Huit heure du matin

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Le week end est passé avec une lenteur désespérante pour Eren. Il s'est ennuyé tout son samedi soir, tout son dimanche, et n'a pas arrêté de cogiter dans son lit toute la nuit. Il sent dans son organisme une peur incommensurable d'arriver lundi, dans leur si fidèle petite twingo blanche, et de dire quelque chose de travers. Il ne sait pas comment réagir, face à ses prunelles grises qui semblent le déshabiller du regard, et qui embrasent son âme d'un feu tout nouveau.

Il sait que s'il se foire sur ce coup, il perdra bien plus qu'un simple crush (d'ailleurs, il ne sait même plus vraiment comment il doit considérer le petit brun. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il ne peut pas nier cette attraction qui se joue entre eux). Il pourra dire au revoir à un ami, un frère, enfin à cette personne si chère à ses yeux et si étroitement liée à lui. Il est donc hors de question qu'à cause de sa débilité il nique tout ce qu'ils ont réussi à créer, tous les deux.

Lundi matin, donc, c'est avec la boule au ventre qu'il sort de son lit, et éteint son réveil. Il se prépare avec une lenteur agaçante, souhaitant retarder le plus possible le grand moment de confrontation.

Sept heure quarante cinq.

Il lui reste quinze minutes. Eren inspire, expire. Putain, il ne s'est jamais autant chier dessus, pour une relation avant. Il était tout le contraire, même. Le type confiant, peut-être un peu trop sûr de lui, charmeur, blagueur, à l'aise quoi. Alors que là, maintenant, tout de suite, il a juste envie de s'enfuir se cacher dans le lit de sa mère. Oui, Eren peut parfois être très lâche. De toute manière, il n'y a toujours eu que Levi pour être capable de le mettre dans de tel états.

Sept heure cinquante trois.

Il est bientôt l'heure, Reren. L'heure se rapproche, elle est là, presque à ta porte d'entrée. Entend là cogner à ta porte, s'invitant chez toi, s'invitant dans ton esprit obnubilé. Entend là tambouriner si fort, à moins que cela ne soit que ton coeur sautant dans ta poitrine.

Mais de quoi vont-ils bien pouvoir parler, pendant tout le trajet ? Eren n'en peut plus, son cerveau déborde.

Son téléphone affiche enfin le chiffre maudit. Ca y est.

Il est huit heure du matin.

Putain de merde, il est huit heure !

Il ouvre avec hésitation la porte de chez lui, et comme un animal apeuré face au fusil d'un chasseur, il tremble plus que de raison en jetant un regard vers son portail. Mais rien. La voiture n'est pas encore garée devant chez lui. Livaï n'est pas encore là. Il souffle de soulagement, mais la seconde d'après, reprend rapidement contenance. Il ne faut pas qu'il se laisse aller. Son bourreau va bientôt arriver, et cette fois, il pourra enfin se laisser mourir dans le creux de ses bras.

Alors il attend quelques minutes dans le froid. Il va arriver, il va arriver, répète sa conscience. Mais il n'arrive pas. Et Eren a beau attendre, toujours aucun signe du noiraud.

Troublé, il ressort son téléphone au bout de dix minutes, et l'appelle. L'appel ne passe pas, et il tombe directement sur sa messagerie. Il a éteint son portable, apparemment. Bizarre.

Livaï n'éteint jamais son portable.

Alors il le bombarde de message, tous plus ou moins similaires. Quand il fait ça, d'habitude, il se prend illico une salve d'insultes : Livaï déteste qu'on l'assomme de SMS. Et étrangement, au fond d'Eren, un changement s'opère. Aussi infime soit-il, même lui ne peut le nier. Si jusque là il tremblait de nervosité, sa peur était toutefois nuancée d'excitation. Désormais, rien d'autre que de l'appréhension ne monte en lui. Car il le sait :

Livaï ne l'a jamais fait attendre une seule fois.

Le jeune homme est allé en cours, dans le seul espoir d'y voir Livaï. Il est partis en bus, à la va vite, et est arrivé en retard. Il s'installe dans l'amphithéâtre, et se dit qu'il attendra devant la porte du cours du plus vieux autant de temps qu'il ne le faudrait. Il n'a pas un milliard d'autres solutions, à vrai dire.

Roule, jeunesse !  [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant