Épilogue

9 0 0
                                    

    Ce jour-là, tout en moi est mort.

    Cette haine qui m'avait servi de pilier, cette jalousie sur laquelle je m'étais construit, cette rancœur qui me maintenait en vie, tout a disparu au moment où j'ai atteint le septième ciel.

    Maintenant, plus rien ne me plaît, plus rien ne m'amuse. Je suis vide. Une coquille de papier qui se laisse ballotter par les vents capricieux.

    J'ai entendu dire qu'Hector est en prison pour tentative de meurtre et qu'il n'est pas près d'en sortir. Cela ne m'a fait ni chaud ni froid. Mon mentor n'est plus qu'une figure pâle et lointaine, comme un visage croisé au hasard dans la foule.

    Quant à la famille royale, elle s'est effondrée sur elle-même. Mon nom jeté à la figure de Cedro a ravivé des blessures anciennes, rallumé les cendres d'un vieil incendie. Le mari de ma mère, apprenant ce qu'elle a fait, l'a répudiée. Elle, prise de remords, s'est jetée du haut d'une tour. Mes grands-parents ont dû réprimer la vague de panique qui enflait suite à cette histoire tragique.

    Cette fois-ci, il n'y a pas d'histoire officielle. La famille royale maintient le silence absolu sur la raison de cette discorde. Cependant, même les secrets les mieux gardés finissent par filtrer. Il se murmure que la fils "mort-né" de la princesse serait en fait vivant, abandonné par sa mère à la naissance. La haine à l'encontre de la noble défunte et de sa famille grandit doucement mais sûrement.

    Cedro s'est remis difficilement de ses blessures, mais son accession au trône semble compromise. Le peuple ne veut pas du fils de la maudite Amaury à leur tête. Même si rien ne semble avoir changé, peu à peu le monde lui tourne le dos.

    Est-ce que cela me plaît ? Difficile à dire. Cette nouvelle ne m'a fait ni chaud ni froid, alors même qu'auparavant je n'espérais rien d'autre que la chute de ces êtres que je haïssais tant.

    Un jour, un jeune homme est venu me voir. Un sorcier qui affirmait être mon demi-frère. Il m'a proposé de venir avec lui. Sans attaches, sans envies, à la dérive, j'ai accepté.

    C'est ainsi que j'ai rencontré Halcyon et Naos, mes deux demi-frères du côté de mon père.

    J'ai emménagé avec eux dans le château du sorcier. Depuis, nous vivons ensemble. Enfin, chacun vit de son côté dans la grande demeure. Aucun de nous ne parle beaucoup. Le silence règne, un silence froid et tranchant qui me donne le vertige. Je me demande si je ne préférais pas la caserne sale et bruyante.

    Je pensais que trouver une famille comblerait enfin le trou béant en moi, cet abîme qui m'a changé peu à peu en monstre. Je pensais qu'après être enfin accepté, je serais heureux.

    Je m'étais trompé.

    Je ne désire plus rien. Je n'ai plus de sentiments, plus de pensées. Ma vie est vide de tout.

    Je suis un iceberg dérivant sur une mer infinie sans autre espoir que de fondre au soleil, un navire perdu voguant sans but sur les flots glacés.

    Moi qui cherchais désespérément la reconnaissance et l'amour, je me retrouve encore plus isolé qu'auparavant. Incapable d'aimer et d'être aimé en retour.

    Peut-être est-ce une punition ? Une punition divine pour le monstre que je suis. Pour ces horribles pulsions fratricides et incestueuses qui me dévoraient. Pour la haine qui brûlait en moi.

    Pour m'en punir, on m'a tout retiré, mes sentiments, mes désirs, jusqu'à mon envie de vivre.

    Ylan est mort.

Les Origines : YlanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant