Chapitre 19: Le saint gel douche à la verveine

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C'était le début de l'année et cela faisait maintenant une année que le délire de nos deux psychopathes vivant (de temps en temps) dans la vieille maison près du château et nous suivant de près, avait commencé. Au point où, avec certains évènements, je crois bien que j'avais fini par croire à ma propre histoire autant que Solène. Je n'avais pas vu que cela faisait si longtemps que l'ombre menaçante de ce qui se transformerait ensuite en des lignes maladroites dans un cahier oublié et poussiéreux au fond de mon bureau, planait sur nous. 

C'était juste sensé être une plaisanterie, et c'était d'ailleurs une petite vengeance pour toutes les histoires à faire froid dans le dos que me racontait ma chère amie. J'étais persuadée qu'elle n'y croyait pas et que ce n'était qu'une blague. Qu'elle ne voyait tout cela que comme une blague et qu'elle n'y croyait pas du tout. 

Tout était fait pour que ce ne soit qu'une vaste blague, les messages kitch, le fait qu'aucun des deux psychopathes n'apparaissent jamais, plus encore, ce qu'ils étaient. Rien de plus qu'une histoire de loup-garous pour nous faire faire quelques nuits blanches dans son élaboration. 

Enfin, nous étions dans un petit café à Romont, confortablement posée sur l'un des spacieux canapés de cuir noir agréable, sous un des hauts-parleurs diffusant de la musique qui n'était ni bonne ni mauvaise. Elle passait juste et nous étions toutes les deux en pleine discussion, tendant un piège aux deux... "loups". Aux deux chimères faussement menaçantes de ma tête, je m'amusais à lui raconter comment j'avais vu les yeux du méchant (un grand roux pas très sympa avec une tendance pour la décapitation), dans la nuit et devant ma fenêtre. 

Ce qui fit que nous nous mîmes à y croire toutes les deux fut une série de coïncidences pour le moins anodines pour n'importe qui de normal. La première, fut que je trouva sur le chemin de la crêperie où travaillait la mère de mon amie à bouclettes, une rose blanche tâchée de peinture rouge que je me dépêcha de lui apporter sans voir le bouquet près de la fenêtre, posé à côté de quelque chose probablement peint en rouge. 

La seconde, fut qu'un soir, où nous dormions toutes les deux ensemble cet été, mon amie prononça le nom du diable roux, lui disant de frapper deux coups sur le toit s'il était présent. Ce qui se produisit. Puis trois fois. Et de nouveau, sa demande fut exaucée. 

Ce qui nous dissuada de tenter une troisième fois, ne voulant que croire à une coïncidence. Et je suppose que si nous l'avions fait, eh bien, rien  n'aurait frappé le nombre de coups que nous lui aurions demandé. 

Pour la dernière, qui nous fit réellement basculer dans la psychose, ce fut ce fameux après-midi, nous avions commandé de l'eau tant la chaleur était étouffante, j'allais lui dire que tout cela n'était qu'une blague. J'allais lui dire que je la menais en bateau. Mais, avant que je ne puisse ouvrir la bouche, elle lança la plaisanterie suivante. 

"Hey Lauren, tu sais quoi, on va tester un truc. Je ne  croirai en l'existence de (non, je n'écrirai pas son nom), que s'il mets maintenant "Sound of Silence"

- Il a bien reçu le message"

J'avais plaisanté à mon tour, pensant lui dire juste après qu'une chanson autre que Sound soit passée dans les haut-parleurs, que ni l'un, ni l'autre des frères loup n'avait jamais existé et qu'elle avait cru en l'une de ces histoires abracadabrantes de vampires et de loups-garous qu'elle critiquait tellement pour leur irréalisme. Le  problème était que la voix du duo (Simon et Garfunkel pour ceux dont la culture musicale laisserait beaucoup trop à désirer), s'éleva brusquement alors que la dernière chanson se faisait très vite oublier dans l'espace. 

Je me souviens de la terreur folle et inexplicable sur le moment qui m'avait prise, j'avais tourné la tête vers Solène, elle avait fait mine de regarder l'heure, déposé un billet de dix sur la table et nous avions fui dans les rues, aussi apeurées l'une que l'autre. 

Les hurlements du SilenceWhere stories live. Discover now