Chapitre V: Séparation?

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Le colporteur fit entrer son cheval et sa carriole bringuebalante dans le domaine de la Guérinière. Le bel homme blond s'arrêta quelques instants, admirant le château. Celui-ci était à l'origine en granit. Le fondateur, Erwan de la Guériniec était venu à la suite de Du Guesclin lors des guerres pour l'acquisition du Duché de Bretagne. Ce dernier, à contrario du reste de sa famille, s'était soumis au Roi de France et avait guerroyé pour lui. Au fil des batailles, il arriva en cette province et en tomba fou amoureux. Il épousa une belle noble angevine et construisit le château de la Guériniec en son honneur. Les terres prirent le nom de leur nouveau maître et générations après générations, mariage après mariage, le domaine s'était agrandi.

De la disposition initiale du château subsistait la tour massive et la bâtisse principale. Une tradition traversait les générations, comme quoi chaque héritier de cette demeure devait l'agrandir ou l'embellir. Ainsi, siècle après siècle, on vit un aile Est puis Ouest s'élever ainsi qu'un mur d'enceinte, des dépendances et des pavillons de chasse. la modification la plus profonde fut réalisée en 1525 par Enguerrand de la Guériniec. Il métamorphosa la "Grande Maison" ténébreuse en style Renaissance avec de multiples ouvertures et remplaça le granit importé par de la pierre tuffeau. Ce fut ce même jeune homme qui décida de changer son patronyme, trop breton à son goût, ce qui donna le nom que nous connaissons aujourd'hui; la Guérinière.

                 Peu à peu , un bourg s'établit près du château et en prit évidemment le nom. Si on suivait la route principale de ce village, on montait une hauteur assez importante et nous arrivions en droite ligne en face du majestueux portail des châtelains. Le portail en briques rouges avec une grille en fer forgée, était entouré de longs murets recouvert de mousse. On s'engageait ensuite sur une belle allée gravillonnée entourée de saules pleureurs et de plaines immenses. Venez enfin le château. Il avait trois rangs de fenêtres élégantes soit trois étages plus les combles. De face, on voyait le toit de la tour qui dépassait la bâtisse.Devant cette demeure se trouvait une terrasse de calcaire. Pour accéder à la porte d'entrée, il fallait monter une volée de marches polies par l'usure du temps, mises à l'abris par un petit auvent situé au-dessus de la porte. Cette dernière était en chêne du pays. Un lourd marteau de cuivre y était accroché pour signaler sa présence aux maîtres de l'endroit.

Sur la façade centrale, en dessous du toit, se trouvait une alcôve où une vierge couronnée souriait aux visiteurs et aux habitants de la maison. Elle était en pierre grise de Bretagne apportée en ces lieux par Erwan de la Guériniec lui-même. On la descendait tous les 15 août et on la transportait en procession dans tous le village.

Le cadre des fenêtres était blanc. L'aile Ouest abritait l'écurie et le chenil, celui-ci très silencieux maintenant. Dans l'autre aile, c'étaient les cuisines et le cellier. Derrière la maison se trouvait le jardin de Maud et au fond de ce dernier, il y avait la chapelle familiale. Un chemin partait vers le Nord pour vous emmenez vers la rivière et le calvaire.

 Mais revenons à notre histoire. Le colporteur avait bien remarqué l'imposant silence qui régnait sur ce domaine. Où étaient les chiens du Baron? Il ne chassait jamais à cette époque de l'année. Sa monture avança tout de même et lorsqu'il arriva au niveau de la terrasse, une gracieuse jeune personne vint à sa rencontre. Maud était vêtue d'une robe jaune en coton et sa chevelure était retenue par un fichu blanc. Elle tenait un maigre bouquet de magnifiques astrances. Le commerçant vit tout de suite le ventre rebondi de la Baronne.

Il sourit:

- Cathelineau! S'exclama la jeune femme.

Elle pressa le pas, sortant de sa rêverie coutumière. Le voiturier sauta à terre et enleva son chapeau. Maud lui serra la main, sans faire attention à sa rugosité et appela un domestique pour rentrer le cheval à l'écurie puis le fit entrer dans les cuisines. La jeune femme donna son bouquet à une aide-cuisinière et sortit un imposant livre de compte en cuir auburn, tandis que Cathelineau étalait ses marchandises.

La Louve de la Grande ArméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant