Chapitre 1

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Johanna s'engouffra dans la foule, son verre à la main. Elle l'avait payé bien trop cher pour le laisser sur le comptoir, et avait terriblement envie de danser. En plus, elle n'avait aucune envie d'assister au spectacle que faisaient deux créatures d'une espèce qu'elle ne connaissait pas, s'apprêtant à effectuer une partie de jambe en l'air. Cela faisait bien longtemps qu'elle connaissait ce monde, et malgré son caractère, elle n'était pas forcément toujours à l'aise. Pourtant, ce club était le plus calme de tous ceux qu'elle avait eu l'occasion de fréquenter. Elle savait qu'il ne fallait pas rester trop tard, au risque de se retrouver mêlée à une orgie ou une bagarre.

Quoiqu'il en soit, ce soir, elle avait décidé d'en profiter au maximum. Elle venait de terminer un gros contrat, qui avait été difficile à réaliser. Comme celui-ci lui avait beaucoup rapporté, elle avait de l'argent à foutre en l'air. Elle s'était donc racheté des habits pour se battre. En effet, sa dernière tenue avait finie en lambeau après une tentative d'assassinat moins discrète que prévue. Cependant, sa pauvre proie avait fini en chair à saucisse, malgré tout son attirail défensif. À ce souvenir, la jeune femme esquissa un sourire. Il y avait longtemps qu'elle avait cessé d'éprouver de l'empathie, et elle devait sa survie à son égoïsme.

La soirée promettait d'être agréable, car la musique qui passait dans la boîte semblait lui plaire. Tout en se dandinant, elle aspira le contenu de son verre, fait à partir de venin d'un Akamata, une sorte de serpent gigantesque. L'alcool n'avait plus aucun effet sur elle, à cause de ses capacités à éliminer les toxines les moins tenaces. Après quatre gorgées, elle se sentit planer. Il en fallait très peu à n'importe quelle espèce pour sentir ces effets. Cette substance était conçue de manière à ce que la victime de l'Akamata se laisse hypnotiser par ses grands yeux, et finisse dans son estomac sans opposer aucune résistance. Heureusement, l'effet était moindre dans sa boisson.

La piste de danse se remplit rapidement, et Johanna se retrouva coincée entre les corps qui se trémoussaient. L'air ambiant sentait la drogue, le sexe et la sueur. On lui rentra dedans, et ce qu'elle tenait dans ses mains lui échappa. Elle tourna la tête en direction du mâle à la peau bleue qui l'avait percuté, le regard assassin :

- Enfoiré !

Les excuses n'existaient pas, ici bas, et Johanna l'avait vite compris. Ceux qui n'avaient pas la trempe de réagir se faisaient vite écraser, et pas conséquent, ils n'y en avait plus beaucoup. Le mâle lui fit un doigt d'honneur avant de se faire avaler par la foule. Elle soupira en fixant le récipient rouler sur le sol. Peut-être qu'elle était devenue accro, à force de passer ses week-ends dans ce genre d'endroit. En plus, ce n'était vraiment pas donné, à cause de la difficulté à se procurer le venin. Elle le savait bien, puisque ça avait été une de ses missions, à ses débuts, et elle avait eu beaucoup de mal à débusquer un Akamata qui avait ses glandes sécrétrices pleines. Mais pour une fois, elle voulait profiter de la soirée sans que ça dégénère, ou sans s'énerver, et elle se concentra sur la musique. Au moins, maintenant, elle disposait de ses deux mains pour se mouvoir.

Quand la piste commença à se vider, Johanna décida qu'il était temps de rentrer aussi. Elle avait un peu décuvé, et parvenait donc à marcher plus ou moins droit. Arrivée dans un endroit un peu plus discret que la rue principale qui était toujours bondée à toutes heures, elle s'arrêta net. La jeune femme entailla sa main assez profondément pour faire couler assez de sang pour pouvoir tracer le symbole du retour sur le mur. Une fois cette tâche effectuée, elle traversa le passage qui venait de se former et apparu exactement à l'endroit où elle avait disparu il y a quelques heures. Comme elle s'y attendait, les rues des favelas, à cette heure-ci, étaient complètement désertes. Elle se faufila donc discrètement en direction de son habitation, alors que le silence régnait. Il devait être dans les environs de cinq heures du matin, et la vie allait bientôt devoir reprendre son court. Si elle ne s'était pas trompée, Johanna ne devrait pas à avoir à retourner au QG avant quelques semaines, ce qui lui laissait du temps pour s'occuper de sa mère. En pensant à celle-ci, la jeune femme grinça des dents. Elle était partie en s'assurant qu'elle dormait bien, mais si sa mère s'était réveillée et qu'elle avait découvert qu'elle était partie... Elle ne préféra pas y penser pour le moment. Elle était bien trop fatiguée, et pressée de retrouver son lit.

Essences Primaires - T1: Soven & JohannaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant