Chapitre n°10- « Si je la perds, je l'aurais cherché ».

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Point de vue de Ken.

À peine avait-elle levé les yeux vers moi que j'avais compris l'ampleur que prenait cette histoire. Jusqu'alors, elle m'avait paru si fragile, si fébrile. Elle était plus mince et ses cheveux courts lui donnaient un air tellement enfantin et délicat, que la laisser seule dans cette chambre d'hôtel et retourner sur Paname, m'avait été impossible.

Ses yeux étaient si froids, si distants que j'aurais pu croire qu'elle n'avait pas besoin de moi, qu'au contraire ma présence l'importunait. Mais je la connaissais. Elle avait besoin de moi, elle pouvait faire la meuf forte devant qui elle voulait, mais avec moi, ça ne marchait pas. Je comptais bien avoir cette fameuse discussion avec elle, que ça lui plaise ou non.

Elle était éteinte depuis que je l'avais récupéré à l'aéroport. TROP éteinte. Elle est peut-être de glace mais quand quelque chose lui teint à coeur, elle a un tempérament de feu. C'est en partie ça qui m'a fait tomber amoureux d'elle.

Sauf que de la voir ne pas réagir, ou alors faiblement, me faisait vriller. En avait-elle plus rien à foutre de moi ? J'allais pas me gêner à la pousser à bout pour m'en assurer. Si elle s'énervait, c'est qu'il y avait toujours de l'espoir. Go la pousser à bout, au risque de griller mes chances. Faut savoir prendre des risques dans la vie.

- Bah quoi ? T'as rien à dire ?

Ses yeux habituellement si glacials, lancèrent des flammes.

- Tu la ramènes un peu trop pour un mec qui a bien fait de la merde.

Une pique. On est sur la bonne voie. J'allais lui répondre, mais elle était visiblement lancée.

- Tu te rends pas compte ce que ça me fait de t'avoir là à deux mètres alors que tu t'es tapé ma cousine. Quand je te regarde, je la vois dans tes bras, ça me dégoûte.

- C'est arrivé qu'une fois, c'était une erreur.

C'est ce que je n'arrêtais pas de répéter, mais en même temps c'était tellement vrai. Je ne pouvais pas être plus honnête.

- En partant du principe que je te crois, c'était la fois de trop.

- Comment ça « en partant du principe que je te crois » ?

- Je te crois plus, c'est pour ça que cette conversation n'a aucun sens, tout ce que tu me dis ça rentre d'une oreille et ça sort par l'autre, j'ai pas confiance en toi.

Aïe, ça fait mal.

- On n'était pas ensemble Julietta, je te rappelle que t'étais sur le point de te fiancer avec l'autre guignol.

- T'es pas en train d'essayer de me remettre la faute dessus j'espère ?!

Ah elle commençait à hausser le ton, bien.

- Ce que je dis c'est que peut-être si tu t'étais pas mis en couple avec ton meilleur ami juste après notre rupture, ce serait peut être pas arrivé.

Elle sauta du lit, visiblement verte de rage. Bingo, elle est vénère. Ça veut dire qu'elle m'aime encore, logique.

- Ah mais c'est que t'es sérieux en plus ! J'y crois pas ce que tu peux être égocentrique. Tu ramènes tout et tout le temps à toi !

Elle hurlait à présent, quelque chose en moi me donnait envie de pousser encore plus le bouchon, comme si j'allais pouvoir mesurer son amour pour moi à sa haine. Askip entre l'amour et la haine il n'y a qu'un pas, ça doit être possible en sens inverse.

- Bien sûre que je suis sérieux, y'a pas de fumée sans feu Julietta.

- Et Roxane, c'est quoi ton excuse pour ça ?

- Je t'ai pas trompé avec Roxane, c'est arrivé avant qu'on se décide à se mettre en couple.

- Mais on se fréquentait déjà, n'est-ce pas ?

Je ne répondais pas, je sentais qu'elle arrivait au moment de l'explosion. Je devais être maso, mais j'attendais ce moment avec impatiente. Dans ma tête, je ne voyais qu'une seule chose: si elle s'énerve c'est qu'elle m'aime encore.

- Allô ?! Oui ou non ?! On se fréquentait déjà, hein ?!

- Oui.

- Et tu l'as quand même fait.

- Oui.

- De toute façon c'est même pas ça le pire, c'est Morgane. T'as recouché avec elle ?

En vrai non, mais c'est un « oui » qui sorti de mes lèvres. J'avais pas contrôlé cette réponse, l'impulsif en moi y voyait un moyen de la faire péter un plomb. Je voulais juste une putain de réaction de sa part. J'étais sur le point de jubiler en sachant l'ouragan que j'allais me prendre en pleine gueule.

Ses yeux étaient perçants et durant un court instant j'eus ce que je voulais, du feu émanait de ses prunelles. Sauf que je regrettai aussitôt ma connerie quand son visage se décomposa. Non, elle n'était pas enragée. Elle n'avait pas la réaction que j'attendais, non. C'était bien pire.

Elle s'effondra, complètement. Toute la douleur du monde accablait ses traits. Putain mais t'es le roi des cons fennec! J'avais la femme de ma vie en face de moi et tout ce que je trouvais à faire, c'était de la faire pleurer. De lui faire du mal. Qu'est-ce qui va pas chez moi putain?

Je me levai pour la prendre dans mes bras, la voir si affaiblie, ça me tuait. Et c'était de ma faute. Cette fois personne à blâmer, personne à démonter, j'avais envie de me fracasser la tête contre le mur. Alors que j'arrivais à sa hauteur elle recula. Laisse-moi t'approcher bébé. Elle me tournait le dos, puis elle se retourna vivement.

- C'est trop facile de faire ça Ken ! Me faire du mal pour de suite me réconforter ! Ça n'a aucun putain de sens !

- Pardon, je sais pas pourquoi j'ai dit ça, j'ai pas revu Morgane. Ni aucune autre meuf d'ailleurs, la seule femme que j'avais et que j'ai toujours, dans la tête, c'est toi.

- Je te crois pas.

- Sur la vie de mon neveu.

Elle me dévisageait, les larmes s'étaient calmées. Je passais aux rayons X. C'était tellement son truc de faire ça, ses yeux vous perçaient à jour avant même que vous puissiez faire quelque chose.

- Écoute, j'ai plus envie de parler avec toi. J'étais même pas censé te revoir. Là c'est trop pour moi.

- Tu veux que je parte.

Ses yeux se replissèrent d'eau une fois de plus. Elle voulait que je reste, elle avait peur, peur que je parte à Paris. Je le sentais.

- Me force pas à le dire Ken. Je veux pas que ce soit la dernière conversation qu'on ai eut si il t'arrive quoi que ce soit. C'est clair ?

- Limpide comme de l'eau de roche.

Je restais. Cette conversation est tellement révélatrice de notre relation. On s'aime autant qu'on se déchire. Mais pour l'instant, avec les événements, on met tout ça en stand-by. Elle alla s'enfouir sous la couette du lit, je ne distinguais plus son visage. Je voulus lui dire de ne pas se couvrir la tête, c'est une vision qui m'avait tellement manqué. Juste son visage. Sauf que clairement, j'abuserais si je lui demandais ça. Alors j'allai m'affaler sur le canapé. Dans un sens j'avais eu ce que je voulais, elle m'aimait encore. Manquait plus qu'elle se rende compte que notre amour était plus fort que tout.

Incompatibles - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant