ne peux déterminer par qui. Je crois que je me suis évanouie... Mais où étais-je? Pourquoi mes pensées me semblent si... lourdes? 

  Puis mon nom n'est plus qu'un murmure et je me sens tomber.


  J'ouvre les yeux et remarque que je suis dans la maison de mon grand père, dans ma chambre. Je vois tout de suite la boussole et le carnet sur la table de chevet. J'attrape le livre mais il ne veut pas s'ouvrir! C'est comme si les pages étaient collées...

C'est quoi ce bordel...

  J'ouvre la porte en tanguant légèrement et tout me paraît flou. Le couloir est sombre mais peu à peu quelque chose se dessine dans l'obscurité pesante.

Ou plutôt quelqu'un.

  Je sursaute et ai un mouvement de recul mais ce n'est ni un fantôme, ni ma mère, encore moins la soit disant mort... Non... En fait ils sont plusieurs.
Des gens, en noir et blanc comme une vieille photographie, les uns à côtés des autres, fixant un point inexistant. Ils sont immobiles, comme si ils retenaient leur respirations.

Comme si... Ils étaient... Morts? 

Non, je ne dois pas penser ça! Je m'approche et ils n'ont aucune réaction, comme si ils étaient figés dans l'espace et dans le temps. Ils ont la présence d'un fantôme.
  Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai l'impression de les avoir déjà vus. Mais où? Oui, où ai-je vu cette femme avec un grand chapeau, son air hautain et ses vêtements de luxe, cette fille avec un balais et son air de servante, ce jeune garçon ou encore cet homme au haut de forme? 
  Pourquoi est ce que je sais qui ils sont? Pourquoi est ce que je me souviens parfaitement d'eux? Qui sont-ils?

  Un souvenir me revient en mémoire en un éclair. Les photographies dans le couloir chez papy! Ils... Y étaient... Et maintenant ils sont debout, toujours en train de fixer un soit disant objectif. Immobiles comme si c'était encore une photographie... 

  Je les observe fascinée. Leurs visages sont stoïques, ils ont l'air si calmes mais aussi si tristes... Ils ne se rendent pas compte qu'ils sont maintenant devant moi, ou peut être que ce n'est pas eux... Peut être sont-ils morts, mais alors, comment tiendraient-ils debout? C'est forcément une hallucination...
Je m'approche de la dame vêtue de soie donc le visage pâle m'intrigue. Elle semble se croire supérieure au monde entier mais peut être que cette impression n'est qu'une couverture pour cacher sa douleur... Que lui est-il arrivé? La même chose qu'à moi? Pourquoi étaient-ils tous si tristes à ce moment là?
  Je m'approche encore plus et fixe ses yeux, des yeux éteints, des yeux de morts. Je m'apprête à reculer mais ses yeux se teintent soudainement d'une lueur de vie et se posent sur moi!
  Je hurle de surprise! Je ne mets que quelques secondes à remarquer qu'ils me regardent tous! Mais sans aucune menace, ils m'observent... Ou tentent de me dire quelque chose...

  Je reste quelques instants hésitante face tout ces regards puis, puisqu'ils sont capable de me voir, je pourrais interagir avec eux! Malgré ma respiration bloquée par la peur et un mal de ventre affreux, je tente de sortir un son de ma bouche. Ma voix se pose lourdement dans l'air sans la moindre résonance, comme si elle mettait du temps à se propager.

-Pourquoi me regardez vous?

  Le silence reprend sa place. Ils continuent de me regarder. Peu à peu je prends confiance mais suis légèrement agacée.

-C'est quoi ce bordel? Je vous ait vu sur la photographie, pourquoi êtes vous tristes???

  Le silence de nouveau. J'ai l'impression que l'obscurité se renferme sur moi et je les vois de moins en moins. Leur expression faciale change, ils froncent les sourcils, ils deviennent menaçants. Ils s'approchent de moi, je ne sais comment, mais ils sont plus proches. 

  Je tremble de tout mon être. J'ai rien fait. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? C'est la seule chose cohérente que mes pensées arrivent maintenant à formuler. Ils sont presque vers moi, les yeux brillants de fureur, en noir et blanc, comme si le passé venait me happer, comme si j'allais bientôt en faire partie.

Non!

  Ils disparaissent. Puis je comprends.

  Tout se forme dans mon esprit grâce à la trace qu'ils ont laissé.

  Puis je vois le visage.

  Et je n'ose pas réfléchir.

Histoires De MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant