Incompatibles - TOME 2

Chapitre n°17- Les risques de l'amour

On s'arrêta devant une sorte d'entrepôt/atelier d'où de la musique se dégageait.

- Qu'est-ce que c'est ?

- J'ai des potes c'est des ouf d'art, c'est leur expo là, c'est très contemporain mais jpense tu vas kiffer.

Une expo. Il est fort le con. Il connait ma sensibilité pour l'art et particulièrement pour les expositions.

Je contenais ma joie, n'étant toujours aussi déterminée à ne pas lui donner ce qu'il voulait: mon sourire. Un sourire de ma part lui donnerait trop d'avance, et même si j'avais décidé de lui donner une seconde chance, je n'allais tout de même pas lui mâcher le travail!

L'ambiance battait son plein, il y avait des jeux de lumière avec des néons qui s'accordaient aux oeuvres et la musique rythmait les mouvements des personnes présentes. Tout était réunit pour faire kiffer. Ken se fraya un chemin très rapidement vers le bar et nous récupéra des verres.

J'observai le verre de vin blanc qu'il me tendait. En le récupérant je m'efforçai de ne rien dire, mais je n'en pensais pas moins. Il ne te connait pas si bien que ça finalement...

- Range ta mine boudeuse, y'avait pas de Daïquiri, je me suis dis que t'allais pas kiffer le whisky non plus.

Si, il me connait bien en fait. Je sirotais mon verre de vin tandis que Ken saluait tout un tas de personnes. Alors qu'une conversation semblait s'éterniser, je m'esquivai discrètement pour enfin avancer dans la galerie. J'étais arrêtée depuis un bon petit moment devant une affiche quand quelqu'un me sortit de mes pensées.

- Alors, ton cavalier t'a fait faux-bond ?

Je me retournai pour me retrouver face à un homme qui semblait avoir le même âge que mon cavalier en question.

- Il semblerait qu'il ait trouvé meilleure compagnie, dis-je en me retournant pour constater que celui-ci était en plein débat avec les mêmes personnes avec qui il était auparavant.

- T'aurais dû réfléchir avant de le choisir pour ce rôle.

J'arquai mes sourcils, je sais pas qui c'est ce mec mais il n'a pas froid aux yeux.

- Pourquoi ça ? J'aurais dû choisir quelqu'un d'autre ?

- Oui.

- Qui donc ?

- Mmh... moi, par exemple.

Un ricanement mauvais m'échappa, les beaux parleurs c'est vraiment pas ma passion.

- Oui, c'est ça.

- Tu l'as rencontré comment Nekfeu ?

- T'es fan ?

- Ah pas du tout non, au contraire.

Il m'avait vu arriver avec le rappeur et il se permettait de le dénigrer devant moi. Il avait piqué ma curiosité, je me retournais à nouveau face à lui.

- Développe.

- Les babtous comme lui là, qui font du rap commercial, c'est ridicule la vérité.

- T'as l'air de bien le connaître pour un mec qui ne l'aime pas.

- Jl'ai côtoyé avant ouais, j'ai vite fait le tour. Jte prévient comme ça tu perds pas ton temps comme je l'ai fait.

- Et, tu es ... ?

- Sur le départ, à plus la miss.

« La miss » ? Je levai les yeux aux ciels, ce mec représente tellement tout ce que je déteste dans les vieux « plans drague ». J'avais pas compris pourquoi il avait pris la fuite tout d'un coup, mais je compris quand je sentis la main de Ken se poser sur le bas de mon dos.

- Ça te plait ?

- Ouais nickel, je suis solo à une expo à laquelle mon ex m'a ramené pour sois-disant me faire une surprise, un régal.

- Ancien-ex, me rectifia-t-il.

- Comment tu veux que je te qualifie ?

- « L'homme de ta vie » ça me va très bien.

Je le fixais intensément. Retiens-toi Jules.

- Ah ! Je l'ai vu !

- T'as vu quoi ?

- T'as failli sourire, allé, avoue que j'ai réussi, avoue que je gagne des points.

- Pas du tout Ken.

Il me lança le regard auquel, il sait pertinemment que, je ne peux résister. À partir de là, ça ne servait plus à rien de lutter, j'explosai de rire, tous les sourires que j'avais résorbé pendant la soirée, revenaient soudainement et je rayonnais littéralement. Ouf, ça fait du bien.

Comme si mon rire était communicatif, j'emportai Ken avec moi dans ma bonne humeur. Je ne sais comment, mais j'atterrissais dans ses bras, je sentais son sourire au creux de mon cou.

- Tu vois, c'est de te rendre heureuse qui me rend heureux, chuchota-t-il dans mon oreille.

Je m'éloignai pour ancrer mes yeux dans les siens, son visage n'était qu'à quelques centimètres du mien et l'instant d'un battement de cil je m'imaginais sceller nos lèvres. Lui ne franchirait pas le pas, parce qu'il savait que c'était à moi de le faire, alors j'étais sure qu'il n'essaierait pas de m'embrasser. Une chose est sûre, c'est qu'il en avait autant envie que moi ...

Dans un moment de lucidité je lui donnai un léger coup dans l'épaule pour l'éloigner de moi, un soupire m'échappai tandis que lui gardait un air mutin sur le visage.

- Avec qui tu parlais ? J'ai pas pu voir son visage.

- Aucune idée, il ne m'a pas donné son prénom.

- Chelou... on fait un tour et on y va ?

Rapidement nous avions fait le tour des oeuvres et après avoir été interrompu une bonne dizaine de fois par des gens qui interpellaient Ken, on finit par sortir de l'établissement.

J'avais arrêté de compter mes verres de vin au bout du cinquième et pour être totalement honnête, j'étais pompette voir très clairement sèche. Je refusai catégoriquement de reprendre le métro pour rentrer, Ken proposa de marcher et j'obtempérai volontiers, marcher allait me faire du bien. 

Au début je titubais un peu puis je m'habituai et je n'avais plus l'impression de marcher sur des échasses. J'entendis un bruit sec derrière moi et en me retournant je constatai que Ken avait peut-être lui aussi un léger coup dans le nez. Il venait littéralement d'éclater son téléphone sur le sol. Il le ramassa plus ou moins (surtout moins) avec agilité et je crus apercevoir un flash m'éblouir.

- Ken, t'es bourré ?

- Arrête, j'ai quasi pas bu.

- Oui enfin t'as plus l'habitude de boire mon grand.

- Mon grand ? Avant c'était « bébé »...

Il s'approcha de moi.

- Ken, arrête.

- Arrêter quoi ?

Il s'approcha un peu plus de moi.

- Ça.

Il continua à avancer, tellement qu'à présent nos nez n'étaient pas loin de rentrer en contact.

- Aller Jules, embrasse-moi, je sais que t'en crève d'envie. Jveux faire les choses bien et te laisser prendre la décision de passer ce cap mais là... je sens que t'en as envie ? Pourquoi tu résiste.

J'étais en total conflit avec moi-même. Oui, j'en ai envie.