Nous en étions à la fin de mon calvaire... non ? HAHAHHAHAHA Comme c'est drôle, les humains sont pareils partout et c'est pour ça que je les hais.
Donc, nous savions que nous déménagerions pour la fin de l'été, nous avions toujours le piano dans l'autre salon, il allait me manquer, plus que je ne le pensais à ce moment-là. Les déménageurs arriveraient dans la journée. Il faisait chaud, j'avais profité de quelques heures pour noter maladroitement quelques mélodies amatrices, pour jouer de vieux morceaux et chanter des paroles inventées sur l'instant. Utiliser les pédales du piano une dernière fois, appuyer doucement et tester la faible résistance des touches, jouer une dernière fois Star Wars pour me rappeler les cours et me donner de petits défis de vitesse pour savoir jusqu'où je pouvais jouer sans faire trop d'erreurs, voire carrément sans en faire.
Avec ma mère, nous avions profité du temps pour faire des cookies au chocolat, puis j'étais sortie quand il était temps de sortir le piano pour revenir au moment où les responsables du magasins chargeaient l'instrument dans une camionnette en le fixant avec des sangles.
J'étais chou, je me préoccupais des gens, à ce moment, je leur avait offert une assiette de cookies pour la route, ma mère avait été touchée, nous les avions fait pour nous, mais je voulais faire plaisir à d'autres personnes aussi. C'est un des seuls souvenirs que j'ai où je me suis considérée comme une bonne personne. Où j'ai été totalement libre et où je me suis le mieux sentie.
J'aurais aimé retrouver une sensation pareille mais les seules aides que je pouvais procurer se retournaient contre moi, après cette expérience, comme si je devais arrêter. Pourtant, je voulais vraiment aider... Mais combien de temps pensez-vous qu'une enfant veut continuer d'essayer quand le monde se retourne contre, quand les personnes qu'elle a aidées se mettent à récolter des informations pour se foutre de sa gueule ? Pas longtemps pour un enfant normal, je dirais, mais j'ai toujours préféré les rires aux larmes, alors je faisais de mon mieux.
Pendant ce dernier été, je commençais à peine à me faire au fait que j'étais considérée comme une HPI, c'est-à-dire une personne à haut potentiel intellectuel. Je haïssais beaucoup trop ce nom. Les gens me prenaient pour une gamine prétentieuse, parce que je réfléchissais différemment, qu'ils ne le comprenaient pas et que quand je leur expliquais pourquoi, ils pensaient que je mentais.
Dans l'imaginaire collectif, un HPI est fort en tout, il est capable d'avoir des notes excellentes, on ne se dit pas que ces personnes sont parfois celles qui ont le plus de problèmes parce que leur cerveau leur fait faire des blocages qui les empêchent d'apprendre correctement voire les empêchent totalement d'apprendre certains sujets.
Pour donner un exemple personnel, je déteste l'allemand, je trouve que c'est une horrible langue à l'oreille et qu'elle est difficile à écrire, ce n'est pas quelque chose que je suis en mesure d'apprendre. Je ne l'aime pas. Sa sonorité me donne l'impression qu'on écorche l'intérieur de ma tête.
Pourtant, lorsqu'il s'agit d'apprendre les différents composants du sang, par exemple, je peux le faire en une journée et m'en souvenir pendant longtemps. Pareil pour toutes les dynasties de pharaons et une quantité astronomiques de détails sur leur alimentation, leurs habitations, leurs coutumes, leurs offrandes, leurs dieux, leurs mythologie...
Tout est d'une facilité déconcertante à apprendre pour moi, sitôt que je suis intéressée par la chose. C'est con, mais ce que je n'aime pas, je ne l'apprends pas.
Comme autre exemple, je pourrais citer les livrets, je n'ai jamais pu les apprendre, j'ai quinze ans mais je ne peux toujours pas dire du tac au tac combien font 9 x 12. Certains me prendront pour une idiote, d'autres verront peut-être ce que je veux dire. Mais je pense que la plupart des personnes qui liront ces lignes n'en auront rien à cirer. C'est une fiction, pas vrai ?
Bien sûr. Et comme dans toutes les fictions, le héros doit être malheureux jusqu'à trouver des compagnons de route. Ouais. Cool. Mais non, je suis pas là pour me faire des amis, je suis là pour être qui je veux et les gens ne vont pas l'accepter.
Alors, je vais pas avoir de happy end, je vais être une saloperie de punk, un parasite jusqu'à la fin de ma vie, peut-être faire un peu de musique en local mais je risque pas d'aller très loin et vous savez quoi ? Tant mieux, je suis pas faite pour le public, je suis trop gentille aux mauvais moments et je casse des bouches là où je devrais la fermer et être docile. Mais vous avez fini par me deviner, n'est-ce pas ?
Enfin, reprenons, nous étions en été, il faisait chaud, le vent soufflait souvent, j'avais un nouveau cerf-volant, un cerf-volant d'aigle royal qui volait haut dans le ciel et j'allais souvent en faire, je l'aimais bien, je me rêvais à la place de l'oiseau, à voler au-dessus des soucis.
J'avais cessé d'être ignorante et je voulais maintenant emmagasiner toutes les informations que je pouvais pour devenir plus forte et plus intelligente, je voulais développer ma personnalité et j'aimais la musique plus que tout. J'étais une passionnée, je ne vivais pratiquement que pour ça, c'était cool. C'est cool. Je vis pour la musique et j'en ferai toute ma vie, même si je sortirai jamais de mon trou, je suis pas comme Cobain, j'ai pas l'âme écorchée, j'ai une âme qui m'a l'air bien faible et bien transparente. J'ai une âme de mouton dans un corps de loup.
C'est drôle, non ? Ouais non, c'est pas drôle, c'est vrai, j'ai rien de spécial sauf un syndrome d'Asperger (vous chercherez sur Google).
Pendant les deux mois de cet été, nous avions été voir nombres de maisons à rue, dans des immeubles en face de la grotte, un peu plus bas... avant de nous décider pour une ferme rénovée et transformée en appartements sur plusieurs étages. Cool. Vieux. Avec de quoi monter un local pour la musique en bas.
Mais nous habitions toujours à Attalens. Alors je sortais, je disais au revoir et j'essayais de me faire des amis. Mais comment dire... Ma réputation me précédait et de faux amis arrivèrent, c'était cool d'être amis avec la fille bizarre du coin, ça donnait l'impression qu'on était marginal. Pourtant, au moment où HPI sortait de ma bouche (j'avais été diagnostiquée comme ça à l'époque), tout le monde se retournait contre moi et montrait son vrai visage. Les informations qu'ils avaient récoltées sur moi en tant qu'amis partaient en rumeurs exagérées sur la personne horrible que j'étais supposée être et je finis par ne même plus en être surprise. De toute façon, je savais que je reprendrais bientôt une nouvelle vie ailleurs. Mais si seulement j'avais su que je perdrais ma meilleure amie, je pense que je serais restée envers et contre tous.
En tout cas, ces vacances furent de loin les plus cauchemardesques de ma vie, je voulais retourner en cours plus que tout et j'étais dégoûtée des trahisons et des gens. Eh ouais, à 11 ans, j'en avais marre des gens. C'est triste et drôle à la fois.