Chapitre XVI: Rassemblement

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              Le soir même, Maud négligea les offres de coucher dans un lit sous une grange voisine, au sec, car elle voulait absolument partager les mêmes contraintes de ses hommes. C'était très important pour elle, il fallait qu'elle montre qu'elle en était capable, aux yeux de tous ces hommes qui demandaient encore des preuves. 

                   Grégoire voulut faire de même, cependant sa mère refusa, il ne manquerait plus que son enfant tombe malade... Pourtant, il fallait avouer qu'elle n'avait jamais été préparée à coucher à même le sol dur de la forêt. Ni sa propre mère, ni ses gouvernantes, ni les livres de la bibliothèque de son mari ne lui avait enseigné cette science. Elle ne réussissait jamais à trouver une bonne position, soit il y avait un caillou, soit une racine, soit une dépression qui semblait existé uniquement pour son déplaisir. Décidément, les moniales d'Anger devaient revoir leur enseignement. Elle sourit à cette pensée et se surprit à pester contre le bruit du vent dans les arbres, à la manière de Claire. 

Charles, qui dormait non loin, soupira. L'apprentissage allait être long. Il toucha l'épaule de Maud. Elle sursauta. Charles lui tendit sa veste sans un mot. Comme Maud hésitait   -elle avait sa fierté tout de même-    le Marquis posa le vêtement et alla se rendormir. 

"Je fais tout ça pour toi, vieux frère" pensa Charles "N'hésite pas à m'envoyer un signe si je le fais mal, je me sens perdu".

De son côté, Maud se décida enfin à prendre la veste, cette dernière n'allait pas choir inutilement sur un bosquet, c'était stupide, autant qu'elle serve à quelqu'un si Charles s'obstinait à ne pas la prendre. Elle aussi était rongée par le doute. Quand enfin elle arriva à trouver un terrain plus plat, elle se mit à trembler de froid. Après les victoires de ces derniers temps, elle avait pensé que tout serait facile. Elle se situait tellement loin de la réalité. Ce fut finalement d'épuisement qu'elle sombra dans le sommeil, après s'être frictionnée du mieux qu'elle pouvait.

Maud fit alors un rêve très étrange. Il y avait une grande allée lumineuse, elle ressemblait à celle qui menait au château de la Guérinière, les arbres s'y apparentaient et même une sensation familière l'imprégnait mais ce n'était pas la Guérinière. Ce n'était pas exactement chez elle. Les couleurs étaient plus profondes, plus éclatantes. L'espace lui semblait infinis. Elle marcha seule pendant un moment, le crissement des graviers résonnait doucement à ses oreilles comme une mélodie. C'était assez agréable, elle se sentait légère sans aucune anxiété, le poids qui empesait sa poitrine depuis le début des hostilités c'était envolé. Grégoire la rejoignit en sautillant et lui prit la main en riant. Son rire remplissait la plaine, se perdant dans l'immense horizon de son rêve, l'enveloppant, réjouissant son cœur de mère. Ils cheminèrent ainsi paisiblement ensemble, comme s'ils flottaient dans une brume épaisse, comme volant sur un nuage. Apparut soudainement à leurs côtés, Eugène. A le voir, Maud n'éprouva pas de surprise ni de tristesse, cela paraissait presque normal. Elle lui sourit et lui prit son bras libre, ses doigts s'agrippait au pans de son manteau de chasse. En effet, l'autre bras de son époux portait un bouquet de lys blanc où brillaient des perles de rosée. Eugène lui souriait plein de tendresse et d'affection. Des étoiles brillaient dans ses yeux sombres. Maud se perdait dans la prunelle de ses yeux.

Elle aperçut aussi Claire, qui apportait de même, des lys immaculés. Sans sa robe de bonne, ou plutôt une tunique de couleur pastel, elle était magnifique avec un gracieux sourire aux lèvres. Ensuite, Damien, les mains dans les poches, de manière habituelle. Il regardait Claire danser sur la plaine. Les Bonchamps s'assemblèrent avec eux. Charles portait une poignée des mêmes fleurettes qui ornaient sa gibecière. Cathelineau aussi se manifesta avec le même assemblage de fleurs, attaché à son coude. Les d'Elbée de même, portaient ensemble une gerbe. Plusieurs villageois de la Guérinière aussi arborait ces fleurs blanches, mais pas tous. Il y avait Chapelle, les parents Randoit, quelques Murice. De même que les Montfort. D'autres personnages que Maud ne reconnut pas, possédaient des lys. Ils paraissaient être de hauts personnages, portant un grand uniforme, une écharpe de commandements. Il y a avait des hommes, des femmes et des enfants de toutes conditions, qui transportaient ses fleurs avec fierté. Ils formaient à présent une foule nombreuse qui marchait sur cette étrange allée. Les lys devenaient de plus en plus nombreux à fleurir sur la plaine. Sa famille surgit de cette foule, ses parents. Elle était unie, ce qui ajoutait une note de fantastique à cette vision. Ses parents qui se tenait la main, comme de jeunes jouvenceaux, son père portait un lys à sa boutonnière. Son oncle suivait, détendu pour une fois, une fleur dans sa ceinture. Sa sœur Athalie et son mari, étaient dans leur sillage. Rufus son frère était en compagnie d'une gracieuse jeune femme, cette dernière avait une couronne des fleurs royale. Lui-même avait une toute petite derrière l'oreille.

La Louve de la Grande ArméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant