9

78 4 0
                                    

— Bonjour Ana ! Bien Dormi ?

J'entre-ouvre les yeux pour m'apercevoir que je suis blottie tout contre lui. Je me dégage en tentant de remettre mes idées au clair. La soirée d'hier soir a été plus que sensuelle, mais non, il ne s'est rien passé. Rassurée sur mes souvenirs, je lui demande :

— Tu as dormi avec moi ?

— Eh bien, je crois bien que oui ! Me répond-t-il en souriant. Quand tu t'es endormie, tu t'es blottie contre moi et j'ai voulu attendre un peu que ton sommeil soit profond pour ne pas te réveiller. Et je crois que le sommeil m'a surpris à mon tour.

— Mais où dors-tu d'habitude ?

— D'habitude ? Dans mon lit ! Me répond-t-il pour me taquiner, bien qu'ayant compris ma question. — Je me suis installé un hamac à la belle étoile. Tu t'inquiètes de mon sommeil maintenant ? Il était temps, non ?

C'est vrai que ça ne me m'a jamais préoccupée de savoir où il peut bien dormir. Il se lève et s'étire tel un félin. J'enfile ma chemise de nuit/ t-shirt, et m'étire à mon tour. Je me sens terriblement bien. Adieu les courbatures de la veille.

— Merci, Joshua ! Tu es très efficace !

— De rien m'dam' ! A vot' service ! Me répond-t-il avec un accent trainant à la John Wayne.

Je ris de ses bêtises. Il m'entraine dehors pour déjeuner. Il est d'humeur guillerette ce matin, et sifflote tout en préparant notre festin du matin. Nous déjeunons en silence en observant la nature s'éveiller sous la douceur des rayons qui filtrent à travers la frondaison des arbres.

Depuis que je suis ici, j'ai appris à vivre avec le soleil. Nous nous réveillons aux aurores et nous couchons relativement tôt le soir. C'est bien une nouveauté pour moi qui était habituée à vivre beaucoup de nuit. Mais ici, il n'y a pas moyen de faire autrement. Josh vit comme dans l'ancien temps, sans une once de modernité. Pas de téléphone, d'électricité, ni d'eau courante... Il se chauffe avec son poêle à bois, et à deux grosses citernes pour récupérer les eaux de pluies. Dans cette région, elles sont rarement à sec, même au plus chaud de l'été.

— Joshua ? Pourquoi es-tu venu vivre ici ? Pourquoi à tu eu besoin de te couper du monde à ce point ? Il t'est arrivé quoi pour en arriver là ?

— Rien ! Dit-il. Ici, c'est chez moi, je suis né ici. Je n'ai jamais connu d'autres façons de vivre. Et de ce que j'ai pu en voir en ville, ça ne me manque pas.

— Mais comment est-ce possible, Josh ?

— Ca y est, c'est la journée des questions ? Me demande –t-il en riant.

— Et pourquoi pas, d'abord ? Minaudais-je. Je ne sais rien de toi, et il y a peu, si on m'avait dit qu'un être tel que toi existais, j'aurais dit que ça ne pouvait être qu'un cinglé.

— Il y a peu, tu me prenais pour un sauvage !

— C'est vrai ! Mais il y avait de quoi ! Mais arrête de détourner mon attention, je te prie.

Il rit.

— Mes parents étaient ce qu'on peut appeler des originaux ! Ils se sont rencontré à l'université et se sont plus aussitôt. Ils faisaient des études de sociologie, et ont intégré des mouvements utopistes de l'université, qui discutaient des moyens possibles de vivre autrement de ce que la société propose. Mais après leurs études, là où tous les autres sont repartis s'intégrer à celle-ci, mes parents ont continué à rêver. Ils ont décidés de faire en sorte de vivre en totale autarcie. Et ils se sont installés ici. C'est eux qui ont tout construit ici. Cela n'a pas été simple au début, ils ont dus revenir en ville régulièrement pour s'équiper. Ils se sont définitivement installés l'été suivant. L'année d'après, je naissais. Ma mère m'a mis au monde avec la seule aide de mon père. La semaine suivante, mon père était retourné en ville déclarer ma naissance de façon à ce que j'ai une identité officielle. Et du moment où il est revenu, ils n'ont plus bougé d'ici, sauf pour aller faire un peu de commerce à Notown.

— Mais c'est une histoire de fous ! Oups ! Je veux dire que c'est incroyable, qu'on puisse faire ça au vingt et unième siècle ! Mais, tu n'as jamais été à l'école ?

— Non ! Mes parents m'ont fait l'enseignement eux même. Ils m'ont appris ce que tous les petits écoliers apprennent à l'école, rassures-toi, je ne suis pas totalement idiot ; mais l'après-midi, au lieu de faire du sport ou du théâtre, j'apprenais la vie ici : la faune et la flore, et cetera ... Je suis resté ici jusqu'à mes quinze ans sans voir autre chose. Là, mes parents ont voulu m'inscrire au lycée de façon à m'ouvrir au monde. S'ils étaient utopiques, ils étaient conscient de ne pas m'imposer ce modèle toute ma vie. Ils voulaient que moi, je puisse avoir le choix qu'ils ont eu.

— Tu as donc passé tes diplômes, et après ? Tu n'as pas eu envie de conquérir le monde ?

— Pas vraiment, non ! Je n'y suis resté qu'un mois à peu près avant de péter les plombs, de prendre mon sac, et de revenir ici par mes propres moyens. Ce qui ne posait pas de problème en soit, puisque je connais cette forêt par cœur !

— Et tes parents ?

—Ils sont décédés il y a une dizaines d'années ! J'avais vingt-trois ans.

— Mais que leur est-il arrivé, ils étaient jeunes, non ?

— Oui ! Ils ont eu un accident en allant faire du commerce à Notown. Un chauffard ivre a renversé leur étal. Le temps que l'on me prévienne, ils étaient enterrés depuis longtemps. Alors je suis resté ici. J'ai repris leur commerce d'herbes médicinales, et je retourne à Notown trois fois l'an, en avril, en août et en octobre, et voilà !

Et bien ! En voilà une drôle d'histoire ! Il a toujours vécu ainsi. Pas étonnant qu'il ne veuille pas en partir. Mais ça fait quand même dix ans qu'il est seul. Comment fait-il pour supporter cette solitude ?

Reviens-moi   (Histoire complète)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant