Essences Primaires - T1: Soven & Johanna

Chapitre 7

Anika se réveilla en sursaut. Elle avait raison, cela n'avait été qu'un mauvais rêve. Elle ferma les yeux, encore tremblante. Elle y avait presque cru, à cette course poursuite hors du commun, et à cette créature immense. Et cette fille, qui pouvait se couvrir partiellement d'écailles bleues, ce n'était qu'une blague. Elle allait quand même demander à Soven des explications sur celle-ci, puisqu'elle avait un mauvais pressentiment à son sujet. Elle sentit une main sur son épaule, et ouvrit brusquement les yeux.

Elle n'était pas dans sa chambre, ni même dans un lit. Elle était étalée sur un sable rouge poussiéreux, qui s'étendait à perte de vue. C'était vraiment réel. Et maintenant, elle ne savait même pas où elle se retrouvait. Elle hurla, alors que des larmes se mirent à couler sur ses joues. Elle ne voulait pas être mêlée à tout ça. Elle en voulait à Soven pour cela.

La fille avec qui Soven semblait être proche se tenait face à elle, une expression indifférente sur le visage. Elle lui adressa la parole dans un anglais hésitant, et avec un accent horrible :

- Anika, c'est ça ?

Elle hocha la tête.

- Johanna. Bienvenue en Enfer.

Johanna lui tendit la main, et elle la lui serra, par politesse. Le gamin qui les accompagnait partit dans un rire moqueur, et il échangea un regard complice avec la fille. Ils parlèrent dans un langage qu'elle ne connaissait pas, et Anika se sentit encore plus mal. Elle se leva avec difficulté, courbaturée comme jamais.

Tout le monde se mit à marcher derrière Johanna, comme elle l'avait suggéré. L'air n'était pas spécialement chaud, mais incroyablement sec et lourd, si bien que respirer était difficile. Au bout d'un moment, la gorge d'Anika fut tellement sèche, qu'à chaque inspiration, elle avait l'impression qu'un millier de petites aiguilles venaient se loger dans sa trachée. Il ne faisait ni jour, ni nuit ; le soleil ne semblait pas exister, mais il y avait assez de lumière pour voir devant soi. Le vent n'avait pas l'air de beaucoup se manifester, puisque le sol sableux restait plat. Il n'y avait aucune trace de vie animale ou végétale dans les environs, tout se ressemblait et se répétait à l'infini. Johanna avait raison ; cet endroit ne pouvait être que l'enfer. À chaque inspiration, Anika se disait qu'elle aurait tout donné pour pouvoir porter à ses lèvres ne serait-ce qu'une goutte d'eau. C'était de plus en plus douloureux, mais elle ne préférait pas se plaindre. Elle continuait à mettre un pied devant l'autre, sans réelle conviction. Elle avait l'impression que peu à peu sa peau se desséchait, se flétrissait, que toute l'eau de son corps s'évaporait comme lorsque l'on faisait griller de la viande au barbecue.

Elle continuait à mettre un pied devant l'autre, et pourtant, le paysage ne changeait pas. Il n'y avait même pas une roche, ne serait-ce qu'un galet, tout était homogène. Le temps était comme figé.

Anika attrapa le bras de Soven et chercha à attirer son regard. Peut-être comprenait-il mieux qu'elle ce qu'il se passait. Mais lorsqu'elle croisa ses yeux d'un bleu profond, elle sut qu'il subissait la même chose qu'elle. Il lui serra la main, sans dire un mot, et cela la rassura quelque peu. Elle n'était pas seule, et elle pouvait au moins compter sur lui.

***

Johanna fut soulagée quand elle aperçut enfin les contours d'une ville au loin. Se perdre ici, c'était très courant et mieux ne fallait pas rester trop longtemps dans le sable. C'était pour cela qu'elle avait décidé de faire marcher tout le monde, dans une direction hasardeuse ; pour survivre, il était nécessaire de toujours être en mouvement. Et au vu du nombre de personnes et de créatures habitant ce lieu, ils allaient forcément finir par tomber sur des habitations. Il fallait juste espérer que les habitants ne soient pas hostiles. Mais ce qui se profilait devant eux avait l'air d'être une mégapole. C'était parfait, cela leur permettrait de passer inaperçu. Encore fallait-il savoir qui régnait sur la ville ; parfois les régents imposaient des règles particulièrement étranges et difficiles à respecter.