Chapitre 14

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Soven n'avait jamais rien vu de pareil, si ce n'était dans les jeux vidéos. Une colonie. C'était une colonie de vers géants pourvus de dents similaires à celles des lamproies. Et ils n'avaient pas l'air d'être heureux de voir le petit groupe de bipèdes sur leur territoire. Presque par automatisme, il se tourna vers Johanna pour savoir quoi faire. C'était son métier de tuer, après tout. Mais, lorsqu'il vit son visage blêmir, il sut qu'elle n'était pas plus avancée que lui. Par précaution, il préféra tout de même demander:

- Qu'est-ce qu'on fait?

- On... On cours, hésita-t-elle.

À peine eut-elle prononcé ces mots qu'ils prirent, tous les quatre leur élan. La meilleure solution pour s'en sortir était de foncer dans la direction de leurs adversaires, parce que là où ils se trouvaient, il était certain qu'aucune poche de gaz ne pouvait plus révéler sa présence. Tout était une question de rapidité, ces monstres semblant se mouvoir assez lentement.

Seulement, l'esquive ne faisait pas partie des talents cachés du jeune homme, et le nombre de fois où il s'était battu dans sa vie devait se compter sur les doigts d'une main. La première fois que c'était arrivé, c'était pour défendre sa petite sœur qui n'avait pas réussi à se défendre contre un camarade de classe. D'ailleurs, si l'on comparait Soven à sa sœur aujourd'hui, il était persuadé qu'elle était bien meilleure avec ses poings que lui. La dernière fois, c'était pour tenter d'échapper à Sigriss, mais pour ce combat, il n'avait pas eu à se soucier de ses blessures.

Laissant toute l'adrénaline que son corps pouvait produire, envahir ses jambes, il se concentra sur les mouvements de l'ennemi. C'était certain qu'ils étaient lents, mais il était à peine en mesure de les suivre. À chaque fois qu'il évitait un coup de tête de la part de ces vers géants, il sentait leur peau rugueuse frôler la sienne, et l'air violemment projeté par le mouvement lui hérissait les poils. Quand, enfin, l'infini de l'horizon fut de nouveau visible, l'espoir le regagna.

Mais ce sentiment de soulagement fut bref; au dernier moment, il dut s'agenouiller pour ne pas se faire frapper en plein visage, ce qui lui fit perdre quelques secondes précieuses avant de s'élancer à nouveau. Et, alors qu'il s'appuyait sur le sol, bandant ses muscles pour mieux repartir, il se fit percuter en plein milieu du ventre, et tout l'air que ses poumons contenaient s'en échappa. Il fut projeté violemment dix mètres en arrière, et, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, le choc ne fut pas amorti par le sable, lors de la rencontre entre celui-ci et le dos de Soven.

Complètement sonné, des taches noires apparurent çà et là dans son champ de vision. Un sifflement aigu avait envahi ses tympans. Il intima à son corps de bouger, mais il ne se passa rien. En même temps que la souffrance, s'installa le stress. Il fallait qu'il se relève, qu'il bouge. Il ne restait plus qu'une vingtaine de mètres, et après, il pourrait s'allonger.

De grosses gouttes de sueur perlaient sur son épiderme au fur et à mesure que les secondes défilaient. Il cligna des yeux, et jura mentalement. Il était comme paralysé, et lorsqu'il fut enfin en mesure de distinguer quelque chose avec ses pupilles, le seul phénomène dont il fut témoin fut l'ouverture progressive de l'orifice buccal de la bête qui lui faisait face.

Il n'avait jamais rien vu  de tel. L'animal n'avait pas de mâchoire mais une multitude de dents fixées à sa muqueuse, suivant ainsi une forme circulaire. Le moindre être vivant attrapé devait ainsi finir en charpie, broyé par les rangées  d'émail aiguisé. Mais Soven n'avait, en aucun cas, envie de terminer comme ça. Alors, dans un ultime effort qui lui coûta un hurlement de douleur, il se tourna sur le ventre et parvint à ramper hors de portée de la mort. Ce n'était pas fini, l'animal allait recommencer son attaque, et Soven devait donc se traîner encore, tant que ses jambes ne parviendraient pas à le porter.

Essences Primaires - T1: Soven & JohannaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant