Chapitre XIV: Départ

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 Après une rude et fatigante chevauchée dans les chemins creux et sentiers où se pressaient les paysans, où les rumeurs et les cris retentissaient derrière chaque buisson, nos amis  entrèrent dans le domaine du Marquis.  Maud vit son enfant courir vers elle, ce qui la réveilla de sa torpeur. La jeune femme avait à peine mis pied à terre, qu'il sauta à son cou, manquant de la faire tomber. Maud le serra fort, l'embrassant sur tous son visage et ses joues.

- Ne me faites plus jamais ça. J'ai eu tellement...

Mais sa fierté masculine l'empêcha de dire le mot « peur »,  Maud le devina très bien et le câlina de plus belle.

- Maud ! Cria Marie.

- Madame Maud ! Reprit Claire.

- Marraine ! Gazouilla Zoé.

      La Marquise, les enfants et Claire accoururent, la pressant de questions, l'invitèrent à entrer et à se reposer au château. Elle vit avec effarement que tous les domestiques de la Guérinière l'y attendaient, ayant été chassé par les bleus. Seul le majordome, avait trépassé à son poste. Ils déjeunèrent à peine, tous étaient encore sous le choc et aucun ne trouvait de l'appétit. Charles raconta comment la municipalité avait insulté et méprisé la jeunesse paysanne lors du tirage au sort. On leur avait même braqué un canon vers eux. Il n'y avait pas de joie dans les cœurs, comme un jour de pluie, une angoisse sourde qui faisait trembler tout le monde. Maud demanda à faire une sieste pour se remettre de ses émotions, tandis que Charles et Marie conversaient sur une meilleure cachette pour leur compagne. Lorsqu'elle se réveilla, la jeune femme mit du temps à se rappeler où elle était et à se remémorer les différents évènements qui l'avaient conduite ici. Elle entrouvrit les rideaux pour voir le domaine de la Baronnière, une surprise de taille l'attendait dehors. Les émeutiers de la matinée campaient dans le jardin des Bonchamps. Maud se rhabilla en hâte et descendit dans le hall d'entrée où toute la maisonnée était déjà sur le pied de guerre.

- Que se passe-t-il ? Que veulent-ils ?

- Un chef, gémit Marie. Ces paysans ne veulent pas que d'une simple échauffourée, ils veulent se battre. Cela fait des heures que Charles refuse. Pourquoi n'entendent-ils pas raison ?... Même son ami, Labrousse, est des leurs! S'étonna Marie en revenant près de la fenêtre.

La Baronne compatit avec son hôtesse quand elle sentit une main tirant sa robe. C'était Grégoire:

- Mère, il y a Montfort qui dit que mon père aurait déjà répondu à l'appel. Vous pensez qu'il a raison ?

Elle réfléchit, l'instant était grave et elle ne devait pas répondre à la légère. Une soudaine inspiration lui fit faire oui de la tête.

- Alors je dois y aller Mère, déclara Grégoire, c'est mon devoir.

Voir son fils si jeune et déjà si mûr, fit frissonner la Baronne. Les mots étaient prononcés devant l'Histoire et devant Dieu. Ils devaient donc répondre à cet appel?

- Nous irons ensemble mon fils.

Marie qui avait surpris la discussion, intervint ;

- Tu n'y penses pas ? Tu es une femme et Grégoire n'a que neuf ans !

- Jeanne d'Arc n'était-elle pas pucelle ? Et Grégoire est un Guérinière. « En attente du sacrifice. ». Si sa terre se rebelle, il en sera de même pour lui. Nous devons aussi venger Eugène.

- Maud mon amie. La douleur t'égare. Un village contre la France entière ? et puis, est-ce que seulement ils t'obéiront ?

- Nous allons voir. Grégoire venez-vous?

La Louve de la Grande ArméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant